LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Gilles X...,
contre l'arrêt de cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'abus de confiance et obtention par fraude des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 5, 475-1, 497, 509 à 515, 520, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de réponse à conclusions, violation de la loi ;
"en ce que la cour d'appel a annulé le jugement entrepris en ses dispositions civiles et évoquant, a déclaré M. X... entièrement responsable du préjudice causé à la partie civile résultant de la prévention, a condamné M. X... à payer à la société Manufacture française de décors alimentaires la somme de 18 076,74 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que, pour allouer 6 241,41 euros à la partie civile, le tribunal s'est fondé sur la relaxe partielle du prévenu ; que cependant le premier juge a fondé cette décision en relevant seulement qu'il ne résultait pas des éléments du dossier et des débats, la preuve que M. X... se soit rendu coupable des faits d'abus de confiance concernant les points 1, 3, 5, 7, 8, 10 de la prévention ; que cette insuffisance de motivation équivaut à une absence de motivation, et doit conduire à l'annulation des dispositions civiles du jugement entrepris concernant M. X... ; qu'il convient donc d'évoquer et de statuer au fond conformément à l'article 520 du code de procédure pénale ; que les points 2, 4, 6 et 9 de la prévention au titre desquels le premier juge a octroyé 6 241,41 euros de dommages-intérêts à la partie civile ne sont pas discutés ; que le montant n'est pas discuté dans son principe et dans son quantum ; qu'il convient, dès lors, de condamner, au titre de ces chefs de prévention, M. X... à payer à Manudecors la somme de 6 241,41 euros ; que sur les indemnités sollicitées au titre des chefs de prévention 1 et 5, sur la fiche de paie du prévenu de janvier 2002 figure un solde de prime de bilan (50%) de 11 487,51 au lieu de 7 342,71 euros soit un trop payé de 4 145 euros auquel il convient d'ajouter les charges patronales, soit 2 664 euros ; que le préjudice de Manudecors de ce chef s'élève donc à 6 809 euros ; que sur les indemnités sollicitées au titre du chef de prévention n° 8, salaire de décembre 2001, Manudecors met en compte la prime de bilan pour 4 104,80 euros et les charges patronales y afférentes soit 1 989,50 euros ; que ce préjudice a déjà été indemnisé au titre des chefs de prévention 1 et 5 ; que cette prétention doit être rejetée, étant précisé que le prévenu pour le mois de décembre n'a pas bénéficié d'un trop perçu de salaire ; que s'agissant du mois de janvier 2002, le prévenu a déduit de son salaire un acompte de 3 506,33 euros mais a effectué un virement du même montant le 2 janvier sur son compte bancaire, de telle sorte qu'il reste redevable à la partie civile de ce montant ; que concernant la réparation réclamée au titre du chef de prévention n° 10, il résulte d'une étude non contestée réalisée par la société d'expertise comptable « Audit conseil s.a. » à Mulhouse, en date du 7 mars 2005, que pour la période du 30 janvier 2000 au 30 septembre 2003, M. X... n'a pas appliqué la CSG et la RDS sur ses primes de bilan, soit un montant éludé de 8 960 euros ; que, comme la prévention ne porte que sur les exercices 2002 à juin 2005 inclusivement, ne peuvent être retenus que les montants omis en 2002, soit 127 euros et en 2003 pour 1 393 euros ce qui représente un total de 1 520 euros ; que le préjudice de Manudecors s'établit donc ainsi :chefs de poursuite n° 1 et 5 : 6 809,00 euros ; chef de poursuite n° 8 : 3 506,33 euros ;chef de poursuite n° 10 : 1 520 euros, 11 835,33 euros ;qu'il convient d'ajouter ce montant à la somme de 6 241,41 euros indemnisant les autres chefs de préjudice ; qu'il revient donc à Manudecors une indemnité de 18 076,74 euros ; qu'il convient d'allouer à la partie civile une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
"1) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. X... faisant pertinemment valoir que l'appel de la société Manufacture française de décors alimentaires était irrecevable dès lors que par un jugement, en date du 26 avril 2010, dont l'appel était actuellement pendant devant la cour d'appel de Colmar, le tribunal de grande instance de Mulhouse avait déjà indemnisé le préjudice invoqué par la partie civile en condamnant M. X... à lui payer la somme de 15 071,72 euros, de sorte que la partie civile, qui avait saisi le juge civil de ses demandes, était irrecevable à les réitérer devant le juge pénal, la cour d'appel a nécessairement entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions ;
"2) alors que lorsqu'elle est saisie d'un appel portant sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel ne peut indemniser la partie civile appelante du préjudice allégué qu'après avoir dûment constaté que la preuve du délit faisant l'objet de la prévention était rapportée ; qu'en condamnant M. X... à payer la somme de 6 809 euros au titre des chefs de prévention d'abus de confiance n° 1 et n° 5 pour avoir perçu un trop plein de rémunération au mois de janvier 2002 sans constater que les sommes litigieuses avaient été remises à titre précaire à M. X... comme l'exige pourtant l'article 314-1 du code pénal, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"3) alors que lorsqu'elle est saisie d'un appel portant sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel ne peut indemniser la partie civile appelante du préjudice allégué qu'après avoir dûment constaté que la preuve du délit faisant l'objet de la prévention était rapportée ; qu'en condamnant M. X... à payer la somme de 3 506,33 euros au titre du chef de prévention d'abus de confiance n° 8 pour avoir effectué un virement de ce montant sur son compte bancaire sans constater que les sommes litigieuses avaient été remises à titre précaire à M. X... comme l'exige pourtant l'article 314-1 du code pénal, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"4) alors que lorsqu'elle est saisie d'un appel portant sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel ne peut indemniser la partie civile appelante du préjudice allégué qu'après avoir dûment constaté que la preuve du délit faisant l'objet de la prévention était rapportée ; qu'en condamnant M. X... à payer la somme de 1 520 euros au titre du chefs de prévention d'abus de confiance n° 10 pour ne pas avoir appliqué la CSG-RDS sur des salaires perçus en 2002 et en 2003 sans constater que les sommes litigieuses avaient été remises à titre précaire à M. X... comme l'exige pourtant l'article 314-1 du code pénal, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"5) alors que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité du demandeur ; qu'en condamnant M. X... à payer la somme totale de 18 076,74 euros à titre de dommages-intérêts en faveur de la partie civile, comprenant la somme 6 241,41 euros au titre des chefs de prévention d'abus de confiance n° 2, 4, 6 et 9, quand l'appel interjeté par la partie civile ne portait que sur les conséquences civiles des chefs de prévention 1, 5, 8 et 10, la cour d'appel a méconnu le principe de l'effet dévolutif de l'appel et par voie de conséquence, l'article 509, alinéa 1er, du code de procédure pénale ;
"6) alors, subsidiairement, que lorsqu'elle est saisie d'un appel portant sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel ne peut indemniser la partie civile appelante du préjudice allégué qu'après avoir dûment constaté que la preuve du délit faisant l'objet de la prévention était rapportée ; qu'après avoir annulé les dispositions civiles du jugement entrepris en leur totalité, la cour d'appel ne pouvait condamner M. X... à payer la somme de 6 241,41 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des chefs de prévention d'abus de confiance n° 2, 4, 6 et 9 au simple motif que ce montant n'était pas discuté devant elle et sans constater que les sommes litigieuses avaient été remises à titre précaire à M. X... comme l'exige pourtant l'article 314-1 du code pénal, sans priver sa décision de toute base légale ;
"7) alors que lorsqu'elle n'est saisie que de l'appel interjeté par la partie civile sur les intérêts civils, la cour d'appel ne peut faire droit à la demande en condamnation au profit de la partie civile d'une somme en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale qu'après avoir caractérisé en tous ces éléments l'infraction reprochée à la prévention ; qu'en condamnant M. X... à payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale sans jamais caractériser, pour l'un des quelconques chefs de prévention d'abus de confiance, qu'il aurait perçu de son employeur une somme à titre précaire qu'il aurait sciemment omis de restituer, représenter ou faire un usage déterminé comme l'exige pourtant l'article 314-1 du code pénal, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi pour de multiples abus de confiance au préjudice de son employeur ; qu'il a été, pour partie des faits reprochés, renvoyé des fins de la poursuite par les premiers juges ; que seule la partie civile a interjeté appel de leur décision ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer à la partie civile diverses sommes en réparation de préjudices résultant de chefs de prévention dont celui-ci avait été relaxé, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les faits qui lui étaient déférés étaient constitutifs d'une infraction à la loi pénale engageant le responsabilité de son auteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 4 novembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentées par M. Gilles X... et la société Manufacture française de décors alimentaires ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pers conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.