LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 21 juin 2011), que M. X... a été engagé par la société Maser Engineering en qualité de chargé d'affaires par contrat à durée déterminée du 3 mai 1999 transformé en contrat à durée indéterminée le 1er mai 2000 ; qu'à compter du 12 novembre 2008, il a été temporairement affecté à un autre poste ; que, par lettre du 19 mai 2009 il a été licencié pour motif économique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes afférentes alors, selon le moyen :
1°/ que ni un contexte de marché difficile ni un ralentissement de la demande de nature à induire un résultat gravement déficitaire dans le secteur d'activité maintenance et ingénierie du groupe, d'après un «rapport financier semestriel», n'étaient de nature à caractériser à eux seuls des difficultés économiques propres à justifier un licenciement de ce chef; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que si la suppression d'emploi mentionnée dans une lettre de licenciement pour motif économique ne correspond pas à l'emploi qu'occupait effectivement le salarié au moment de la rupture, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Maser a fait état dans la lettre de licenciement de la suppression du poste de chargé d'affaires en charge de la mesure tridimensionnelle dans l'agence d'Harfleur cependant que, lors de la rupture, le salarié n'avait pas repris ce poste et occupait, après une affectation temporaire ayant pris fin pour un motif ayant lui-même pris fin, au sein du Groupe Crit à Orléans un poste de chargé de développement de la clientèle sur cette région; qu'en jugeant légitime le licenciement du salarié du fait de la suppression du poste de chargé d'affaires à Harfleur, la cour d'appel a violé l'article 1233-3 du code du travail ;
3°/ qu'en présence d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail postérieure à la notification d'un licenciement, pour l'appréciation du bien-fondé de la rupture, le juge doit prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation dès lors qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation; qu'après avoir constaté que le salarié avait fait citer la société Maser devant le conseil de prud'hommes alors qu'il était en cours de préavis, la cour d'appel devait s'interroger, ainsi qu'elle y était invitée, sur le comportement déloyal de la société Maser durant l'exécution du contrat de travail; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant d'admettre le légitimité du licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1233-3 du code du travail ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, le salarié s'était prévalu de l'attitude fautive de la société Maser qui l'avait licencié en mai 2009 pour suppression de l'agence d'Harfleur et suppression du poste de chargé d'affaire, cependant qu'en octobre 2010, l'agence d'Harfleur existait toujours, le département mesure géométrique tridimensionnelle également et un chargé d'affaires était recherché ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions assorties d'offres de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise affectaient également le secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait, lequel connaissait une baisse de charge importante et durable, et que l'emploi du salarié, temporairement affecté avec son accord dans un autre poste en raison de la perte de son permis de conduire, avait été effectivement supprimé ; que, sans avoir à se prononcer sur des griefs étrangers à la cause du licenciement et en appréciant l'ensemble des éléments de fait qui lui étaient soumis, elle a pu en déduire que la cause économique invoquée était établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. Christian X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail est rompu peu important qu'un préavis reste à effectuer ou qu'une dispense de préavis ait été accordée à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin par l'envoi de la lettre de licenciement ; que la rupture étant consommée à la date du 19 mai 2009 de la lettre de licenciement, la demande de résiliation du contrat de travail formée postérieurement le 9 septembre 2009 est nécessairement sans objet; que par lettre du 30 octobre 2008 l'employeur a affecté temporairement M. X... au Groupe CRIT à ORLEANS pour aménager son poste de travail à la suite du retrait de son permis de conduire pour «pouvoir concilier les difficultés de mobilité consécutives à l'infraction que vous avez commise avec votre activité professionnelle » et lui a confié un rôle de développement de clientèle sur cette région ; qu'en portant la mention lu et approuvé et sa signature sur la fiche de fonction qui était jointe à cette lettre, M. X... a explicitement approuvé la modification temporaire de ses tâches et du lieu où elles devaient s'exercer et toute discussion sur la validité de la clause de mobilité figurant dans son contrat de travail ou de la qualification du changement est sans intérêt ; que le motif du changement exprimé par cette lettre et non contesté par M. X... est la perte de son permis de conduire impliquant l'impossibilité de se servir du véhicule que l'entreprise mettait à sa disposition et de créer des difficultés de mobilité dans l'exercice de ses tâches ; qu'il apparaît ainsi non fondé à se plaindre de manoeuvres de son employeur visant à la décourager de se maintenir dans l'entreprise ou d'une exécution fautive du contrat de travail alors que l'employeur aurait pu s'estimer fondé du fait de la perte du permis de conduire à envisager la fin de la relation de travail ; que la fiche de poste prévoyait que l'affectation à ORLEANS prendrait fin le 31 décembre 2008 et que M. X... n'a en réalité pas repris son poste à HARFLEUR ; que les conditions qui avaient amené l'affectation temporaire se sont prolongées après cette date puisque M. X... selon ses propres écritures n'a récupéré son permis de conduire que le 25 mars 2009 à une époque où la fermeture de l'agence d'HARFLEUR à laquelle il était rattaché était déjà envisagée et qu'il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement par lettre du 18 avril 2009 ; que M. X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts spécifiques ; que la lettre de notification du licenciement économique du 19 mai 2009 se référait à la fois à l'existence de difficultés économiques « très faible chiffre d'affaires pour l'activité de mesure tridimensionnelle, lié notamment à la récession du secteur économique, situation très défavorable de l'établissement d'HARFLEUR en raison de la crise locale, difficultés de charge du secteur maintenance et ingénierie du Groupe CRIT «rendant nécessaire la réorganisation de l'entreprise et du secteur d'activité du Groupe par la suppression de l'agence d'HARFLEUR et la suppression du poste de chargé d'affaires en charge de la mesure tridimensionnelle» ; que l'employeur justifie par les pièces qu'il verse aux débats des pertes réalisées par la société en 2007 et 2008, et de la baisse du chiffre d'affaires, et de ce qu'en 2008 son actif net était devenu inférieur à la moitié du capital social ; qu'il établit également les difficultés financières particulièrement conséquentes de l'agence d'HARFLEUR déficitaire depuis 2005 de ce qu'un projet de réduction des effectifs avait dû être présenté et de recours au chômage technique jusqu'à ce que le préfet refuse eu égard au caractère structurel des difficultés ; qu'il établit également l'importance des difficultés concernant le secteur d'activité maintenance et ingénierie du Groupe CRIT auquel il appartient notamment « par le rapport financier semestriel' qu'il produit faisant état du contexte de marché difficile, du ralentissement de la demande des grands donneurs d'ordre, notamment dans l'automobile induisant un résultat gravement déficitaire ; que la réalité des difficultés économiques au moment du licenciement est ainsi justifiée, peu important que le site internet de l'entreprise qui constitue également un élément de publicité, n'en fasse pas particulièrement mention ; que l'employeur était tenu d'une obligation de reclassement au sein du groupe auquel il ne nie pas appartenir ; qu'il justifie avoir sollicité dès le 20 mars 2009 l'ensemble des structures faisant partie du groupe CRIT en indiquant quelles étaient les spécialités et fonction de M. X... en demandant aux entreprises de lui communiquer la liste des postes à pourvoir ; qu'il ne circonscrivait pas les recherches à des postes liées à la mesure tridimensionnelle comme lui en fait le reproche l'appelant mais tentait d'obtenir la liste de tous les postes parmi lesquels il aurait pu sélectionner ceux pouvant convenir à M. X... ; qu'il ne peut non plus être considéré que la demande de fourniture de liste de tous les postes était artificielle alors que les diverses sociétés ont fourni des listes parmi lesquelles aucun poste ne correspondait à ses compétences même avec des périodes d'adaptation ou un effort de formation ;
ET AUX MOTIFS QUE les difficultés économiques alléguées étaient avérées, l'entreprise ayant enregistré sur les exercices comptables 2005 à 2008 une perte cumulée de 1,14 million d'euros pour un chiffre d'affaires annuel qui est passé de 2,95 millions d'euros en 2005 à 1,89 million d'euro en 2008 ; que les projections établies par le Groupe CRIT sur l'exercice 2009 ne laissent prévoir aucune amélioration ;
1/ ALORS QUE ni un contexte de marché difficile ni un ralentissement de la demande de nature à induire un résultat gravement déficitaire dans le secteur d'activité maintenance et ingénierie du groupe, d'après un «rapport financier semestriel», n'étaient de nature à caractériser à eux seuls des difficultés économiques propres à justifier un licenciement de ce chef; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2/ ALORS QUE si la suppression d'emploi mentionnée dans une lettre de licenciement pour motif économique ne correspond pas à l'emploi qu'occupait effectivement le salarié au moment de la rupture, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société MASER a fait état dans la lettre de licenciement de la suppression du poste de chargé d'affaires en charge de la mesure tridimensionnelle dans l'agence d'HARFLEUR cependant que, lors de la rupture, M. X... n'avait pas repris ce poste et occupait, après une affectation temporaire ayant pris fin pour un motif ayant lui-même pris fin, au sein du Groupe CRIT à ORLEANS un poste de chargé de développement de la clientèle sur cette région; qu'en jugeant légitime le licenciement de M. X..., du fait de la suppression du poste de chargé d'affaires à HARFLEUR, la cour d'appel a violé l'article 1233-3 du code du travail ;
3/ ALORS QU'en présence d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail postérieure à la notification d'un licenciement, pour l'appréciation du bien-fondé de la rupture, le juge doit prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation dès lors qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation; qu'après avoir constaté que M. X... avait fait citer la société MASER devant le Conseil de Prud'hommes alors qu'il était en cours de préavis, la cour d'appel devait s'interroger, ainsi qu'elle y était invitée, sur le comportement déloyal de la société MASER durant l'exécution du contrat de travail; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant d'admettre le légitimité du licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1233-3 du code du travail;
4/ ET ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... s'était prévalu de l'attitude fautive de la société MASER qui l'avait licencié en mai 2009 pour suppression de l'agence d'HARFLEUR et suppression du poste de chargé d'affaire, cependant qu'en octobre 2010, l'agence d'HARFLEUR existait toujours, le département mesure géométrique tridimensionnelle également et un chargé d'affaires était recherché; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions assorties d'offres de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.