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18/10/2012 | FRANCE | N°11-22673

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 octobre 2012, 11-22673


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 8, 1. du Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ;

Attendu, selon ce texte, que l'entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l'annexe II, qu'il peut refuser de recevoir l'acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification, ou en lui retournant l'acte dans le délai d'une semaine, si celui-ci n'est pas rédigé o

u accompagné d'une traduction dans une langue comprise du destinataire ;

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 8, 1. du Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ;

Attendu, selon ce texte, que l'entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l'annexe II, qu'il peut refuser de recevoir l'acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification, ou en lui retournant l'acte dans le délai d'une semaine, si celui-ci n'est pas rédigé ou accompagné d'une traduction dans une langue comprise du destinataire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 2 avril 2009 du tribunal régional des affaires commerciales de Karlsruhe, la société Airmeex a été condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Fendt Fordertechnik, aux droits de laquelle se trouve la société Agco, qui a obtenu du greffier en chef d'un tribunal de grande instance une décision déclarant le jugement exécutoire en France ; que la société Airmeex a formé un recours et demandé la révocation de cette décision en faisant valoir que le jugement ne lui avait pas été notifié régulièrement ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la notification émanait du tribunal lui-même dont le jugement joint mentionnait l'adresse dans son en-tête de sorte que la société Airmeex, en ne réclamant pas une traduction et en laissant s'écouler le délai d'opposition sans accomplir aucune diligence, s'était exposée par sa propre négligence, et non parce qu'elle n'avait pas été mise en mesure de faire valoir ses droits, à la décision d'irrecevabilité qui a sanctionné la tardiveté de son opposition ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le formulaire destiné à informer la société Airmeex de la possibilité de refuser l'acte en le retournant à l'entité requise n'avait pas été rempli et ne comportait pas l'indication de l'adresse à laquelle l'acte devait être renvoyé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Révoque la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance d'Evry du 10 juillet 2010 ;

Rejette la demande tendant à voir déclarer exécutoire en France le jugement rendu le 2 avril 2009 par la chambre des affaires commerciales du tribunal régional de Karlsruhe ;

Condamne la société Agco aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Airmeex.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a rejeté la demande de révocation de la déclaration constatant le caractère exécutoire de la décision rendue le 2 avril 2009 par la chambre des affaires commerciales du Tribunal régional de KARLSRUHE (Allemagne),

AUX MOTIFS QU' « AIRMEEX soutient que l'acte introductif d'instance ne lui a pas été régulièrement notifié et que les modalités de signification du jugement ne lui ont pas permis de faire opposition en temps utile ; que le jugement du 2 avril 2009 a été notifié en langue allemande par le Tribunal de KARLSRUHE le 26 mai 2009 ; que la notice en français qui l'accompagnait indiquait, conformément aux dispositions du règlement ( CE) n° 1393/2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, que le destinataire pouvait refuser l'acte en réclamant sa traduction dans une langue connue de lui ; que cette notice précisait que le destinataire devait faire connaître son refus à la personne notifiant l'acte ; qu'en l'espèce, la notification émanait du tribunal lui-même dont le jugement joint mentionnait dans son en-tête : « Korrespondenz-Adresse Hans-Thomas- Str. 7 , 76133 Karlsruhe » ; que, dès lors et à supposer même qu'aucun de ses employés n'ait compris l'allemand, AIMEEX en ne faisant pas usage de son droit de réclamer une traduction et en laissant s'écouler le délai d'opposition de quinze jours sans accomplir aucune diligence s'est exposée par sa propre négligence, et non parce qu'elle n'avait pas été mise en mesure de faire valoir ses droits à la décision d'irrecevabilité qui a sanctionné la tardiveté de son opposition ; que par suite, il convient de rejeter le recours contre la décision constatant le caractère exécutoire du jugement du 2 avril 2009 » ;

1./ ALORS QUE la Cour d'appel ne s'est pas expliquée sur le moyen essentiel soulevé par la société AIRMEEX dans ses conclusions, selon lequel cette société n'a pu refuser de recevoir le jugement qui lui a été notifié en langue allemande, sans être accompagné d'une traduction en français, comme elle aurait pu le faire, non seulement au moment de la notification, mais aussi en le renvoyant à l'adresse qui aurait dû lui être indiquée dans la notice d'accompagnement, dans un délai d'une semaine, dans la mesure où ladite notice ne mentionnait pas l'adresse à laquelle l'acte refusé devait être retourné, toutes les mentions relatives à l'adresse ayant été laissées en blanc ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions de la société AIRMEEX, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2./ ALORS QUE l'arrêt attaqué ne pouvait considérer, comme il l'a fait, que la société AIRMEEX n'avait pas fait usage de son droit à réclamer une traduction du jugement litigieux, comme elle avait été mise en mesure de le faire, en ne faisant référence qu'à la possibilité qui lui était offerte de faire connaître son refus de recevoir l'acte non traduit à la personne lui notifiant l'acte, alors même qu'il résultait des mentions de la notice que le destinataire pouvait, aussi, refuser l'acte non traduit en le renvoyant à une adresse qui devait lui être indiquée en dessous, mais qui ne l'a pas été, dans un délai d'une semaine, en sorte que la société AIRMEEX, qui n'a pas réalisé immédiatement de quoi il s'agissait, n'a pu exercer l'option qui lui était proposée de refuser ultérieurement l'acte qui lui avait été notifié en langue allemande et, par conséquent, n'a pas été mise en mesure d'exercer en temps utile un recours contre la décision rendue par défaut à son encontre, dont elle n'a pas dûment été informée du contenu ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé, par omission, la notice accompagnant l'acte de notification qui proposait une alternative à un refus immédiat de recevoir l'acte et a violé l'article 1134 du code civil ;

3./ ALORS QUE, selon les dispositions combinées des articles 34 du règlement CE n° 44- 2001 du Conseil de l'Union Européenne du 22 décembre 2000 et 5 et 8 du règlement CE n° 1393/2007 du Parlement Européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra-judiciaires, des articles 509, 509-1 et 509- 2 du code de procédure civile, les actes doivent être signifiés ou notifiés au défendeur défaillant de telle manière qu'il puisse se défendre et, le cas échéant, mis en mesure d'exercer utilement les recours contre la décision rendue par défaut, que le destinataire d'une signification ou d'une notification peut refuser d'accepter un acte qui n'est pas traduit dans une langue comprise par lui, refus qui peut intervenir soit au moment de la notification, soit en retournant à l'entité requise dans le délai d'une semaine l'acte dont il s'agit ; que, dans ce cas, la date de la signification ou de la notification de l'acte est celle à laquelle l'acte accompagné de sa traduction sera signifié ou notifié conformément à la législation de l'Etat membre requis ; qu'en faisant, ainsi, courir le délai d'opposition à compter de la notification de l'acte non traduit, lors même que la société AIMEEX n'a pas été mise en mesure de refuser l'acte dans le délai d'une semaine dont elle disposait, faute de mention de l'adresse à laquelle renvoyer l'acte, dans les termes de l'annexe II du règlement n° 1393/2007 susvisé, la Cour d'appel a méconnu les dispositions dudit règlement, ensemble les articles 509, 509-1, 509-2 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention Européenne des Droits De L'homme sur le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a rejeté la demande de révocation constatant le caractère exécutoire de la décision rendue le 2 avril 2009 par la chambre des affaires commerciales du Tribunal Régional de KARLSRUHE (Allemagne),

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : « les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure » ; que suivant l'article 45 1° du même règlement, la juridiction saisie d'un recours prévu à l'article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 ; qu'aux termes de l'article 34 : « une décision n'est pas reconnue si (…) 2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision de alors qu'il était en mesure de le faire » ; que par un jugement de défaut rendu le 2 avril 2009, la chambre des affaires commerciales du Tribunal Régional de KARLSRRUHE a condamné avec exécution provisoire AIRMEEX à payer à FENDT FORDERTECHNICK la somme de 82 549, 40 euros, outre intérêts et frais, à titre de dommages-intérêts pour la livraison de marchandises défectueuses ; que la contestation de ce jugement par AIRMEEX a été rejetée, pour tardiveté, par un nouveau jugement du 21 août 2009 ; que le pourvoi en cassation formé par AIRMEEX a été rejeté sans examen » ;

ALORS QUE, dans ses conclusions devant la Cour d'appel de Paris, la société AIRMEEX soutenait qu'elle n'a pas été informée de la saisine du Tribunal de KARLSRUHE, l'acte introductif d'instance ne lui ayant pas été notifié en temps utile et de manière qu'elle puisse se défendre ; que, dans ces conditions, la décision du Tribunal de KARLSRUHE du 2 avril 2009 ne pouvait être reconnue par la juridiction française, en vertu des dispositions de l'article 34-2° du règlement CE 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, la société FENDT FORDERTECHNICK, demanderesse, n'ignorant pas que le bureau commercial d'AIRMEEX en Allemagne, au domicile de Monsieur Y... avait fermé à la suite de son licenciement ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, fût-ce même pour le rejeter, et en se bornant à constater que le recours effectué par la société AIRMEEX en Allemagne, avait été rejeté pour tardiveté, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-22673
Date de la décision : 18/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

UNION EUROPEENNE - Coopération judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 - Article 8 § 1 - Information du destinataire - Formalités - Défaut - Portée

JUGEMENTS ET ARRETS - Notification - Signification ou notification dans les Etats membres - Refus de réception de l'acte - Information du destinataire - Formalités - Défaut - Portée

Il résulte de l'article 8 § 1 du Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra-judiciaires, que l'entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l'annexe II, qu'il peut refuser de recevoir l'acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification, ou en lui retournant l'acte dans le délai d'une semaine, si celui-ci n'est pas rédigé ou accompagné d'une traduction dans une langue comprise du destinataire. Méconnaît les dispositions de ce texte, la cour d'appel qui dit régulière la notification à une société française d'un jugement rendu par une juridiction allemande en retenant que la notification émanait du tribunal lui-même dont le jugement joint mentionnait l'adresse dans son en-tête de sorte que la société, en ne réclamant pas une traduction et en laissant s'écouler le délai d'opposition sans accomplir aucune diligence, s'était exposée par sa propre négligence, à la décision d'irrecevabilité qui a sanctionné la tardiveté de son opposition, alors que le formulaire destiné à informer la société de la possibilité de refuser l'acte en le retournant à l'entité requise n'avait pas été rempli et ne comportait pas l'indication de l'adresse à laquelle l'acte devait être renvoyé


Références :

article 8 § 1 du Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 oct. 2012, pourvoi n°11-22673, Bull. civ. 2012, II, n° 179
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, II, n° 179

Composition du Tribunal
Président : M. Boval (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lathoud
Rapporteur ?: M. Pimoulle
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22673
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