LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 16 octobre 1995 par la société Installation téléphonique et signalisation en qualité de conducteur de travaux ; que, victime d'un accident du travail le 10 Juin 2008, il a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 1er décembre 2008 et a été licencié pour faute grave le 17 mars 2009 ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en indemnisation du préjudice causé par les détournements imputés au salarié, lequel a, reconventionnellement, demandé l'annulation de son licenciement et la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes relatives à la nullité du licenciement et au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les faits reprochés constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. X... de ses demandes relatives à la nullité du licenciement et aux dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 1er décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Installation téléphonique et signalisation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Installation téléphonique et signalisation et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l'avoir débouté de sa demande en nullité du licenciement pour faute grave et de sa demande de condamnation de la société SITS à lui payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L, 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail (anciens articles L.122-14-1, alinéa 1 et L.122-14-2, alinéa 1) que "lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur" ; que selon l'article L. 1232-1 du même code (ancien article L. 122-14-3» alinéa 1 phrase 1) que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à rencontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; que enfin selon l'article L.1235-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1 phrase 1 et alinéa 2) "qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié" ; que selon l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; qu'en l'espèce, le contrat de travail prévoit à titre de condition particulière : "Un véhicule de fonction est mis à la disposition de M Jean-Claude X...", celui-ci ayant été engagé comme conducteur de travaux ; que les parties n'ont apporté aucune précision relativement à la mention figurant sur les bulletins de salaire de M. X... : "avantages en nature : -192, 32 €", l'employeur indiquant que la mise à disposition d'un véhicule ne constitue pas un avantage en nature lorsque son usage est limité aux déplacements professionnels, que l'avantage en nature "voiture" doit être spécifié sur le bulletin de paie (comme pour un directeur des opérations, retenue de 261 €), ce qui n'est pas le cas du salarié et que la mention dans le contrat de travail de M. X... d'un véhicule de fonction s'avère être une erreur de qualification, puisqu'il s'agit plutôt d'un véhicule de service (fonction technique du salarié, utilisation du véhicule pour le déplacement sur les chantiers, aucune valorisation sur le bulletin de paie) ; que par application de l'article 12 du CPC, la cour, au vu des explications données par les parties à l'audience, requalifie le véhicule de fonction mis à la disposition de M. X... en vertu de son contrat de travail, en véhicule de service, la cour précisant que sa mise à disposition au profit du technicien salarié, ne constitue pas un avantage en nature, dont l'usage à titre personnel est interdit, en l'absence de stipulation particulière ; que le motif du licenciement de M. X... reposant sur l'usage abusif par le salarié des moyens financiers mis à sa disposition par l'entreprise pour les besoins du travail pour des dépenses strictement personnelles pendant son arrêt de travail: utilisation de la carte de carburant du véhicule de service et du téléphone portable pendant son arrêt de travail, les premiers juges ont dit que la rupture du contrat de travail pour faute grave de M, X... apparaît justifiée ; mais que si la tolérance n'est jamais créatrice de droit, il appartenait à l'employeur, à l'occasion de la mise en place de nouvelles directives données par un nouveau bureau d'expert comptable pour resserrer les dépenses à propos de l'utilisation des véhicules des cartes gazole et des téléphones portables suite à des abus, de faire une application uniforme de ces nouvelles directives, sans pouvoir laisser croire à certains salariés, comme M. X..., disposant d'une grande ancienneté au sein de l'entreprise familiale, qu'il pouvait s'en affranchir au regard de sa situation personnelle (en procédure de divorce, sans autre véhicule) ; qu'en effet, M. X... rappelle dans son courrier du 22 avril 2009 adressé au bureau de conciliation, qu'avant de partir se faire opérer suite à l'accident de travail subi en juin 2008, il avait demandé à M. Y... de pouvoir se servir du véhicule, que celui-ci l'avait autorisé verbalement après s'être renseigné auprès de l'ancienne comptable qui avait confirmé à ce dernier qu'il pouvait s'en servir sans problèmes, du fait de la couverture assurance et s'agissant d'un véhicule de fonction, ce qui lui avait été démenti par M, Jean-Paul Y... le jour de l'entretien (aucune retenue sur salaire pour ce véhicule); que le salarié précise dans ce courrier à propos des nouvelles directives : "Ayant reçu ces papiers comme tout le monde dans l'entreprise, je suis allé voir M, Y... Philippe notre directeur, pour lui demander si cela s'appliquait à moi aussi Je lui ai sous-entendu que si c 'était comme ça, moi je ferais mes horaires sans plus. Il m'a répondu que c 'était pour information et que cela ne changeait rien pour moi, donc je n 'ai jamais rempli ces formulaires. Je savais très bien que toutes les factures étaient contrôlées pour en avoir vérifié moi-même " ajoutant "qu'ils ont attendu que Mme Z..., notre comptable, parte à la retraite en décembre, pour agir de la sorte", et qu'il aurait simplement fallu lui passer un coup de fil pour restituer le véhicule ; que ces nouvelles directives, évoquées par le salarié dans son courrier du 22 avril 2009, n'ont pas été produites aux débats par l'employeur ; que dès lors, en présence d'un manque de clarté de l'employeur dans l'application des nouvelles directives en matière d'utilisation des véhicules de service et de fonction, il y a lieu de considérer que le véhicule de service dont le salarié avait conservé l'usage pendant son arrêt de travail (à compter du 1er décembre 2008) pour des besoins non professionnels en vertu d'un accord verbal de la direction, qui avait l'aval de l'ancienne comptable, partie à la retraite au moment de l'arrêt de travail du salarié, ne pouvait être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail, sans avertissement préalable ; que seul le refus par le salarié de restituer le véhicule de service, était de nature à justifier une licenciement pour faute grave ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail pour faute grave du salarié apparaît justifiée ; qu'en revanche, M, X..., qui avait en tout état de cause, connaissance des nouvelles directives mettant fin à la tolérance de l'employeur concernant des pratiques au sein de l'entreprise, a reconnu avoir fait preuve d'un manque de rigueur en utilisant à des fins personnelles pendant son arrêt de travail, la carte d'essence destinée à régler des frais professionnels et le téléphone portable qui lui avait été confié par son employeur en précisant dès le 13 mars 2009 dans le courrier adressé à son employeur : "Je suis d'accord pour le téléphone et la carte gazole du véhicule, je n'aurais pas dû m'en servir et je suis prêt à vous rembourser" et en remettant les sommes réclamées à ce sujet par l'employeur lors de l'audience de conciliation, ce qui s'analyse en un aveu judiciaire ; qu'en conséquence, le licenciement doit être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse et produit ses pleins effets ; que la demande de dommages-intérêts du salarié pour rupture abusive du contrat de travail doit être rejetée ;
ALORS QUE l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un accident du travail que s'il est justifié d'une faute grave de l'intéressé ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ; que la Cour d'appel qui a constaté que Monsieur X... était en arrêt de travail pour accident du travail, considéré que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... pour faute grave n'était pas justifiée mais que son licenciement devait être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans pour autant constaté l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident, mais a rejeté sa demande tendant à voir constater la nullité du licenciement et à obtenir réparation en conséquence, a violé les dispositions de l'article L.1226-9 du Code du travail, ensemble celles des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du Code du travail ;