LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en -Provence, 16 décembre 2010), que la société Oddo, garagiste, aux droits de laquelle vient M. X... en qualité d'administrateur judiciaire, ayant été réquisitionnée par les services de police pour procéder à l'enlèvement puis à la conservation d'un véhicule volé, a assigné la société d'assurances Filia MAIF qui avait indemnisé son propriétaire, en paiement de frais de gardiennage ;
Attendu que la société Oddo fait grief à l'arrêt de condamner la société Filia MAIF à lui verser une somme limitée à 1 607,66 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de mise en fourrière d'un véhicule, les frais afférents à l'enlèvement et la garde en fourrière de celui-ci sont à la charge du propriétaire qui est tenu de les rembourser au gardien de la fourrière sur présentation d'une facture détaillée ; qu'en l'espèce, l'arrêt a affirmé qu'en présence d'un dépôt nécessaire, le garagiste qui avait enlevé et remorqué le véhicule litigieux sur réquisitions des forces de l'ordre n'avait droit qu'au remboursement de ses dépenses pour la conservation de la chose déposée et l'indemnisation des pertes que le dépôt pouvait lui avoir occasionné ; qu'il en a déduit que les frais de gardiennage du véhicule litigieux, qui n'étaient réclamés que de manière forfaitaire, sans aucune indication sur la manière et l'endroit dans lequel le véhicule avait été entreposé, ne pouvaient être retenus comme ayant été engagés pour les besoins de sa conservation ; qu'en statuant ainsi, quand les frais de garde en fourrière sont à la charge du propriétaire, que leur montant présente un caractère forfaitaire, et qu'ils sont exigibles à compter du jour de l'enlèvement jusqu'à la date de restitution, d'aliénation ou de remise pour destruction, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1947 du code civil et, par refus d'application, les articles L. 325-9 et R. 325-29 du code de la route et l'arrêté du 14 novembre 2001 ;
2°/ qu'il y a gestion d'affaires, dès lors que le gérant accomplit, à l'insu du maître, un acte de gestion, peu important qu'il en ait été réquisitionné par l'autorité publique ; qu'en l'espèce, en écartant la gestion d'affaires, au prétexte que la prise en charge et la détention du véhicule litigieux n'avait pas été le fait spontané de la société Oddo mais lui avait été imposée dans le cadre de la réquisition des forces de l'ordre, la cour d'appel a violé l'article 1372 du code civil ;
3°/ qu'est réputé à titre onéreux, le contrat de dépôt par lequel le garagiste, requis par l'autorité publique, conserve un véhicule volé dont l'assureur est devenu propriétaire après avoir indemnisé l'assuré ; que l'assureur est alors tenu de lui verser les frais de gardiennage afférents, à charge pour le juge, s'il les estime excessifs, d'en fixer le montant ; qu'en l'espèce, en affirmant que le contrat de dépôt par lequel la société Oddo avait, sur réquisition des forces de l'ordre, pris en charge et détenu le véhicule dont la société Filia MAIF était devenue propriétaire, un caractère essentiellement gratuit, pour en déduire que le dépositaire ne pouvait prétendre qu'au remboursement de ses dépenses pour la conservation de la chose déposée et à l'indemnisation des pertes que le dépôt pouvait lui avoir occasionnées, la cour d'appel a violé l'article 1928 du code civil ;
4°/ qu'est réputé supporter des frais le garagiste qui, requis par l'autorité publique, conserve un véhicule volé dont l'assureur est devenu propriétaire après avoir indemnisé l'assuré, en l'absence d'instruction du déposant mis en demeure d'avoir à se prononcer sur le sort de la chose ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la société Filia MAIF avait été avisée par la société Oddo de ce que le véhicule avait été retrouvé et qu'il était entreposé dans les locaux de cette dernière, et qu'elle avait été mise en demeure d'avoir à se prononcer sur son sort ; qu'en déboutant néanmoins la société Oddo de la totalité de ses frais de gardiennage, au prétexte qu'ils n'étaient réclamés que de manière forfaitaire, sans aucune indication sur la manière et l'endroit dans lequel le véhicule avait été entreposé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
5°/ que l'exercice du droit de rétention suppose un refus opposé par le détenteur à une demande de délivrance ; qu'en l'espèce, en affirmant que la société Oddo n'avait retenu dans ses locaux le véhicule appartenant à la société d'assurances Filia MAIF qu'en raison du litige sur le paiement des frais de gardiennage, sans constater que la société Oddo s'était opposée à une demande de délivrance formulée par cette société d'assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles gouvernant le droit de rétention et l'article 2286 du code civil ;
Mais attendu que constatant que la société Oddo avait été requise par les forces de l'ordre , la cour d'appel en a exactement déduit que l'article 1372 du code civil était inapplicable à l'espèce et que la société Oddo ne pouvait obtenir que le remboursement des dépenses exposées pour la conservation de la chose déposée; que, sans inverser la charge de la preuve, elle a souverainement fixé à la somme de 1 607,66 euros, la somme due par l'assureur à la société Oddo ;
Que le moyen qui est nouveau en sa première branche, partant, irrecevable, la société Oddo ne s'étant pas prévalue des dispositions des articles L. 325-9 et R. 325-29 du code de la route, et mal fondé en ses deuxième, troisième et quatrième branches, est inopérant pour le surplus comme s'attaquant à un motif surabondant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société FILIA MAIF au paiement de la somme de 16 413,37 euros, donné acte à la société ODDO de ce qu'elle tient le véhicule à sa disposition, en ce qu'il l'a condamnée au besoin à le restituer, en ce qu'il a ordonné sa récupération par la société FILIA MAIF et, statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant, d'AVOIR condamné la société FILIA MAIF à payer à la société ODDO la somme de 1 607,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2008 ;
AUX MOTIFS QUE « le 10 octobre 2002, le véhicule de monsieur Y... faisait l'objet d'un vol, qui était indemnisé le 29 octobre 2002 par son assureur, la société Filia-Maif (l'assureur). Le véhicule était retrouvé le 5 novembre 2002 et les services de police réquisitionnaient la société Oddo, garagiste, pour procéder à son enlèvement puis à sa conservation ; (…) 1) la société Oddo invoque (de façon contradictoire) au soutien de sa demande en paiement la gestion d'affaires et I'existence d'un mandat tacite. Il ne peut y avoir eu gestion d'affaires alors que la prise en charge et la détention du véhicule n'a pas été le fait spontané de la société Oddo mais lui a été imposée dans le cadre d'une réquisition des forces de I'ordre. Il n'y a pas eu de contrat de dépôt entre la société Oddo et I'assureur, même (tacite) à partir du moment où celui-là a eu connaissance de la détention du véhicule par celle-ci, qui ne I'a retenu dans ses locaux qu'en raison du litige sur le paiement des frais de gardiennage. Il y a donc eu, ainsi que I'admet I'assureur, dépôt "nécessaire" au sens de I'article 1949 du Code civil, c'est-à-dire dépôt "forcé par quelque accident", régi par toutes les règles prévues au même Code sur le dépôt, et celui-ci est en conséquence fondé à rappeler que suivant ces règles le dépôt est un contrat essentiellement gratuit, et à soutenir qu'en l'absence d'un contrat à titre onéreux, la société Oddo ne peut obtenir que le remboursement de ses dépenses pour la conservation de la chose déposée et l'indemnisation de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées. Il s'ensuit, .sur la base des pièces (facture) de la société Oddo, que cette dernière n'est fondée dans sa demande en paiement qu'à hauteur d'une somme, non pas de 381,14 euros comme admis par I'assureur, mais de 1.344,20 euros HT, soit 1.607.66 euros TTC, correspondant à l'ensemble des frais nécessités par I'enlèvement et le remorquage jusqu'à ses locaux du véhicule après sa découverte par les services de police, Ies autres frais de gardiennage, qui ne sont réclamés que de manière forfaitaire, sans aucune indication sur la manière et I'endroit dans lequel le véhicule, qui était accidenté, a été entreposé, ne pouvant être retenus comme ayant été engagés pour les besoins de sa conservation.
2) Le véhicule ayant été repris par l'assureur le 4 novembre 2009, il n'y a plus lieu de donner acte à la société Oddo de ce qu'elle le tient à la disposition de l'assureur, ni de la condamner au besoin à restitution, ni encore d'ordonner sa récupération par ce dernier.3) Le caractère abusif de I'appel n'étant pas retenu, la société Oddo est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.4) L'assureur supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel. Il est équitable d'allouer à la société Oddo une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de I'article 700 du Code de procédure civile (dont 1.500 euros au titre de la première instance).II suit de I'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être confirmé sauf en ce qu'il a condamné I'assureur au paiement de la somme de 16.413,37 euros, donné acte à la société Oddo de ce qu'elle tient le véhicule à sa disposition, en ce qu'il I'a condamnée au besoin à le restituer, en ce qu'il a ordonné sa récupération par I'assureur » ;
1. ALORS QU' en cas de mise en fourrière d'un véhicule, les frais afférents à l'enlèvement et la garde en fourrière de celui-ci sont à la charge du propriétaire qui est tenu de les rembourser au gardien de la fourrière sur présentation d'une facture détaillée ; qu'en l'espèce, l'arrêt a affirmé qu'en présence d'un dépôt nécessaire, le garagiste qui avait enlevé et remorqué le véhicule litigieux sur réquisitions des forces de l'ordre n'avait droit qu'au remboursement de ses dépenses pour la conservation de la chose déposée et l'indemnisation des pertes que le dépôt pouvait lui avoir occasionné ; qu'il en a déduit que les frais de gardiennage du véhicule litigieux, qui n'étaient réclamés que de manière forfaitaire, sans aucune indication sur la manière et l'endroit dans lequel le véhicule avait été entreposé, ne pouvaient être retenus comme ayant été engagés pour les besoins de sa conservation ; qu'en statuant ainsi, quand les frais de garde en fourrière sont à la charge du propriétaire, que leur montant présente un caractère forfaitaire, et qu'ils sont exigibles à compter du jour de l'enlèvement jusqu'à la date de restitution, d'aliénation ou de remise pour destruction, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1947 du Code civil et, par refus d'application, les articles L. 325-9 et R. 325-29 du Code de la route et l'arrêté du 14 novembre 2001 ;
2. ALORS subsidiairement QU' il y a gestion d'affaires, dès lors que le gérant accomplit, à l'insu du maître, un acte de gestion, peu important qu'il en ait été réquisitionné par l'autorité publique ; qu'en l'espèce, en écartant la gestion d'affaires, au prétexte que la prise en charge et la détention du véhicule litigieux n'avait pas été le fait spontané de la société ODDO mais lui avait été imposée dans le cadre de la réquisition des forces de l'ordre, la Cour d'appel a violé l'article 1372 du Code civil ;
3. ALORS très subsidiairement QU' est réputé à titre onéreux, le contrat de dépôt par lequel le garagiste, requis par l'autorité publique, conserve un véhicule volé dont l'assureur est devenu propriétaire après avoir indemnisé l'assuré ; que l'assureur est alors tenu de lui verser les frais de gardiennage afférents, à charge pour le juge, s'il les estime excessifs, d'en fixer le montant ; qu'en l'espèce, en affirmant que le contrat de dépôt par lequel la société ODDO avait, sur réquisition des forces de l'ordre, pris en charge et détenu le véhicule dont la société FILIA MAIF était devenue propriétaire, un caractère essentiellement gratuit, pour en déduire que le dépositaire ne pouvait prétendre qu'au remboursement de ses dépenses pour la conservation de la chose déposée et à l'indemnisation des pertes que le dépôt pouvait lui avoir occasionnées, la Cour d'appel a violé l'article 1928 du Code civil ;
4. ALORS en toute hypothèse QU' est réputé supporter des frais le garagiste qui, requis par l'autorité publique, conserve un véhicule volé dont l'assureur est devenu propriétaire après avoir indemnisé l'assuré, en l'absence d'instruction du déposant mis en demeure d'avoir à se prononcer sur le sort de la chose ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la société FILIA MAIF avait été avisée par la société ODDO de ce que le véhicule avait été retrouvé et qu'il était entreposé dans les locaux de cette dernière, et qu'elle avait été mise en demeure d'avoir à se prononcer sur son sort ; qu'en déboutant néanmoins la société ODDO de la totalité de ses frais de gardiennage, au prétexte qu'ils n'étaient réclamés que de manière forfaitaire, sans aucune indication sur la manière et l'endroit dans lequel le véhicule avait été entreposé, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;
5. ALORS QUE l'exercice du droit de rétention suppose un refus opposé par le détenteur à une demande de délivrance ; qu'en l'espèce, en affirmant que la société ODDO n'avait retenu dans ses locaux le véhicule appartenant à la compagnie d'assurances FILIA MAIF qu'en raison du litige sur le paiement des frais de gardiennage, sans constater que la société ODDO s'était opposée à une demande de délivrance formulée par cette compagnie d'assurances, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles gouvernant le droit de rétention et l'article 2286 du Code civil.