LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle a prononcé le divorce des époux X...- Y... aux torts du mari et, notamment, condamné celui-ci à verser une prestation compensatoire à son épouse sous forme d'un capital ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce des époux à ses torts exclusifs, alors, selon le moyen, que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs du mari, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait des attestations versées par Mme Y... que M. X... avait fait preuve de violence à son égard ; qu'en n'examinant pas les diverses attestations versées par ce dernier et démontrant que contrairement à la description qui était faite par son épouse, celui-ci faisait preuve de calme et de sérieux, était honnête et s'appliquait à inculquer à ses enfants les règles élémentaires de la vie sociale, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous couvert de violation de la loi, le moyen ne vise qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d'appréciation par les juges du fond des éléments de preuve qu'ils ont retenus, sans être tenus de s'expliquer sur ceux qu'ils décidaient d'écarter ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais, sur les deux premières branches du second moyen :
Vu les articles 815-10, alinéa 4, 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, l'arrêt retient, au titre des ressources de M. X..., les revenus tirés de la location de biens indivis, sis dans l'Ile de Ré, qui appartiennent aux époux, et, au titre des charges de Mme Y..., le montant de la pension alimentaire qu'elle doit pour l'entretien et l'éducation de ses deux derniers enfants ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, que les revenus locatifs de l'indivision profitent à l'indivision et non au seul mari, d'autre part, que l'arrêt a supprimé la pension alimentaire due par Mme Y... pour ses enfants et que ces sommes ne pouvaient donc constituer une facteur de disparité dans les conditions de vie des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la troisième branche du second moyen :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la procédure tunisienne ayant permis à Mme Y... d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'évaluer les biens immobiliers, situés en Tunisie, appartenant à M. X..., n'a pas été contestée ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'un jugement du tribunal de première instance de Mahdia a rétracté la décision commettant l'expert et a annulé tous les effets de cette ordonnance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la quatrième branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 120 000 euros la prestation compensatoire due par M. X... à Mme Y..., l'arrêt rendu le 1er septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de Monsieur X...,
AUX MOTIFS QUE Madame Y... rapporte suffisamment la preuve des violences qui ont été exercées sur elle par son mari au moyen tant des nombreuses attestations figurant à ses pièces faisant état, dans des attestations très circonstanciées, de faits de violence directement constatés par eux (Monsieur et Madame Z..., Madame A..., Madame B..., les époux C..., Madame D...) que des certificats médicaux délivrés par le docteur E... (ayant examiné l'épouse suite à des violences intervenues le 11 mars 2006 et ayant relevé des ecchymoses ainsi qu'un état d'angoisse) ainsi que par le docteur F..., praticien hospitalier au centre de la Rochelle, hôpital dans lequel elle avait été admise à partir du 18 juin 2006 pour 5 jours « Patiente de 41 ans admise pour épuisement moral dans un contexte de violences conjugales » ; que pour rapporter la preuve contraire, il ne suffit pas à Monsieur X... de soutenir, sans en rapporter la preuve contraire, qu'il n'a jamais été violent avec son épouse et que lorsque celle-ci a quitté le domicile conjugal, elle a effectué une main courante au terme de laquelle elle n'a pas fait état de violences mais simplement de harcèlement psychique, que les attestations de l'épouse sont imprécises, qu'il ne connaît pas la plupart des personnes ayant attesté pour l'épouse et que les médecins qui ont établi les certificats médicaux n'ont fait que reprendre les déclarations faites par Madame Y..., alors que toutes les attestations de l'épouse sont concordantes quant à la violence du mari et que les certificats médicaux ne font que conforter lesdites attestations ; qu'enfin Monsieur X... qui critique notamment l'inexactitude des attestations de Monsieur et Madame Z... ne justifient pas d'avoir intenté au pénal une quelconque procédure contre lesdits époux Z... ; que par suite ces griefs suffisamment prouvés par l'épouse seront retenus contre le mari ;
ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs du mari, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait des attestations versées par Madame Y... que Monsieur X... avait fait preuve de violence à son égard ; qu'en n'examinant pas les diverses attestations versées par ce dernier et démontrant que contrairement à la description qui était faite par son épouse, celui-ci faisait preuve de calme et de sérieux, était honnête et s'appliquait à inculquer à ses enfants les règles élémentaires de la vie sociale, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et 455 du code de procédure civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à son épouse une somme de 120. 000 euros à titre de prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'au moment du divorce, les époux sont âgés de 49 ans (le mari) et de 45 ans (l'épouse) ; que le mariage des époux a duré 25 ans (dont 21 ans et demi de vie commune) et que de leur union sont issus 3 enfants dont l'un Marwan est encore mineur ; que Madame Y..., qui n'a aucune formation professionnelle particulière et qui effectue actuellement des travaux ménagers chez les particuliers dans le cadre du « chèque emploi service », perçoit à ce titre un salaire mensuel moyen de l'ordre de 850 euros (déclaration de revenus 2007) ; que ses charges ne sont constituées que des charges mensuelles courantes (dont un reliquat de loyer de 109, 09 euros et un remboursement de crédit au CA de 92, 20 euros) ; qu'elle verse également au père, pour les deux derniers enfants, 160 euros de pension alimentaire (80 euros par enfant) ; qu'il ressort de ses dernières écritures qu'après paiement de toutes les charges, son disponible pour vivre est de 273, 34 euros ; que de son côté, Monsieur X..., qui était menuisier-charpentier mais qui, en raison de problèmes de santé cardiaques (triple pontage) a cessé toute activité salariée, et qui soutient, sans en rapporter la preuve, ne plus pouvoir retravailler, soutient ne disposer pour vivre que d'une pension d'invalidité d'un montant annuel de 10. 000 euros (883, 33 euros par mois) ; qu'à cette somme il convient de rajouter les revenus des biens possédés par lui en Tunisie (3. 000 euros annuels d'après ses dernières écritures) ; qu'il convient également de rajouter, ce qui est contesté par lui, les revenus locatifs des deux studios indivis de l'ile de Ré (attenant à l'ancien domicile conjugal) ainsi que les revenus tirés notamment de son activité de pêche en Tunisie, pays dans lequel il est propriétaire de deux bateaux de pêche ; que ses charges ne sont composées que des charges mensuelles courantes ; qu'il résulte des écritures des parties que celles-ci possèdent en indivision, un ensemble immobilier situé à au Bois Plage en Ré comprenant un corps principal (ancien domicile conjugal) et deux studios attenants à usage locatif ; qu'aucune évaluation de cet ensemble immobilier n'est donnée par les parties ; que toutefois, il appartiendra là également au notaire liquidateur d'établir un compte, Madame Y... soutenant, ce qui est contesté par l'époux, que ce dernier a perçu des loyers revenant à l'indivision ; que Monsieur X... conteste les biens qu'il serait censé posséder en Tunisie ; que contrairement à ce qu'il soutient, Monsieur X... n'est pas complètement clair sur les revenus qui sont les siens, ni sur la valeur des biens possédés par lui en Tunisie ; que s'il tente par tous moyens de les minimiser, les documents figurant aux pièces de l'épouse, certes peu fiables quant à l'évaluation des biens tunisiens, rapportent toutefois la preuve qu'il est bien seul propriétaire des deux bateaux de pêche et qu'il possède, en propre, différents biens immobiliers pouvant être évalués à 142. 375 dinars ; qu'il convient par suite de reprendre les motivations du premier juge qui a parfaitement analysé les éléments de la cause et parfaitement appliqué les textes s'y rapportant, Monsieur X... ayant pu tout au long du mariage accroître son patrimoine immobilier personnel en Tunisie, acheter deux bateaux de pêche en Tunisie, participer à la création d'un patrimoine immobilier sur l'ile de Ré (résidence de la famille et 2 studios à usage locatif) ; que l'épouse, qui ne possède aucun bien immobilier personnel et dont le seul patrimoine est composé de ses droits dans l'immeuble indivis de l'ile de Ré, n'a pas pu se constituer durant la vie commune, contrairement à son mari, des droits à retraite d'autant qu'elle a sacrifié sa carrière professionnelle à son mari, qui était malade depuis de nombreuses années et à l'éducation de ses trois enfants ; que les revenus et charges des parties ont été ci-dessus déterminés pour le calcul de la prestation compensatoire ; qu'au vu de la situation des parties l'état d'impécuniosité de Madame Y... doit être constaté ; que par suite, Madame Y... doit être déchargée de toute pension alimentaire quant à ses deux enfants ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est encore établi que Monsieur X... est propriétaire à La Chebba d'une parcelle de terrain de 560 m ² sur laquelle est édifiée un bâtiment de trois étages, abritant au moins un appartement et un studio et d'une autre parcelle de terrain dans le secteur du port de 571 m ² sur laquelle sont édifiés un garage et un entrepôt ; que la valeur totale de ces deux biens a été estimée à 142. 375 dinars ; que contrairement à ses affirmations, sa propriété des biens est attestée par l'acte de vente à son profit par la municipalité de La Chebba ; que par ailleurs, la procédure tunisienne qui a permis à madame Y... d'obtenir la désignation d'un huissier et d'un expert n'a pas été contestée par Monsieur X... dont les dénégations sont insuffisantes à contredire les estimations produites ;
1°- ALORS QUE le juge, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, ne saurait prendre en compte, au titre des ressources de l'un des époux, le montant des loyers provenant de biens indivis, devant profiter à l'indivision et ne pouvant dès lors constituer un facteur de disparité entre les époux ; qu'en prenant en compte, au titre des ressources de Monsieur X..., les revenus qu'il serait supposé tirer de la location de studios sis au Bois Plage en Ré, après avoir elle-même constaté que ces studios appartenaient indivisément aux époux et (exactement) décidé qu'il appartiendrait au notaire liquidateur d'établir un compte d'indivision, la violé, ensemble, les articles 270, 271 et 815-10 du code civil ;
2°- ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait tout à la fois, d'un côté, supprimer toute pension alimentaire à la charge de l'épouse à compter du prononcé de son arrêt et, de l'autre tenir compte, pour apprécier les charges de l'épouse, du montant de la pension alimentaire que, précisément, elle supprimait ; qu'en fixant la prestation compensatoire due à l'épouse en considération d'une charge mensuelle de 160 euros qu'elle aurait à supporter, tout en supprimant concomitamment cette pension, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
3°- ALORS QUE Monsieur X... versait aux débats le jugement en date du 22 mai 2008 par laquelle le tribunal de première instance de Mahdia (Tunisie) avait rétracté l'ordonnance en date du 28 février 2002, par laquelle Madame Y... avait fait commettre un expert pour apprécier la valeur des biens lui appartenant (ou lui appartenant prétendument), en constatant que cette ordonnance avait été obtenue par fraude ; qu'il faisait en outre valoir qu'avait été présenté à cet expert, de manière non contradictoire, un immeuble de trois étages ne lui appartenant nullement ; qu'en retenant, par adoption de motifs, que la procédure tunisienne ayant abouti à la désignation de cet expert « n'a pas été contestée », les juges du fond ont méconnu les termes du litige et violé les articles4 et 5 du code de procédure civile ;
4°- ALORS QU'en retenant tout à la fois que les documents produits par l'épouse sont « peu fiables quant à l'évaluation des biens tunisiens » mais qu'ils « rapportent toutefois la preuve » que Monsieur X... possède en propre des biens immobiliers pouvant être évalués à 142. 375 dinars, la cour s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile.