LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Charpentes et traditions bois,- La société BTT,- La société Axa assurances IARD, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2011, qui, pour homicide involontaire et blessures involontaires, a condamné la première, à 5 000 euros d'amende et 1 000 euros d'amende contraventionnelle et la seconde, à 20 000 euros d'amende et 5 000 euros d'amende contraventionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Odent et Poulet pour la société Axa France Iard et la société Charpentes et traditions bois, pris de la violation des articles 485 et 512 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité de la société Charpentes et tradition bois du chef de blessures involontaires et, en répression, l'a condamnée à une amende contraventionnelle de 1 000 euros sans indiquer, dans son dispositif, les textes de loi appliqués pour la déclaration de culpabilité et la peine à laquelle la société Charpentes et traditions bois a été reconnue coupable ;
"aux motifs que, suivant ordonnance rendue le 3 juillet 2009, par le juge d'instruction de Saint-Quentin, la SARL Charpentes et traditions bois, /.../ est prévenue d 'avoir à Guise (02), le 23 juillet 2007, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en ne prenant pas en compte le problème du flambement en phase chantier, involontairement causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois, sur la personne de M. Luc X... ;
"alors que, selon les dispositions de l'article 485, rendu applicable devant la cour d'appel par l'article 512 du même code, le dispositif de toute décision émanant d'une juridiction doit énoncer les textes de loi appliqués ; qu'en l'espèce, le dispositif ne vise pas les textes appliqués pour fonder la déclaration de culpabilité et la peine contraventionnelle, tandis que les motifs rappelant les termes de l'ordonnance de renvoi ne mentionnent pas les textes incriminant et sanctionnant Charpentes et traditions bois ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles susvisés" ;
Attendu que, si regrettable que soit l'omission, au regard des prescriptions de l'article 485 du code de procédure pénale, de viser dans le dispositif de l'arrêt les textes répressifs appliqués, celle-ci ne saurait donner lieu à cassation, dès lors que, comme en l'espèce, la décision mentionne expressément les infractions imputées à la société et les textes les réprimant ainsi que les peines prononcées ;
Que, par suite, aucune incertitude n'existant quant aux textes dont il a été fait application au prévenu pour les infractions retenues contre lui, ainsi qu'aux peines qui lui ont été infligées, aucune nullité ne saurait, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale, découler de cette omission purement matérielle ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Odent et Poulet pour la société Axa France Iard et la société Charpentes et traditions bois, pris de la violation des articles 121-2, 221-6, 221-7, R. 625-2 et R. 625-5 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité de la société Charpentes et Traditions Bois des chefs d'homicide et de blessures involontaires et, en répression, l'a condamnée à une amende délictuelle de 5 000 euros et à une amende contraventionnelle de 1 000 euros ;
"aux motifs qu'à l'issue des débats s'étant tenus devant la cour il n'est pas possible d 'envisager, en droit comme en fait, quant à la culpabilité de la société Charpentes et traditions bois et la société BTT une solution différente de celle adoptée par le premier juge, qui a fait une appréciation fondée des faits de la cause, sauf à envisager un partage différent de responsabilité concernant les deux prévenues ; qu'il est constant que le chantier de la bibliothèque de Guise s'est déroulé dans un manque certain de rigueur administrative, voir (sic) un laxisme, de la part des différents intervenants, dont les deux sociétés Charpentes et traditions bois et la société BTT, sans que le maître d'oeuvre, ni le bureau d'études Veritas aient réagi, au regard du respect des différentes prescriptions légales et réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité ; qu'ainsi, les mesures préalables à l'intervention de chaque corps de métiers n'ont pas été mises en ouvre (sic) avec le soin requis, pour anticiper toute (sic) difficultés de réalisation des ouvrages, au regard de la protection de la santé et de la prévention des accidents ; que la qualité des ouvrages de maçonnerie réalisés par la société BTT et sur lesquels devaient être posées les fermes de la charpente s'est avérée médiocre et insuffisante pour en assurer la stabilité au moment de recevoir la charge ; qu'aucune vérification de la conformité de ces ouvrages aux documents contractuels n'a été diligentée ; qu'ainsi, ne peut-il être passé sous silence l'absence de plan général de coordination, l'absence de visite d'inspection commune, l'absence de vérification des ouvrages de gros oeuvre ; que les expertises diligentées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction, pour l'avoir été dans des délais certes rapides, n'ont pas estimé devoir relever ce non-respect des obligations légales en la matière, ni n'ont pris en considération l'ensemble des hypothèses susceptibles d'être en relation avec l'effondrement, pour en privilégier une seule, à la faveur d'une chronologie tendant à retenir en premier l'effondrement de la charpente, puis celles (sic) des maçonneries ; que les conclusions des experts s'avèrent, au surplus, être en contradiction avec plusieurs éléments factuels, qui n 'ont pas été pris en compte, tout en contenant des contradictions dans le raisonnement ; qu'à cet égard les observations du témoin entendu par la cour, amènent à considérer que le mur porteur de la structure de la charpente alors en cours de montage, s'est dérobé sous le poids résultant des fermes d'ores et déjà mises en place, cette analyse étant plus conforme au témoignage d'un ouvrier alors présent, aux constatations matérielles, telles que relevées par l'inspection du travail, dont le rapport a été ignoré des premiers experts, enfin à la défectuosité des éléments de maçonnerie effondrés ; qu'ainsi, il apparaît plus cohérent de retenir que sous l'effet des charges horizontales, même très faibles, générées par le poseur travaillant sur la charpente, les poteaux, qui étaient simplement posés sur le soubassement, ont basculé, entraînant avec eux les poutres ou linteaux sur lesquels ils étaient posés, et dont les extrémités n'étaient pas attachées respectivement sur les poteaux placés à gauche et à droit de gauche (sic) ; que, dans le même temps, le mur opposé à celui ayant chuté a subi une déformation, sous l'effet d'une poussée vers l'extérieur, alors que les premiers experts évoquant (sic) une traction vers l'intérieur du bâtiment ; qu'enfin, la charpente isostatique ne peut être la cause de l'effondrement partiel de la façade à structure de poteaux et de poutres, dans la mesure où les entre toise (sic) avaient été mises en oeuvre au fur et à mesure, la première ferme ayant été arrimée au mur pignon ; qu'en outre, en cas de basculement à l'horizontale, les poutres treillis des fermes n'auraient pas résisté, tandis que les clous arrimant les fermes aux équerres ne pouvaient reprendre les efforts tels que calculés par le second expert ; que, concernant la maçonnerie, les experts, qui avaient constaté sa non-conformité aux plans d'exécution, ainsi que sa fragilisation du fait des modifications qui lui avaient été apportées précipitamment, enfin le manque de stabilité provisoire et la nécessité d'un contreventement par des étais le temps de la pose de la charpente, n'en ont pas tiré les conséquences qui en quant (sic) au processus d'effondrement des ouvrages ; que le manque de rigueur auquel a présidé le déroulement du chantier, sans que les deux entreprise (sic) concernées y aient remédié, en se conformant autant aux dispositions légales qu'aux prescriptions contractuelles, a constitué un comportement fautif qui a été en relation de causalité directe et immédiate avec l'accident du travail, dont ont été victimes MM. Y... et X... ; que la société BTT et la SARL Charpentes et traditions bois ne sont pas défavorablement connues, leur casier judiciaire ne comportant aucune mention de condamnation ; que les circonstances ayant présidé au déroulement des faits, ainsi que leur (sic) agissements respectifs conduisent à les retenir chacune dans les liens de la prévention et à confirmer les amendes prononcées par le premier juge ; que la cour estime, au regard des obligations légales et contractuelles pesant sur chacune des prévenues que leur responsabilité civile sera partagée, concernant la réparation des préjudices subies par les parties civiles à hauteur de 255% pour la SARL Charpentes et traditions bois et de 75 % pour la Société BTT ;
"1°) alors que, selon l'article 121-2 du code pénal, une personne morale ne peut être reconnue pénalement responsable que s'il est démontré que l'infraction a été commise, pour son compte, par un de ses organes ou représentants ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que le manque de rigueur lors du déroulement du chantier ainsi que la violation des prescriptions contractuelles et légales par la société Charpentes et traditions bois avaient constitué un comportement fautif ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les négligences et manquements énoncés avaient été commis par les organes ou représentants de CTB, la cour d'appel a violé l'article précité ;
"2°) alors que la responsabilité pénale des chefs d'homicide et de blessures involontaires suppose un lien de causalité certain entre la faute et le dommage subi par la victime ; qu'en l'espèce, après avoir établi que l'effondrement du mur, dû à ses malfaçons, avait précédé la chute des fermes et que la charpente ne pouvait être la cause de cet effondrement, la cour d'appel a retenu que le manque de rigueur lors du déroulement du chantier et le manquement de la demanderesse aux dispositions légales et contractuelles étaient en relation directe et immédiate avec l'accident du travail ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 221-6, 221-7, R. 625-2 et R. 625-5 du code pénal" ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé par Me de Nervo pour la société BTT, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de la légalité des délits et des peines, des articles 111-4, 121-2, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et violation de la loi ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré la société BTT, personne morale, coupable des chefs d'homicide et de blessures involontaires, l'a condamnée à une peine d'amende délictuelle de 20 000 euros ainsi qu'à une peine d'amende contraventionnelle de 5 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'à l'issue des débats s'étant tenus devant la cour il n'est pas possible d'envisager, en droit comme en fait, quant à la culpabilité de la société Charpentes traditions bois et la société BTT une solution différente de celle adoptée par le premier juge, qui a fait une appréciation fondée sur les faits de la cause, sauf à envisager un partage différent de responsabilité concernant les deux prévenues ; qu'il est constant que le chantier de la bibliothèque de Guise s'est déroulé dans un manque certain de rigueur administrative, voir un laxisme, de la part des différents intervenants, dont les deux sociétés la Sarl CTB et la société BTT, sans que le maître d'oeuvre ni le bureau d'études Veritas aient réagi, au regard du respect des différentes prescriptions légales et réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité ; qu'ainsi, les mesures préalables à l'intervention de chaque corps de métiers n'ont pas été mises en oeuvre avec le soin requis, pour anticiper toute difficulté de réalisation des ouvrages, au regard de la protection de la santé et de la prévention des accidents ; que la qualité des ouvrages de maçonnerie réalisés par la société BTT et sur lesquels devaient être posées les fermes de la charpente s'est avérée médiocre et insuffisante pour en assurer la stabilité au moment de recevoir la charge ; qu'aucune vérification de la conformité de ces ouvrages aux documents contractuels n'a été diligentée ; qu'ainsi, ne peut-il être passé sous silence l'absence de plan général de coordination, l'absence de visite d'inspection commune, l'absence de vérification des ouvrages de gros oeuvre ; que les expertises diligentées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction, pour l'avoir été dans des délais rapides, n'ont pas estimé devoir relever ce non-respect des obligations légales en la matière ni n'ont pris en considération l'ensemble des hypothèses susceptibles d'être en relation avec l'effondrement, pour en privilégier une seule, à la faveur d'une chronologie tendant à retenir en premier l'effondrement de la charpente, puis celles des maçonneries ; que les conclusions des experts s'avèrent, au surplus, être en contradiction avec plusieurs éléments factuels, qui n'ont pas été pris en compte, tout en contenant des contradictions dans le raisonnement ; à cet égard les observations du témoin entendu par la cour, amènent à considérer que le mur porteur de la structure de la charpente alors en cours de montage, s'est dérobé sous le poids résultant des fermes d'ores et déjà mises en place, cette analyse étant plus conforme au témoignage d'un ouvrier alors présent, aux constatations matérielles, telles relevées par l'inspection du travail, dont le rapport a été ignoré des premiers experts, enfin à la défectuosité des éléments de maçonnerie effondrés ; qu'ainsi, il apparaît plus cohérent de retenir que sous l'effet des charges horizontales, mêmes très faibles, générées par le poseur travaillant sur la charpente, les poteaux, qui étaient simplement posés sur le soubassement, ont basculé, entraînant avec eux les poutres ou linteaux sus lesquels ils étaient posés, et dont les extrémités n'étaient pas attachées respectivement sur les poteaux placés à gauche et à droite de gauche ; dans le même temps, le mur opposé à celui ayant chuté a subi une déformation, sous l'effet d'une poussée vers l'extérieur, alors que les premiers experts évoquent une traction depuis l'intérieur du bâtiment ; qu'enfin, la charpente isostatique ne peut être la cause de l'effondrement partiel de la façade à structure de poteaux et poutres, dans la mesure où les entretoises avaient été mises en oeuvre au fur et à mesure, la première ferme ayant été arrimée au mur pignon ; en outre, en cas de basculement à l'horizontale, les poutres treillis des fermes n'auraient pas résisté, tandis que les clous arrimant les fermes aux équerres ne pouvaient reprendre les efforts tels que calculés par le second expert ; que, concernant la maçonnerie, les experts, qui avaient constaté sa non-conformité aux plans d'exécution, ainsi que sa fragilisation du fait des modifications qui lui avaient été apportées précipitamment, enfin le manque de stabilité provisoire et la nécessité d'un contreventement par des étais le temps de la pose de la charpente, n'en ont pas tiré les conséquences qui (en découlaient) quant au processus d'effondrement des ouvrages ; que le manque de rigueur auquel a présidé le déroulement du chantier, sans que les deux entreprises concernées y aient remédié, en se conformant autant aux dispositions légales qu'aux prescriptions contractuelles a constitué un manquement fautif, qui a été en relation de causalité directe et immédiate avec l'accident du travail, dont ont été victimes MM. Y... et X... ; que la société BTT et la société CTB ne sont pas défavorablement connues, leur casier judiciaire ne comportant aucune mention de condamnation ; les circonstances ayant présidé au déroulement des faits, ainsi que leurs agissements respectifs conduisent à les retenir chacune dans les liens de la prévention et à confirmer les amendes prononcées par le premier juge ;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être engagée que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par un organe ou un représentant de la personne morale ; qu'ainsi la responsabilité pénale de la personne morale est une responsabilité par représentation de l'infraction commise par l'organe ou le représentant de ladite société ; qu'en retenant la responsabilité pénale de la société BTT des chefs d'homicide et de blessures involontaires alors qu'aucun organe ou représentant de la société n'était poursuivi du chef de ces infractions, la cour d'appel a violé l'article 121-2 du code pénal, ensemble les articles visés au moyen ;
"2°) alors que la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être engagée que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par un organe ou un représentant de la personne morale ; qu'en se bornant à énoncer que « le manque de rigueur auquel a présidé le déroulement du chantier, sans que les deux entreprises concernées (BTT et CTB) y aient remédié, en se conformant autant aux dispositions légales qu'aux prescriptions contractuelles a constitué un manquement fautif, qui a été en relation de causalité directe et immédiate avec l'accident du travail, dont ont été victimes MM. Y... et X... » ; alors qu'il lui appartenait de rechercher si le représentant de la société BTT, ou un organe de cette société, avait eu personnellement connaissance de violations manifestement délibérées de la loi ou des règlements exposant directement les salariés d'une société tierce travaillant sur le chantier à un risque immédiat de mort ou de blessures ; la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"3°) alors que les juges du fond ne pouvaient pas s'abstenir de préciser l'identité de l'auteur des imprudences ou négligences constitutives du délit, représentant la société BTT, dès lors que les victimes étaient des tiers à la société ; qu'en effet, la présomption d'inobservation des obligations de sécurité prévues par le code du travail ne pèsent que sur l'employeur, ou son délégataire de pouvoirs, des salariés victimes d'homicide ou de blessures involontaires ; la cour d'appel n'a pas derechef justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"4°) alors qu'en énonçant que « le manque de rigueur auquel a présidé le déroulement du chantier, sans que les deux entreprises concernées (BTT et CTB) y aient remédié, en se conformant autant aux dispositions légales qu'aux prescriptions contractuelles a constitué un manquement fautif, qui a été en relation de causalité directe et immédiate avec l'accident du travail, dont ont été victimes MM. Y... et X... » sans préciser quelles dispositions légales ou contractuelles auraient été violées par la société BTT et, partant, n'a pas caractérisé l'existence de la faute susceptible d'engager la responsabilité d'une personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"5°) alors qu'au surplus toute infraction à la réglementation n'est pas en elle-même constitutive des délits d'homicide et de blessures involontaires de sorte que la preuve doit être rapportée que la violation des règlements ou l'imprudence reprochée au prévenu sont la cause du décès ou des blessures de la victime ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas rapporté cette preuve violant les principes et textes visés au moyen ;
"6°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que si les juges du second degré peuvent, se prononcer par adoption de la motivation des premiers juges, encore faut-il que celle-ci soit exempte d'insuffisance et de contradiction ; que, pour retenir la responsabilité pénale de la société BTT à énoncer « qu'il n'est pas possible d'envisager, en droit comme en fait, quant à la culpabilité de la SARL Charpentes traditions bois et la société BTT une solution différente de celle adoptée par le premier juge, qui a fait une appréciation fondée sur les faits de la cause » ; qu'en se prononçant ainsi, alors que le jugement entrepris était dépourvu de toute motivation sur les différents éléments nécessaires pour retenir la responsabilité pénale d'une personne morale, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'occasion de travaux d'aménagement d'une école, deux employés de la société Charpente Euro Picardie, sous-traitant de la société Charpentes et traditions bois, qui travaillaient à la mise en place de la charpente, ont été blessés par l'écroulement d'un mur de façade et de ladite charpente ; que l'un d'eux est décédé des suites de ses blessures et que l'autre a subi une incapacité de moins de trois mois ; que la société BTT chargée de la maçonnerie et la société Charpentes et traditions bois ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel par ordonnance d'un juge d'instruction pour être jugées des chefs d'homicide involontaire et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois ; que déclarées coupables de ces infractions par le premier juge, elles ont relevé appel de la décision, de même que le ministère public ;
Attendu que, pour confirmer la culpabilité des sociétés appelantes, la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l'abstention d'un des organes ou représentants des sociétés prévenues, et s'ils avaient été commis pour le compte de ces sociétés, au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, proposé par Me de Nervo pour la société BTT, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 1382 du code civil, 480-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a décidé d'opérer un partage de responsabilité civile entre les personnes morales déclarées coupables d'homicide et de blessures involontaires sur les mêmes victimes, à raison des mêmes faits ;
"aux motifs que la cour estime qu'au regard des obligations légales et contractuelles pesant sur chacune des prévenues que leur responsabilité civile sera partagée, concernant la réparation des préjudices subis par les parties civiles à hauteur de 25 % pour la Sarl CTB et de 75 % pour la société BTT, et, en conséquence, statuant sur l'action civile, a confirmé en toutes ses dispositions civiles le jugement entrepris, sauf à ce que la responsabilité de la société BTT sera retenue à hauteur de 80 % et celle de la SARL CTB à hauteur de 20 %, la condamnation au paiement de provision au profit des consorts Y... et de M. X... devant l'être non solidairement, mais dans la proportion de 20 % à la charge de la SARL CTB et de 80 % à la charge de la société BTT ;
"1°) alors que la solidarité édictée par l'article 480-1 du code de procédure pénale s'applique à tous les prévenus déclarés coupables de différentes infractions rattachées entre elles par des liens d'indivisibilité ou de connexité ; qu'il en est ainsi pour les sociétés CTB et BTT déclarées toutes deux coupables d'homicide et de blessures involontaires sur les personnes de MM. Y... et X..., procédant de la même cause, en l'espèce le basculement des fermes de la charpente puis des murs et des poutres ; qu'en prononçant un partage de responsabilité entre les sociétés coauteurs du dommage dont la réparation est ordonnée a violé l'article susvisé ;
"2°) alors qu'en outre tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ; qu'après avoir énoncé, dans ses motifs, que la « responsabilité civile sera partagée, concernant la réparations des préjudices subis par les parties civiles à hauteur de 25 % pour la SARL CTB et de 75 % pour la société BTT, l'arrêt dispose que la responsabilité de la société BTT sera retenue à hauteur de 80 % et celle de la SARL CTB à hauteur de 20 % » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé" ;
Vu l'article 480-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 543 et 464 dudit code ;
Attendu que, d'une part, selon les deux premiers de ces textes, les personnes condamnées pour un même délit ou la même contravention de cinquième classe sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts ;
Attendu que, d'autre part, il résulte du dernier de ces textes qu'en matière civile la compétence de la juridiction pénale, limitée à l'examen des demandes formées par les parties civiles contre les prévenus, ne s'étend pas aux recours de ces derniers entre eux ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient pas à cette juridiction de prononcer un partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage dont la réparation a été ordonnée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'après avoir déclaré les sociétés BTT et Charpentes et traditions bois coupables des faits poursuivis, le tribunal correctionnel les a condamnées solidairement à indemniser les parties civiles;
Attendu qu'infirmant cette décision, l'arrêt énonce qu'au regard des obligations légales et contractuelles pesant sur chacune des prévenues, leur responsabilité civile sera partagée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas compétence pour opérer un partage de responsabilité entre les coauteurs des infractions retenues et qui était tenue de les condamner solidairement, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 6 avril 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.