LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Marguerite X..., épouse Y...,- M. Vincent Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 1er octobre 2010, qui, pour diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l'autorité publique ou un citoyen chargé d'un service public, les a condamnés, chacun à 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus, Mme Y...et M. Z..., les demandeurs, coupables du délit de diffâmation publique envers un fonctionnaire, ut dépositaire de l'autorité publique ou un citoyen chargé d'un service public, et est entré en voie de condamnation à leur encontre ;
" aux motifs que les propos incriminés diffusés dans le cadre d'un scrutin municipal ne pouvaient se comprendre que comme visant la municipalité sortante constituée du maire et de ses adjoints ; que la partie civile était en conséquence recevable à agir en diffamation contre les prévenus ; que, selon l'alinéa 1er de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne avait droit à la liberté d'expression, ce droit comprenant la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il pût y avoir d'ingérence des autorités publiques ; que, selon l'alinéa 2 du même texte, cette liberté comportant des devoirs et des obligations, pouvait être soumise à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituaient des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui ; que la protection de la réputation d'un homme politique devait être conciliée avec la libre discussion de son aptitude à exercer les fonctions pour lesquelles il se présentait au suffrage des électeurs ; que, par suite, l'intention d'éclairer ceux-ci sur les mérites d'un candidat était un fait justificatif de bonne foi lorsque les imputations, exprimées dans le contexte d'un débat politique, ne concernaient que l'activité publique de la personne mise en cause, à la condition que les informations diffusées n'eussent pas été dénaturées ; que, dans une société démocratique,/ es informations sur les mérites et actes du candidat à une élection politique ne relevaient du débat politique et de la liberté d'expression qui s'y attachait qu'autant qu'elles étaient diffusées dans des conditions permettant un débat loyal ; qu'en l'espèce, le tract incriminé avait été diffusé dans les boites aux lettres des administrés dans la nuit précédant la veille du scrutin, ce qui signifiait que son existence n'avait été connue que le lendemain matin, veille du scrutin, dans un temps trop court pour permettre la diffusion utile d'une réplique, pourtant particulièrement nécessaire au vu des insinuations graves qu'il comportait, avant la clôture de la campagne électorale ; que l'intérêt social ne commandait pas de faire prévaloir la liberté d'expression à raison de propos tenus à la marge du débat politique sur la protection de la réputation de la partie civile ; que les prévenus ne pouvaient en conséquence prétendre au bénéfice de la bonne foi ;
" alors que les limites de la critique admissible sont plus larges lorsque les propos relèvent d'un débat intérêt général dans un contexte d'élections politiques et visent une personne publique ; qu'à cet égard, constitue un fait justificatif l'intention d'éclairer les électeurs sur les mérites d'un candidat au cours d'une campagne électorale ; que la cour d'appel ne pouvait refuser de tenir compte du fait que les propos avaient pour objet d'informer la population sur les agissements de la municipalité en exercice dans le cadre des élections municipales, retenant de la sorte à tort leur caractère diffamatoire " ;
Attendu qu'après avoir exactement relevé le caractère diffamatoire des propos dénoncés par la partie civile, l'arrêt attaqué, pour refuser le bénéfice de la bonne foi aux prévenus, prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées, dès lors que, même s'ils avaient été tenus dans le contexte d'élections municipales et relevaient d'un débat d'intérêt général relatif à la gestion de la commune, les propos incriminés, rendus publics dans des conditions ne permettant pas un débat loyal entre candidats, ne procédaient pas d'une enquête sérieuse et constituaient des attaques personnelles excédant les limites de la liberté d'expression ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE Ies pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Z...et Mme Y...devront verser à Mme A...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.