LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que les termes des actes des 2 et 15 septembre 1663, selon lesquels les droits acquis par Jean X...sur la " vicomté de ... " s'exerçaient sur " le pignadas, montagnes et lètes jusqu'à la Grande Mer ", ne comportaient aucune précision sur la superficie, ni sur la localisation de ces biens et que les consorts Y..., qui prétendaient venir aux droits de M. X..., ne justifiaient pas de la dévolution successorale à partir de ce dernier jusqu'à l'acte de la liquidation de la succession de Mme Z...en date du 22 avril 1850, carence dans l'administration de la preuve ne pouvant être suppléée ni par l'attestation d'un notaire, ni par un arbre généalogique dont les modalités d'établissement n'étaient pas précisées et qui n'étaient corroborés par aucun acte, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs qu'il était impossible de relier les terrains éventuellement acquis par M. X...à ceux actuellement revendiqués ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches qui critiquent un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel ayant souverainement retenu que les consorts Y... ne justifiaient pas de la dévolution successorale à partir de M. X...jusqu'à l'acte de la liquidation de la succession de Mme Z...en date du 22 avril 1850 et qu'aucune précision n'était donnée sur la localisation des immeubles transmis aux consorts Y... à compter de 1850, le moyen, qui critique des motifs relatifs à une transaction conclue postérieurement à cette date et dès lors surabondants, est inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 500 euros et à l'Office national des forêts la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré les consorts Y... irrecevables en leur action ;
AUX MOTIFS QUE l'action des consorts Y... dont la cour est saisie trouve son fondement dans le décret du 14 décembre 1810 qui a autorisé l'Etat, dans les départements maritimes en cas de défaillance notamment des particuliers propriétaires de terrains de se substituer à ces derniers pour prendre des mesures en vue de l'ensemencement, la plantation et la culture des végétaux reconnus les plus favorables à la fixation des dunes ; que l'article 5 de ce texte prévoit que dans les cas où les dunes seraient la propriété de particuliers qui se trouvent hors d'état d'exécuter les travaux recommandés ou s'y refusent, l'administration publique pourra être autorisée à pourvoir à la plantation à ses frais, avec, dans cette hypothèse conservation de la jouissance des dunes et recueil des fruits des coupes qui pourront y être faites jusqu'à l'entier recouvrement des dépenses qu'elle aura assumées et des intérêts, période à l'issue de laquelle lesdites dunes « retourneront au propriétaire à charge d'entretenir convenablement les plantations » ; que l'action en revendication immobilière des consorts Y... n'est pas soumise aux dispositions de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 qui ne concerne que les décisions relatives aux revendications immobilières et en conséquence l'acte introductif ne nécessite pas de publication à la conservation des hypothèques ; que par ailleurs dès lors que tout héritier est fondé, même avant partage et même sans le concours de ses co-indivisaires, à agir en cette qualité contre le tiers détenteur d'un bien qui aurait été soustrait à l'actif de la succession en application de l'article 724 du code civil, il ne saurait être fait grief aux consorts Y... qui prétendent agir en leur qualité d'héritiers de monsieur Jean X...acquéreur initial des biens immobiliers qu'ils revendiquent de ne pas justifier être les seuls héritiers de ce dernier ; qu'il n'en demeure pas moins qu'il appartient aux consorts Y... de justifier de leur droit de propriété sur les terrains dont ils revendiquent la restitution à leur profit ; que dans ce cadre les consorts Y... peuvent certes se prévaloir du fait que la preuve de la propriété immobilière peut être rapportée par tous moyens, n'en demeure pas moins qu'en cas d'impossibilité d'une preuve directe de la propriété, il leur incombe de fournir les actes et faits juridiques qui rendent le droit vraisemblable ; qu'à ce titre, s'il est établi qu'aux termes d'un acte en date du 2 septembre 1663 reçu par maître A...notaire royal à la Teste, monsieur Jean X...a acquis la terre et le vicomté de ... comprenant entre autres « pignadas et droit d'herbage dans les lètes » que l'acte de prise de possession du 15 septembre 1663 a mentionné qu'elle s'exerçait sur « les pignadas, montagnes et lètes jusqu'à la Grande Mer », aucune précision n'était apportée ni sur leur superficie ni sur une localisation plus détaillée de ces derniers ; que par ailleurs, si la transmission des biens désignés sous la dénomination de domaine de ... apparaît établie dans ses grandes lignes entre madame Marie-Madeleine Z...et la mère des consorts Y... à partir de l'acte de liquidation de la succession de la première en date du 22 avril 1850, il n'en demeure pas moins qu'aucun élément de preuve n'est produit au titre de la dévolution successorale qui s'est poursuivie pendant plus de trois siècles et demi à partir de monsieur Jean X...jusqu'en 1850 ; qu'il n'apparaît en tout état de cause pas de précision sur la localisation des immeubles transmis à partir de 1850 aux consorts Y... ni sur leur superficie de telle sorte qu'il est impossible de les relier aux terrains revendiqués par leurs soins actuellement ; que cette carence dans l'administration de la preuve ne saurait être suppléée ni par l'attestation de maître B...notaire à Biscarosse en date du 1er mars 1997 qui affirme sans aucune référence à des actes précis permettant de vérifier ses assertions que madame Marie-Françoise Agnès de C...de Montbron épouse de monsieur Marie-Joseph François Arnaud Y...est héritière en ligne directe de monsieur Jean X..., ni par l'arbre généalogique produit aux débats par les consorts Y... dès lors que ses modalités d'établissement ne sont pas précisées et qu'il n'est corroboré par aucun acte ; que dès lors l'ensemble de ces éléments interdit de considérer que les consorts Y... rapportent la preuve d'un quelconque droit de propriété sur les terrains qu'ils revendiquent et qui seul pourrait fonder la recevabilité de leur action étant souligné que l'absence de transcription à la conservation des hypothèques d'une cession de ces mêmes biens au profit de l'état n'est pas de nature à influer sur le présent litige ; qu'également la relaxe de monsieur Bernard Y... par une juridiction pénale du chef de chasse sur le terrain d'autrui, dès lors que n'est pas produite cette décision et par voie de conséquence la motivation qui la fonde ne peut être retenue comme élément de preuve d'un quelconque droit de propriété susceptible d'être pris en considération dans le cadre de la présente instance (arrêt, pp. 11 et 12) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'il résultait de l'acte clair et précis établi le 2 septembre 1663 que les terres cédées à Jean X...étaient celles du « viscomté de ... », ce qui constituait une localisation précise à une époque où il n'existait ni cadastre ni conservation des hypothèques ; qu'en jugeant que cet acte ne comportait aucune précision sur la localisation des terres cédées, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la propriété immobilière se prouve par tous moyens, les titres translatifs ou déclaratifs de propriété étant en particulier recevables pour faire la preuve du droit, sans que l'on puisse imposer au revendiquant de remonter la chaîne des transmissions successives pour trouver l'acquéreur initial, ce qui serait au demeurant très difficile voire impossible s'agissant d'une période antérieure à la mise en place d'un registre foncier ; que la cour d'appel avait retenu, sur le fondement de l'acte de liquidation de la succession de Marie-Madeleine Z...dressé le 22 avril 1850, que la transmission des biens litigieux apparaissait « établie dans ses grandes lignes entre cette dernière et la mère des consorts Y... » ; qu'en retenant néanmoins l'absence de preuve du droit des consorts Y... sur les biens concernés, par la considération erronée qu'il aurait été nécessaire d'établir la dévolution successorale concernant la période antérieure à l'acte liquidatif susvisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1341 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE les documents énoncés dans les écritures d'une partie et qui n'ont donné lieu à aucune contestation devant les juges du fond sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties ; qu'en retenant que n'était pas produite la décision de relaxe prise par la juridiction pénale envers monsieur Bernard Y... du chef de chasse sur le terrain d'autrui, cependant que cette pièce était expressément visée sous le numéro 23, dans la liste des pièces communiquées, annexée aux dernières conclusions d'appel des consorts Y..., la cour d'appel a violé l'article 132 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur la prétendue absence de production de la décision concernée de la juridiction pénale, qui figurait dans la liste des pièces communiquées, annexée aux dernières conclusions d'appel des consorts Y..., et dont la communication n'était pas contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré les consorts Y... irrecevables en leur action ;
AUX MOTIFS QUE par décret du 14 août 1810, il était donné la possibilité aux pouvoirs publics de fixer les dunes littorales par des plantations de pins même en cas d'opposition des propriétaires (arrêt, p. 3, dernier alinéa) ; qu'à cette époque Eudoxie Z..., veuve du vicomte D..., s'opposait à l'Etat français au sujet de la délimitation de l'ensemble des dunes littorales et des pinèdes situées sur la commune de Biscarosse dont elle se prétendait l'unique propriétaire en sa qualité d'héritière en ligne directe de Jean X...; qu'en 1865, le Préfet des Landes saisissait le tribunal civil de Mont-de-Marsan pour vérifier les droits de la famille D...à l'égard des sols boisés ; que postérieurement à la désignation d'une expert une transaction intervenait aux termes de laquelle la famille D...concédait à l'Etat un certain nombre de dunes et de parcelles de dunes pour l'application du décret précité et reprenait les parcelles de pinèdes non concernées par ce texte (arrêt, p. 4, alinéas 3 à 5) ; qu'en tout état de cause, et même s'il était tenu pour acquis aux débats que les biens transmis à la famille Y... par l'acte de liquidation de la succession de madame Marie-Madeleine Z...en date du 22 avril 1850 englobent les immeubles faisant l'objet de la présente action en revendication, les intimés seraient fondés à opposer aux consorts Y... l'acte du 23 août 1876 dont la lecture révèle qu'elle constitue une transaction parfaite avec l'Etat au sens de l'article 2048 du code civil dès lors qu'elle a manifestement mis un terme à la procédure de délimitation générale de la forêt domaniale entreprise par l'Etat en application de l'article 10 du code forestier de l'époque (actuel article L 132-1) ; qu'il résulte de cette transaction signée par les parties qu'en dépit du caractère inapproprié du terme « projet » utilisé dans son intitulé, elle constitue une convention parfaitement définie par les signataires qui n'envisageaient aucune nécessité d'une quelconque réitération sous une forme ultérieure ; que la lecture de son article 1er conçu en termes clairs indique que « madame D...déclare se désister en faveur de l'Etat comme de fait elle se désiste du troisième chef de la demande tendant à la revendication de 5. 868 hectares 75 ares et 66 centiares confrontés … et ladite dame déclare se désister en faveur de l'Etat de tous les droits et prétentions qu'elle pourrait avoir sur lesdits terrains tels qu'ils sont délimités en rose sur le plan général de la montagne et des dunes de Biscarosse annexé par les experts au rapport par eux dressé relatif au deuxième et troisième chef de demande de madame D...… » ; qu'elle mettait manifestement un terme aux revendications des auteurs des consorts Y... exprimées de manière exhaustive dans le procès verbal de 1864 ; que par ailleurs la remise en cause de sa validité au regard de la circonstance que le signataire représentant la famille D...(vicomte D...) aux droits de laquelle se trouvent les consorts Y... aurait excédé la portée du pouvoir qui lui avait été concédé par madame D..., ne saurait être admise au regard de la prescription de toute action en contestation mais également en raison du fait que l'évocation expresse de cette transaction sans aucune réserve dans la transaction du 21 mai 1894 en opère une nouvelle ratification non équivoque ; qu'également, en dépit des allégations des consorts Y... la renonciation à la revendication immobilière opérée par leur auteur comme portant sur 5. 868 hectares dans le cadre des transactions précitées ne peut être considérée comme une aliénation au profit de l'Etat et en conséquence impliquer une approbation par une loi spéciale au titre du régime spécial des forêts domaniales de l'Etat ; que pour le même motif elle ne nécessitait la signature d'aucun acte authentique ou administratif concrétisant un transfert de propriété ; que compte tenu de l'identité manifeste des immeubles revendiqués actuellement avec ceux ayant donné lieu à l'abandon de revendication consacré par les transactions précitées (superficie identique et localisation à Biscarosse), il y a lieu de relever l'impossibilité pour les consorts Y... de poursuivre la présente action dès lors qu'aux termes de la transaction du 23 août 1876, leur auteur avait renoncé définitivement et expressément à toute possibilité à ce titre ; qu'il convient dès lors de constater que les consorts Y... succombant dans la preuve qui leur incombe de leur qualité de propriétaires des biens immobiliers qu'ils revendiquent ont été à bon droit déclarés irrecevables en leur présente action ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt (arrêt, pp. 12 et 13) ;
ALORS QUE les transactions se renferment dans leur objet, de sorte que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; qu'en décidant que l'acte du 23 août 1876, intitulé « nouveau projet de transaction », mettait manifestement un terme aux revendications des auteurs des consorts Y... exprimées de manière exhaustive dans le procès verbal de 1864, cependant qu'elle avait constaté que le litige ayant abouti audit acte du 23 août 1876 avait eu pour unique objet la vérification des droits de la famille D...à l'égard des seuls sols boisés, ce dont il résultait que ledit litige ne portait pas sur les parcelles non boisées dont l'administration avait pu prendre en charge la plantation et dont les consorts Y... revendiquaient la propriété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 2048 du code civil ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ; qu'en décidant que le « nouveau projet de transaction » établi le 23 août 1876 emportait renonciation définitive d'Eudoxie Z..., épouse D...à la revendication de la propriété des dunes litigieuses, cependant qu'il était constaté par l'arrêt que ladite transaction était intervenue à la suite d'un différend opposant l'Etat, pris en la personne du préfet des Landes, et la famille D..., relativement à la possession des seuls sols boisés, sans rechercher si la propriété des sols non boisés était également l'objet d'un différend auquel ladite transaction aurait mis fin ou si elle était la suite nécessaire de ce qui était exprimé dans l'acte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2049 du code civil ;
ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE, QUE la transaction conclue entre l'Etat et une personne privée, emportant renonciation de celle-ci à la revendication de la propriété immobilière de terres au profit de l'Etat et, réciproquement, reconnaissance par l'Etat de la propriété de la personne privée sur d'autres terres, doit être regardée comme une transaction portant sur un bien de l'Etat, laquelle constitue une aliénation et implique notamment une approbation par une loi spéciale au titre du régime spécial des forêts de l'Etat ; que la cour d'appel avait retenu que madame D..., aux droits de laquelle se trouvaient les consorts Y..., avait conclu avec l'Etat, le 23 août 1876, une transaction par laquelle elle aurait renoncé à tous droits sur certains terrains, objet d'une procédure de délimitation d'une forêt de l'Etat, ce dont il résultait qu'eu égard aux nécessaires concessions réciproques consenties par l'Etat, cette transaction aurait dû être approuvée par une loi spéciale au titre du régime des forêts de l'Etat ; qu'en retenant néanmoins l'absence de nécessité d'une telle loi spéciale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres motifs, a violé l'article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'une telle transaction portant sur un bien de l'Etat et constituant une aliénation implique également la signature d'un acte authentique ou administratif concrétisant le transfert de propriété et sa transcription au registre des hypothèques ; qu'en retenant au contraire l'absence de nécessité de la signature d'un acte authentique ou administratif concrétisant le transfert de propriété, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.