LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° K 11-16. 429 et T 11-17. 770 ;
Met hors de cause Mme X...;
Sur le moyen unique de chacun des pourvois :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mars 2011), que, par acte du 25 octobre 1995, Mme X...a renouvelé au profit de la société Immobilière de Bondues le bail commercial qu'elle lui avait consenti le 27 octobre 1986 sur un immeuble situé à Bondues et, par acte du même jour, a donné à bail commercial un immeuble contigu au premier à M. Y..., l'autorisant à sous-louer deux pièces situées à l'étage de cet immeuble, exclusivement à la société mmobilière de Bondues ; que le 29 décembre 1997, cette société a cédé son fonds de commerce comprenant le droit au bail à la société Vanhoutte ; que Mme X..., le 7 mars 2007, a délivré à M. Y... un commandement visant la clause résolutoire stipulée au bail, lui enjoignant de mettre un terme à la sous-location dont bénéficiait la société Vanhoutte, puis, l'a assigné, par acte du 5 novembre 2007, afin de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire ; que, par acte du 5 décembre 2007, M. Y... a appelé en intervention forcée la société Vanhoutte ; que M. Z..., qui avait acquis la clientèle d'agent d'assurances de M. Y..., est intervenu volontairement à l'instance ; que M. Y... et M. Z..., qui ont conclu au rejet des demandes de Mme X...et sollicité sa condamnation à leur payer une indemnité d'éviction, ont, subsidiairement, demandé à être garantis par la société Vanhoutte des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux ; que la société Vanhoutte a conclu, en première instance, au rejet des demandes de Mme X..., puis a formé, en cause d'appel, une demande subsidiaire en condamnation de M. Y... et de M. Z...à réparer son préjudice ;
Attendu que M. Y... et M. Z...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un fait ; que dans ses conclusions de première instance, la société Vanhoutte s'était bornée à solliciter de voir « débouter Mme X...de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions » et « débouter M. Y... de sa demande subsidiaire » tendant à voir la société libérer les lieux ; qu'elle n'avait donc formé aucune demande à l'encontre de M. Z...; que pour la première fois en cause d'appel, la société Vanhoutte a sollicité, à titre subsidiaire, de voir « condamner in solidum MM. Y... et Z...à verser à la société Vanhoutte associés la somme de 150 000 euros sauf à parfaire … » ; qu'en omettant de relever d'office l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 9 décembre 2009 ;
2°/ que, subsidiairement, dans ses conclusions d'appel, M. Z...faisait expressément valoir que la société Vanhoutte était à l'origine de son propre préjudice, dès lors qu'elle était entrée dans les lieux comme cessionnaire du fonds de la société l'Immobilière de Bondues, en omettant de faire mentionner le sous-bail dans l'acte de cession du 29 décembre 1997, auquel il était totalement étranger ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen péremptoire dont il résultait que le préjudice de la société Vanhoutte résultait de sa propre négligence, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, subsidiairement et en toute hypothèse, seul est sujet à réparation le préjudice actuel, direct et certain ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément constaté que le préjudice dont la société Vanhoutte demandait réparation, à savoir son éviction, « n'est pas actuel puisque la société Vanhoutte s'était maintenue dans les lieux », mais que sa décision générait « le risque de perdre un élément du fonds », de sorte qu'il n'était ni actuel ni certain, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la demande en indemnisation formée par la société Vanhoutte à l'encontre de M. Y... et de M. Z...s'analysant en une demande reconventionnelle soumise aux dispositions des articles 567 et 70 du code de procédure civile, le moyen tiré de l'article 564 du code de procédure civile est inopérant ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société Vanhoutte, maintenue dans une situation précaire, ne disposait d'aucun droit opposable au propriétaire, qu'en cas de disparition du bail principal, elle se trouvait privée de toute action statutaire et que le risque de perdre un élément du fonds était généré par son arrêt, la cour d'appel, sans être tenue de s'expliquer sur un moyen que ses constatations relatives à la responsabilité de M. Y... et de M. Z..., rendaient inopérant, a ainsi caractérisé un préjudice futur mais certain ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et M. Z...à payer à la société Vanhoutte la somme de 2 500 euros ; condamne M. Y... à payer à Mme X...la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes de M. Y... et de M. Z...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° K 11-16. 429 par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la responsabilité civile de Monsieur Y... est engagée à l'égard de la SOCIETE VANHOUTTE en raison de son comportement fautif, qu'il devra répondre, solidairement avec Monsieur Z..., du préjudice qu'ils lui ont causé, et de les avoir condamnés solidairement au paiement d'une indemnité provisionnelle de 100. 000 €,
AUX MOTIFS QUE
« Il est patent que M Y... n'a pas régularisé un contrat de sous-location valable et qu'il ne pouvait l'ignorer, ayant en connaissance de cause bafoué le contrat de bail ; néanmoins, il a touché de la société Vanhoutte des « loyers » chaque mois de son occupation. Il l'a, comme elle le fait remarquer, maintenue dans une situation précaire, où la valeur de son fonds pouvait sans cesse se voir amputée de son « bail », tout en en tirant un profit. Cette situation précaire résulte du fait que, sous-locataire partiel de locaux indivisibles, la société Vanhoutte n'a disposé d'aucun droit opposable au propriétaire, qu'en cas de disparition du bail principal, elle se trouve privée de toute action statutaire.
Monsieur Y... a touché des « loyers » tout en n'y étant pas autorisé et pour un total qui n'est pas modique. Son comportement, tout comme celui de Monsieur Z...qui l'a pérennisé, est évidemment fautif. En outre, la jurisprudence est bien fixée qui reconnaît la responsabilité de droit commun du locataire principal, lorsque l'éviction du sous-locataire intervient à son initiative lorsque, de lui-même, il décide de partir. A heure d'aujourd'hui, si le préjudice n'est pas actuel, puisque la société Vanhoutte s'est maintenue dans les lieux, le risque de perdre un élément du fonds est généré par la présente décision. Il est cependant impossible à la Cour d'évaluer ce préjudice. Il convient d'accorder à la société Vanhoutte une provision de 100. 000 € et de désigner un expert pour quantifier la perte qui sera la sienne dès l'expulsion. Par contre, il ne sera pas fait droit à la demande de restitution des loyers qui ont correspondu à une véritable occupation et à une période effective d'exploitation dans ces locaux, d'autant que cette demande a été omise du dispositif des conclusions »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
Dans ses conclusions de première instance, la SOCIETE VANHOUTTE ASSOCIES s'était bornée à soutenir l'argumentation de Monsieur Y..., à soulever la mauvaise foi de Madame X...qui avait concouru à l'acte de cession de son fonds de commerce en décembre 1997 en connaissant le maintien de la sous-location en cause, et à conclure au rejet des demandes formulées à son encontre ; qu'ainsi, en s'abstenant de relever d'office l'irrecevabilité de demandes indemnitaires de la SOCIETE VANHOUTTE ASSOCIES dirigées contre Monsieur Y..., nouvelles en appel, la Cour d'Appel a violé l'article 564 du Code de Procédure Civile dans sa rédaction résultant du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE,
Dans ses conclusions d'appel, Monsieur Y... soutenait que la SOCIETE VANHOUTTE, qui était entrée dans les lieux comme cessionnaire du fonds de la SOCIETE IMMOBILIERE DE BONDUES, avait omis de faire mentionner la sous-location dans l'acte de cession, qu'il était resté parfaitement étranger à cette cession et que seule la négligence de la SOCIETE VANHOUTTE était à l'origine de cette difficulté et du préjudice par elle allégué ; qu'en ne répondant par aucun motif à ces conclusions, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile,
ALORS, ENFIN, QUE,
Pour être réparable, un préjudice doit être direct, actuel et certain ; qu'ainsi, en décidant que Monsieur Y... devra répondre solidairement avec Monsieur Z...du préjudice causé à la SOCIETE VANHOUTTE, et en les condamnant au paiement d'une indemnité provisionnelle, alors qu'elle constatait que le préjudice dont la SOCIETE VANHOUTTE demandait réparation, à savoir son éviction, « n'est pas actuel, puisque la SOCIETE VANHOUTTE s'était maintenue dans les lieux » mais que sa décision générait « le risque de perdre un élément du fond », la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code Civil. Moyen produit au pourvoi n° T 11-17. 770 par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour M. Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la responsabilité civile de M. Z...était engagée à l'égard de la société Vanhoutte en raison de son comportement fautif, qu'il devrait répondre, solidairement avec M. Y..., du préjudice causé à celle-ci et de les avoir condamnés solidairement au paiement d'une indemnité provisionnelle de 100. 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE il est patent que M. Y... n'a pas régularisé un contrat de sous-location valable et qu'il ne pouvait l'ignorer, ayant en connaissance de cause bafoué le contrat de bail ; que néanmoins, il a touché de la société Vanhoutte des « loyers » chaque mois de son occupation ; qu'il l'a, comme elle le fait remarquer, maintenue dans une situation précaire, où la valeur de son fonds pouvait sans cesse se voir amputée de son « bail », tout en en tirant un profit ; que cette situation précaire résulte du fait que sous locataire partiel de locaux indivisibles, la société Vanhoutte n'a disposé d'aucune droit opposable au propriétaire ; qu'en cas de disparition du bail principal, elle se trouve privée de toute action statutaire ; que M. Y... a touché des « loyers » tout en n'y étant pas autorisé et pour un total qui n'est pas modique ; que son comportement, tout comme celui de M. Z...qui l'a pérennisé est évidemment fautif ; qu'en outre, la jurisprudence est bien fixée qui reconnaît la responsabilité de droit commun du locataire principal, lorsque l'éviction du sous-locataire intervient à son initiative lorsque lui-même décide de partir ; qu'à l'heure d'aujourd'hui, si le préjudice n'est pas actuel, puisque la société Vanhoutte s'est maintenue dans les lieux, le risque de perdre un élément du fonds est généré par la présente décision ; qu'il est cependant impossible à la cour d'évaluer ce préjudice ; qu'il convient d'accorder à la société Vanhoutte une provision de 100. 000 € et de désigner un expert pour quantifier la perte qui sera la sienne dès l'expulsion ;
1°) ALORS QUE à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un fait ; que dans ses conclusions de première instance, la société Vanhoutte s'était bornée à solliciter de voir « débouter Mme X...de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions » et « débouter M. Y... de sa demande subsidiaire » tendant à voir la société libérer les lieux ; qu'elle n'avait donc formé aucune demande à l'encontre de M. Z...; que pour la première fois en cause d'appel, la société Vanhoutte a sollicité, à titre subsidiaire, de voir « condamner in solidum MM. Y... et Z...à verser à la société Vanhoutte associés la somme de 150. 000 € sauf à parfaire … » ; qu'en omettant de relever d'office l'irrecevabilité de cette demandes nouvelle en appel, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 9 décembre 2009 ;
2°) ALORS QUE subsidiairement, dans ses conclusions d'appel (signifiées le 1er février 2011, p. 4 et 5), M. Z...faisait expressément valoir que la société Vanhoutte était à l'origine de son propre préjudice, dès lors qu'elle était entrée dans les lieux comme cessionnaire du fonds de la société l'Immobilière de Bondues, en omettant de faire mentionner le sousbail dans l'acte de cession du 29 décembre 1997, auquel il était totalement étranger ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen péremptoire dont il résultait que le préjudice de la société Vanhoutte résultait de sa propre négligence, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement et en toute hypothèse, seul est sujet à réparation le préjudice actuel, direct et certain ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément constaté que le préjudice dont la société Vanhoutte demandait réparation, à savoir son éviction, « n'est pas actuel puisque la société Vanhoutte s'était maintenue dans les lieux », mais que sa décision générait « le risque de perdre un élément du fonds », de sorte qu'il n'était ni actuel ni certain, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.