La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2012 | FRANCE | N°11-22413

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-22413


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché par la société Kermené en qualité d'ouvrier le 2 février 2004 ; que victime d'un accident du travail en 2004, il a été examiné lors d'une deuxième visite de reprise le 16 octobre 2008 par le médecin du travail ; qu'il a été licencié le 4 décembre 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
A

ttendu que la société Kermené fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas res...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché par la société Kermené en qualité d'ouvrier le 2 février 2004 ; que victime d'un accident du travail en 2004, il a été examiné lors d'une deuxième visite de reprise le 16 octobre 2008 par le médecin du travail ; qu'il a été licencié le 4 décembre 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que la société Kermené fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de reclassement du salarié inapte qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyens et non résultat ; que la société Kermené avait fait valoir, en produisant une liste exhaustive des postes même pourvus existant dans l'entreprise, qu'elle ne disposait d'aucun poste susceptible d'être proposé au salarié, compte tenu des restrictions émises par le médecin du travail, de telle sorte que son reclassement interne était objectivement impossible ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'était pas établi que l'entreprise ne pouvait proposer aucun poste de reclassement au salarié, de telle sorte que celle-ci avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-15, L. 1232-1, et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ qu'en affirmant que la société Kermené devait étendre le périmètre de ses recherches de reclassement à la société coopérative Groupement d'achat des Centres Leclerc (GALEC) au seul motif qu'elle en est une filiale « selon les pièces produites » et que cette société préside son conseil de surveillance, sans constater que la permutation de tout ou partie du personnel était possible entre les deux sociétés, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer et a méconnu les exigences de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'avait justifié d'aucune recherche sérieuse dans l'entreprise ni sollicité le médecin du travail sur ses propositions éventuelles de reclassement, a pu en déduire que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement et a ainsi, la seconde branche étant sans portée en tant qu'elle vise un motif surabondant, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu que lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle et en l'absence de réintégration dans l'entreprise, le tribunal octroie une indemnité au salarié, qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le préjudice sera ainsi justement réparé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié percevait un salaire brut mensuel de 1 820 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 18 000 euros les dommages-intérêts accordés à M. X... à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Kermené aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et condamne celle-ci à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 18.000 € le montant des dommages et intérêts alloués à M. X... ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement pour inaptitude de M. X..., sans que l'employeur respecte son obligation de reclassement, est dénué de cause réelle et sérieuse ; que, sur les conséquences du licenciement, M. X... prétend à une indemnisation égale à vingt-quatre mois de rémunération brute soit 1.820,48 € x 24 = 43.691,56 € ; que la société Kermené conclut au débouté en estimant que le salarié ne justifie pas de sa situation actuelle et ne peut invoquer un préjudice ; que l'article L.1226-15 sanctionne le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L.1226-10 à 1226-12, par l'octroi au salarié d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires et qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et l'indemnité spéciale de licenciement ; que licencié sans cause réelle et sérieuse à l'âge de 53 ans, M. X... a perdu le bénéfice d'une ancienneté de cinq années et d'une rémunération brute moyenne de 1.820 € par mois ; qu'il a été indemnisé par le Pôle Emploi à compter du 9 février 2009 et au moins jusqu'au 8 août 2009 en percevant l'allocation de retour à l'emploi d'un montant journalier de 35,82 € puis 36,18 € ; que le préjudice ainsi causé sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 18.000 € ;
ALORS QUE lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, et en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ; que l'indemnité est calculée en fonction de la rémunération brute du salarié ; qu'en déclarant d'abord que « le licenciement pour inaptitude de M. X..., sans que l'employeur respecte son obligation de reclassement, est dénué de cause réelle et sérieuse » (arrêt attaqué, p. 6 § 3), en constatant ensuite que M. X... percevait « une rémunération brute moyenne de 1.820 € par mois » (arrêt attaqué, p. 6 § 6), puis en se bornant à allouer au salarié la somme de 18.000 € à titre d'indemnité, la cour d'appel, qui a alloué à M. X... une somme inférieure à douze mois de salaires, a violé l'article L.1226-15 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Kermené, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société KERMENÉ n'avait pas respecté son obligation de reclassement de telle sorte que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer au salarié la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de lui AVOIR ordonné de rembourser au PÔLE EMPLOI BRETAGNE les indemnités de chômage versées à Monsieur X..., dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, « sur le licenciement, M. X... soutient pour l'essentiel que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à défaut pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de reclassement dans l'entreprise et le groupe Leclerc, d'avoir pris l'avis des délégués du personnel en vue de son reclassement et d'avoir sollicité et obtenu les conclusions écrites du médecin du travail sur son aptitude à occuper tel ou tel poste au sein de l'entreprise ; que la SAS Kermené rétorque qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement dans l'entreprise qui est une obligation de moyen et non de résultat, qu'elle a consulté les délégués du personnel en vue du reclassement de ce salarié, qu'aucun des postes existants dans l'entreprise ne répondait aux restrictions médicales posées par le médecin du travaille 16 octobre 2008 et aux compétences de M. X... ; qu'enfin ce dernier a même refusé un reclassement externe chez un fournisseur les transports Tessier ; que l'article L 122-32-5 du Code du Travail devenu L 1226-10 précise que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ; que s'il ne peut proposer un autre emploi, l'employeur est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions ci-dessus prévues, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans de telles conditions ; que l'avis du médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement le cas échéant au sein du groupe auquel appartient l'entreprise au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ; que la SAS Kermené ne justifie d'aucune recherche au sein de l'entreprise de 2.900 salariés, ni avoir sollicité le médecin du travail sur ses propositions éventuelles de reclassement; que par ailleurs, la SAS Kermené a pour président de son conseil de surveillance, la société coopérative groupements d'achats des centres Leclerc -Galec- dont elle est une filiale selon les pièces produites; qu'il n'est pas plus justifié par l'employeur d'une quelconque recherche de reclassement de M. X... au sein de ce groupe ; que la consultation des délégués du personnel suppose que la société Kermené leur ait donné toutes les informations nécessaires en vue du reclassement de M. X... ; que par courrier du 29 octobre 2008, le directeur des ressources humaines de la société Kermené a informé les délégués du personnel de ce que le reclassement de trois personnes, dont M. X..., serait abordé lors de la réunion des délégués du personnel du 6 novembre 2008 ; que la feuille d'émargement démontre qu'une réunion des délégués du personnel s'est bien tenue ce jour-là ; que pour autant il n'est produit aucun avis de ceux-ci, ni justifié de ce qu'ils auraient disposé des informations nécessaires sur M. X... ( compétence, restrictions médicales, formation..) pour leur permettre de mener utilement leur réflexion en vue du reclassement du salarié ; que s'il est attesté par M. Z..., le salarié ayant assisté à l'entretien préalable, que M. X..., envisageant un poste de chauffeur de bus à 8t Brieuc, a dit n'être pas intéressé par un reclassement auprès des transports Tessier, et que si le gérant de cette entreprise atteste qu'il était d'accord pour embaucher M. X... mais que celui-ci ne l'a pas appelé, force est de constater que le poste en question n'est même pas décrit, de sorte que la Cour ne sait s'il était compatible ou non avec l'avis du médecin du travail et qu'en l'absence de proposition concrète de poste, M. X... a pu valablement refuser un reclassement au sein de l'entreprise Tessier ; qu'il suit de ces constatations que le licenciement pour inaptitude de M. X..., sans que l'employeur respecte son obligation de reclassement, est dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé de ce chef »;
ET AUX MOTIFS, EN LES SUPPOSANT ADOPTÉS, DES PREMIERS JUGES QUE, « sur le caractère non fondé du licenciement, l'article L. 1226-10 du Code du travail prévoit qu'à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par les médecins du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'inaptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures, telle que mutation, transformation de poste ou aménagement de temps de travail ; qu'en la matière, la SAS Kermené avait donc plusieurs obligations :la première : se faire communiquer les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer des tâches existantes dans l'entreprise, les certificats médicaux des 2 et 16 octobre 2008 remplissent cette obligation ;la seconde : prendre l'avis des délégués du personnel. Les délégués du personnel ont bien été consultés en date du 6 novembre 2008, mais cette consultation n'a pas fait l'objet d'un compte-rendu de réunion signé par les parties ;la troisième : rechercher des alternatives visant à reclasser le salarié ;que la lettre de licenciement du 4 décembre 2008 ne précise aucune proposition de reclassement qui aurait été éventuellement présentée à Monsieur X... ; d'une part, que le dossier et les débats n'apportent pas la preuve qu'une proposition de reclassement ait été proposée à Monsieur X... et, d'autre part, que les pièces présentées au Conseil de prud'hommes par la SAS Kermené ne comporte pas d'élément tangible apportant la preuve d'une recherche sérieuse d'une solution de reclassement ; que le Conseil de prud'hommes dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur X... est non fondé et condamne la SAS Kermené à verser à Monsieur X... la somme de 13.815 € à titre de dommages et intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART QUE l'obligation de reclassement du salarié inapte qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyens et non résultat ; que la société KERMENÉ avait fait valoir, en produisant une liste exhaustive des postes même pourvus existant dans l'entreprise, qu'elle ne disposait d'aucun poste susceptible d'être proposé au salarié, compte tenu des restrictions émises par le médecin du travail, de telle sorte que son reclassement interne était objectivement impossible ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'était pas établi que l'entreprise ne pouvait proposer aucun poste de reclassement au salarié, de telle sorte que celle-ci avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-15, L. 1232-1, et L. 1235-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART QU'en affirmant que la société KERMENÉ devait étendre le périmètre de ses recherches de reclassement à la société coopérative GROUPEMENT D'ACHAT DES CENTRES LECLERC (GALEC) au seul motif qu'elle en est une filiale « selon les pièces produites » et que cette société préside son conseil de surveillance, sans constater que la permutation de tout ou partie du personnel était possible entre les deux sociétés, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer et a méconnu les exigences de l'article L. 1226-10 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22413
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 07 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-22413


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22413
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award