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26/09/2012 | FRANCE | N°11-19273

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-19273


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2011), que Mme X..., engagée le 2 mai 2007 par la société ESPRIT DE CORP France en qualité de responsable de magasin a été licenciée le 23 mars 2009 pour faute grave ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur qui, par son abstention fautive, n'a pas établi la réalité, la nature et l'ampleur de faits reprochés à u

n salarié pouvant caractériser l'existence d'un harcèlement moral, ne peut, en l'absence de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2011), que Mme X..., engagée le 2 mai 2007 par la société ESPRIT DE CORP France en qualité de responsable de magasin a été licenciée le 23 mars 2009 pour faute grave ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur qui, par son abstention fautive, n'a pas établi la réalité, la nature et l'ampleur de faits reprochés à un salarié pouvant caractériser l'existence d'un harcèlement moral, ne peut, en l'absence de faits nouveaux, sanctionner le salarié concerné au-delà du délai de deux mois ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur a eu connaissance des faits litigieux le 19 septembre 2007 mais n'a alors mené aucune enquête ou investigation ; que dès lors, l'employeur ne pouvait se prévaloir d'une connaissance tardive, en 2009, des faits litigieux, pour licencier la salariée pour faute grave ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-4 et L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ que le licenciement doit reposer sur une cause réelle et que si un doute subsiste, il doit profiter au salarié ; qu'en l'espèce, il existait un doute sur la réalité des faits reprochés dès lors que ceux-ci n'étaient attestés que par les dires d'une salariée ouvertement hostile à sa supérieure hiérarchique ; que pour écarter ce doute, la cour d'appel se fonde sur une lettre de dénonciation du 27 septembre 2007 relatant les faits ; que cependant il résulte de cette lettre que son auteur n'a pas assisté aux faits rapportés et ne précise pas qui les lui a racontés ; que dès lors, pour dire les faits reprochés établis, la cour d'appel a dénaturé la portée de la lettre du 27 septembre 2007 et partant violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, sans dénaturer les pièces qui lui étaient soumises, a constaté qu'il était établi non seulement par les dires d'une des employées concernées, mais aussi par la dénonciation faite par une autre employée, dans un temps proche de la survenance des faits, que, le 5 septembre 2007, la salariée avait, à la suite de la disparition en caisse de 100 euros, fait mettre deux des employées du magasin nues dans son bureau et qui relève que l'employeur n'a eu connaissance de la réalité de ces faits que le 4 mars 2009, compte tenu de ce que la salariée avait utilisé des manoeuvres pour les dissimuler, a pu décider que ces faits constituaient une faute grave et rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de Mademoiselle X... fondé sur une faute grave ;

AUX MOTIFS QUE la SA ESPRIT DE CORP France verse aux débats une lettre que lui a adressée, le 12 janvier 2009, le docteur Philippe Y..., médecin du travail l'alertant sur la situation psychosociale dans laquelle se trouvait le magasin de Saint-Etienne en mentionnant que la situation était tellement dégradée et était devenue tellement délétère qu'elle portait atteinte à la santé mentale des salariés y travaillant. Le docteur Philippe Y... écrivait : « Le comportement répété et insistant, les remarques humiliantes répétées de la part de la directrice et de son adjoint peuvent être assimilés et correspondre à la définition juridique du harcèlement moral. Le stress subit par le personnel, le sentiment d'humiliation ressenti par les personnes concernées peut conduire à des aboutissements dramatiques qu'il faut traiter et prévenir. Médecin, je suis lié au secret professionnel mais cette situation psychosociale au travail me pousse à exercer mon devoir d'assistance à personne en danger ». A la même date, Sandrine X... a demandé à l'employeur en faisant référence à une conversation du même jour, une visite du CHSCT afin de faire une enquête auprès des salariés en poste au regard des problèmes existants : 4 arrêts maladie et arrêts maladie renouvelés depuis 6 mois. Sandrine X... conteste la réalité de la mise à nu de deux salariées suivie de pressions pour qu'elles acceptent cette humiliation en échange d'un temps plein pour l'une et d'une promotion pour l'autre. Elle explique que le 15 septembre 2007, à la suite d'une erreur de caisse apparue sur la caisse tenue par Nathalie Z..., il manquait 2 billets de 50 euros, que Nathalie Z... l'a insultée et menacée, qu'Emmanuelle A... a proposé une fouille des sacs à mains et des casiers avec l'accord de tout le monde étant précisé que seules étaient présentes Nathalie Z..., Sonia B..., Emmanuelle A... et Anaïs C..., que suite à cette fouille, les deux billets ont été retrouvés, que Nathalie Z... a propagé la rumeur selon laquelle elle aurait été mise à nu pendant la fouille, qu'elle a elle-même informé la direction de cette rumeur ce qui a conduit le directeur des ressources humaines et le nouveau directeur régional à venir au magasin pour discuter avec chacun des salariés, que tous ont nié les faits et l'affaire a été classée, que cependant, la direction a demandé à ce que Nathalie Z... et Emmanuelle A... attestent par écrit qu'aucun comportement fautif n'avait été adopté le 15 septembre 2007 ce qui a été fait. Il résulte des pièces produites par la SA ESPRIT CORP France que les faits ont été dénoncés par Julie D..., responsable adjointe, dans une lettre du 27 septembre 2007 faisant suite à un entretien au siège de la société le 19 septembre 2007 au cours duquel lui ont été reprochés des erreurs et des oublis énumérés détaillés dans une liste dressée par Sandrine X.... Par écrit du 20 septembre 2007, adressé à Mikaël E..., directeur des ressources humaines de l'époque et produit par la SA ESPRIT DE CORP France, Emmanuelle A... a attesté ne pas avoir été fouillée le samedi 15 septembre, que sa responsable lui a demandé de vérifier son casier ainsi que son sac en sa présence, qu'elle était consentante au regard du respect des procédures car elle n'avait rien à se reprocher. Par écrit du 4 octobre 2007, produit par les deux parties, Nathalie Z... certifie que le 15 septembre 2007, elle n'a subi aucune pression de la part de Sandrine X... lors du contrôle des casiers, « chose que l'on fait régulièrement selon la procédure et d'autre part, nous n'étions pas sur le floor ce jour là, seulement dans le vestiaire et dans le bureau. Aucune erreur n'a été faite ». Par mail du 26 octobre 2007, produit par Sandrine X..., qui ne démontre par contre pas avoir informé la direction de la société de l'existence de prétendue rumeur, Mikaël E... a confirmé sa venue à Saint-Etienne le 9 novembre 2007 avec Christophe F..., futur directeur régional, pour rencontrer Sandrine X... et l'équipe aux fins de faire le point sur le management du magasin et sur la partie opérationnelle. Par avenant à son contrat de travail en date du 7 novembre 2007, Emmanuelle A... a été promue chef de rayon. Par avenant du 12 novembre 2007 au contrat de travail à temps partiel, le temps de travail de Nathalie Z... a été porté à 35 heures. La chronologie des faits dément la version de Sandrine X..., les écrits des salariées étant antérieurs à la visite de la direction. Dans une lettre adressée à la direction des ressources humaines dans le cadre de l'enquête diligentée suite à l'alerte du médecin du travail, Nathalie Z... écrit : « Je suis certaine que le fameux samedi où j'ai eu le malheur d'avoir été mise à nu contre mon gré, mais comme sur le moment je savais pas ce qui m'arrivait, je fus perdue…ça a déclenché en moi cette rancune et manque de confiance en elle que je n'ai pu oublier. Il est vrai que suite à son énorme et impardonnable acte, elle m'a supplié de lui faire une attestation sur l'honneur, sinon, elle était virée… comme à l'époque, j'étais à 25 heures, je souhaitais rester chez Esprit et évoluer, quand elle m'a téléphoné un soir pour me dire qu'elle me proposait un poste à 35 heures, que mis à part Emmanuelle et moi, elle ne voyait personne d'autre pouvant assumer le poste, elle me disait qu'avec Julie D..., elle ne l'aimait pas et qu'elle en ferait son affaire, qu'elle mettrait A... Emmanuelle floor manager. Pas manqué, quelques temps après, j'avais mon 35 heures et Emmanuelle a été nommée floor manager… bref j'ai su à ce moment là qu'elle était capable d'arriver à ses fins par tous les moyens ». Marina G..., directeur des ressources humaines expose que dans le cadre de l'enquête, elle s'est rendue le 4 mars 2009 accompagnée de Farah H... secrétaire du CHSCT à Lyon pour entendre Sonia B..., Gaëlle I... et Nathalie Z..., toutes trois en arrêt maladie. Il résulte du compte rendu d'enquête rédigé par Farah H... que Nathalie Z... en arrêt de travail depuis le 27 septembre 2008 pour, selon elle « pression morales et mauvaise entente avec Sandrine X... » a relaté lors de cet entretien, qu'un jour, Sandrine X... a demandé à l'équipe de fouiller de fond en comble la boutique pour retrouver 100 euros manquant dans la caisse puis l'a convoquée ainsi qu'Emmanuelle A..., ancienne responsable de rayon, dans son bureau afin de procéder à la mise à nu, que le samedi vers 21 heures, Sandrine X... l'a appelée pour lui dire qu'elle avait retrouvé l'argent dans le coffre alors que celui-ci avait été fouillé, que la semaine suivante, Sandrine X... lui a demandé un courrier stipulant qu'elle n'avait pas forcé les filles à se mettre à nu en lui faisant du chantage sur son poste à heures. Dans le but d'obtenir confirmation ou non de la mise à nu de Nathalie Z..., Farah H... a pris contact avec Emmanuelle A... qui n'a pas souhaité en parler ne voulant absolument pas revenir sur le passé. Il résulte de l'ensemble de ces éléments d'une part que les faits du 15 septembre 2007 ne résultent pas seulement des dires de Nathalie Z... mais qu'ils ont été dénoncés par Julie D... dans un temps proche de leur survenance, que les deux salariées concernées n'ont pas établi des attestations à la suite de la visite de la direction et à sa demande pour classer l'affaire mais avant la venue de la direction et qu'elles ont bénéficié l'une d'une promotion et l'autre d'un temps complet peu de temps avant ou après cette venue. Ces éléments établissent que le 15 septembre 2007, Sandrine X... après avoir procédé à une fouille des casiers et des sacs de Nathalie Z... et Emmanuelle A..., les a fait mettre nues dans son bureau pour poursuivre la fouille, a obtenu que les salariées taisent les faits devant l'employeur en modifiant à leur avantage les contrats de travail, que l'employeur n'a eu connaissance de la réalité des faits du 15 septembre 2007 et des moyens utilisés par Sandrine X... pour les dissimuler que le 4 mars 2009, qu'il a engagé la procédure de licenciement dès le lendemain. Ces faits imputés à Sandrine X... dans la lettre de licenciement constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend, à eux seuls, impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise fusse même pendant la durée limitée du préavis ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur qui, par son abstention fautive, n'a pas établi la réalité, la nature et l'ampleur de faits reprochés à un salarié pouvant caractériser l'existence d'un harcèlement moral, ne peut, en l'absence de faits nouveaux, sanctionner le salarié concerné au-delà du délai de deux mois ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur a eu connaissance des faits litigieux le 19 septembre 2007 mais n'a alors mené aucune enquête ou investigation ; que dès lors, l'employeur ne pouvait se prévaloir d'une connaissance tardive, en 2009, des faits litigieux, pour licencier la salariée pour faute grave ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L.1152-4 et L.1332-4 du Code du travail

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le licenciement doit reposer sur une cause réelle et que si un doute subsiste, il doit profiter au salarié ; qu'en l'espèce, il existait un doute sur la réalité des faits reprochés dès lors que ceux-ci n'étaient attestés que par les dires d'une salariée ouvertement hostile à sa supérieure hiérarchique ; que pour écarter ce doute, la Cour d'appel se fonde sur une lettre de dénonciation du 27 septembre 2007 relatant les faits ; que cependant il résulte de cette lettre que son auteur n'a pas assisté aux faits rapportés et ne précise pas qui les lui a racontés ; que dès lors, pour dire les faits reprochés établis, la Cour d'appel a dénaturé la portée de la lettre du 27 septembre 2007 et partant violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-19273
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-19273


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19273
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