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26/09/2012 | FRANCE | N°11-18230

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 septembre 2012, 11-18230


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 mars 2011), que les époux
X...
se plaignant de la création de vues par suite de l'édification par l'EURL Jerlau, gérée par M. Y..., d'une extension d'un bâtiment existant, sur le fonds voisin du leur, en violation d'un plan d'occupation des sols (POS) déterminant la hauteur des constructions et leur distance par rapport aux limites séparatives, les ont assignés en démolition de l'extension réalisée et en indemnisation de leur p

réjudice ;
Attendu que M. Y...et l'EURL Jerlau font grief à l'arrêt de les...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 mars 2011), que les époux
X...
se plaignant de la création de vues par suite de l'édification par l'EURL Jerlau, gérée par M. Y..., d'une extension d'un bâtiment existant, sur le fonds voisin du leur, en violation d'un plan d'occupation des sols (POS) déterminant la hauteur des constructions et leur distance par rapport aux limites séparatives, les ont assignés en démolition de l'extension réalisée et en indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que M. Y...et l'EURL Jerlau font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à procéder sous astreinte à la démolition du premier étage de l'extension de l'immeuble et à payer une somme à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que si, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, les particuliers peuvent invoquer la violation de règlements administratifs instituant des charges d'urbanisme ou des servitudes d'intérêt public, c'est à la condition de prouver l'existence d'un préjudice personnel qui soit en relation directe de cause à effet avec ladite infraction ; que lorsqu'une construction a été édifiée en violation d'une règle d'urbanisme régissant l'implantation, le volume ou la hauteur des constructions, règle étrangère aux questions de vue sur la propriété d'un voisin, le préjudice de vue invoqué par les propriétaires voisins n'est pas en relation directe de cause à effet avec l'infraction ; que pour ordonner la démolition de la construction, la cour d'appel a constaté qu'elle respectait les dispositions légales du code civil mais qu'elle n'était pas conforme aux prescriptions du POS – article UB7- sur les hauteurs et les distances des limites séparatives ; qu'en jugeant néanmoins que les époux
X...
, exposés à la vue irrégulière de leurs voisins, subissaient ainsi un préjudice directement lié au non respect de ces règles d'urbanisme pourtant étrangères aux questions de vues, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que subsidiairement, à supposer qu'il ne résulte pas suffisamment des constatations de l'arrêt que les règles d'urbanisme litigieuses sont étrangères aux questions de vues sur la propriété d'un voisin, la censure n'en serait pas moins encourue ; que la cour d'appel a constaté que les distances légales prévues par le code civil étaient respectées mais a néanmoins ordonné la démolition de la construction litigieuse au motif qu'elle créait un préjudice de vue directement lié au fait que la construction avait été édifiée en violation des règles de distances et de hauteur définies à l'article UB 7 du POS ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les dispositions du POS qui n'avaient pas été respectées n'étaient pas étrangères aux questions de vues sur la propriété d'un voisin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'extension édifiée sur le fonds voisin de celui des époux
X...
ne respectait pas l'article UB7 du POS et qu'une fenêtre ouverte à l'extrémité de l'extension, à une hauteur excédant les 3, 20 mètres définis au POS, donnait une vue oblique sur le jardin des époux X..., la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les photographies produites permettaient de constater que ceux-ci ne pouvaient plus jouir de leur jardin de manière paisible sans être exposés à la vue de leur voisin, a pu en déduire que ce préjudice était directement lié au non respect, par la construction supportant la fenêtre litigieuse, tant des distances la séparant de la propriété voisine que de la hauteur maximum définies au POS et que les demandes de démolition et de dommages-intérêts devaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'EURL Jerlau et M. Y..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile condamne l'EURL Jerlau et M. Y...à payer la somme globale de 2 500 euros aux époux
X...
; rejette la demande de l'EURL Jerlau et de M. Y...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. Y...et la société Jerlau.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR condamné in solidum Laurent Y...et L ‘ EURL JERLAU à procéder sous astreinte à la démolition du premier étage de l'extension de l'immeuble situé 67 boulevard de Montebello à LILLE et à payer la somme de 4. 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « au cours des travaux de réhabilitation réalisés par la société JERLAU, les services d'urbanisme de la mairie de LILLE ont établi trois procès verbaux. Le procès-verbal du 16 septembre 1997 concernait le non-respect de l'obligation de création de places de stationnement du fait de la transformation de l'immeuble en 7 appartements. Il a fait l'objet d'une condamnation à rencontre du gérant de la société JERLAU par le Tribunal correctionnel de LILLE en date du 5 avril 2001. Les deux autres procès-verbaux concernent le défaut de permis de construire et le non-respect des dispositions du POS qui sont en cause dans le présent litige, du fait de la création d'une extension de dimensions non-conformes au POS (largeur et hauteur) comprenant des ouvertures donnant vue sur la propriété des époux
X...
. Le procès-verbal du 25 septembre 2007 est ainsi rédigé : « un immeuble de deux étages plus exactement deux niveaux,) a été construit adossé au mur de mitoyenneté... la surface créée (en prenant comme référence le plan cadastral) est de 12, 50 m2 de SHOB et de SHON aurez de chaussée et 47, 50 m2 à l'étage, soit une création totale de 60 m2 de SHOB et de 57 m2 de SHON. La hauteur de cette nouvelle construction s'appuyant sur le mur mitoyen est de plus de 5 mètres. Or, l'article UB 7 en zone UB indique qu'au delà de la bande des 15 mètres, la partie de construction jouxtant une limite séparative ne peut excéder 3, 20 mètres. De plus, de l'autre côté de la propriété, tout point de ce bâtiment doit être à une distance du point le plus proche des limites séparatives au moins égale à 3 mètres : or, ici seulement 2 mètres séparent l'extension du mur mitoyen de M.
X...
. L'ensemble de la construction devra donc être démolie. En conséquence de quoi, j'ai dressé procès-verbal pour travaux sans permis de construire, et ne respectant pas les dispositions du POS ». Un troisième procès-verbal a été dressé le 7 juin 2001, rappelant les constatations antérieures sur les hauteur et largeur de l'extension non conformes au POS, ajoutant que le POS n'avait pas été respecté non plus ». La société JERLAU et Monsieur Y...ne critiquent en aucune manière les constatations des services d'urbanisme quant à l'irrégularité de la construction, du fait tant de l'absence de permis de construire que de la non conformité aux règles du POS et du COS, arguant uniquement de l'inexistence du préjudice des époux
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et de manière nécessairement subsidiaire de l'absence de lien de causalité entre le préjudice et la faute résultant de l'inobservation des règles d'urbanisme, dont la cour relève qu'elle est suffisamment établie par les procès-verbaux non contestés ; que les époux
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font valoir que les fenêtres de l'extension permettent une vue directe certaines pièces de leur immeuble, ainsi qu'une vue plongeante leur jardin » les privant de toute intimité et jouissance paisible de leur immeuble ; que les intimés font pour leur part valoir que les vues occasionnées par leurs fenêtres n'ont « rien de pénalisant puisqu'elles surplombent les toits des bâtiments des époux
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et sont fort éloignées du petit jardin situé en partie arrière de leur propriété » ; qu'il ressort des photographies produites aux débats que deux ouvertures ont été créées dans l'élévation (1er étage) de l'extension réalisée par la société JERLAU, l'une donnant effectivement sur les toits des bâtiments des époux
X...
ainsi qu'il ressort des photographies des intimés numérotées 6, 7 et 8 sans qu'il soit justifié d'un quelconque préjudice à ce titre, fenêtre située à l'extrémité de l'extension donnant vue sur le jardin des époux X... ; que s'agissant de cette ouverture située à l'extrémité de l'extension, il ressort des planches photographiques produites aux débats (planche numéros 27, 28 et 33 communiquées par les époux
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) qu'elle est située à une hauteur excédant les 3, 20 mètres définis au POS (1er étage), qu'elle est de grande dimension comportant deux vantaux à la française, que la construction qui la supporte ne respecte la distance minimale par rapport aux limites séparatives (2 mètres au lieu des 3 mètres définis au POS et qu'enfin, elle donne vue de manière oblique dans le jardin des époux X... ; que le seul fait que cette fenêtre respecte les distances légales, comme l'a relevé à juste titre le premier juge (en l'espèce, 6 décimètres depuis le parement extérieur du mur jusqu'à la limite de propriété s'agissant d'une vue oblique), ne permet pas d'exonérer les intimés de leur obligation de respecter les règles d'urbanisme, et ne leur permet pas de soutenir que le préjudice des époux
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est inexistant ; qu'en l'espèce, les photographies produites permettent de constater que les époux
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ne peuvent plus jouir de leur jardin de manière paisible sans être exposés à la vue irrégulière de leurs voisins, ce qui porte atteinte à leur intimité et suffit à caractériser l'existence d'un préjudice personnel certain ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, ce préjudice est directement lié au non-respect – par la construction supportant la fenêtre litigieuse – tant des distances la séparant de la propriété voisine, que de la hauteur maximum définies au POS ; qu'il s'ensuit que le préjudice personnel subi par les époux
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est directement lié au non-respect par la société JERLAU et par Monsieur Y...des règles d'urbanisme, de sorte que leur responsabilité est pleinement engagée ; que les époux
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sollicitent, sous astreinte, la démolition de l'élévation de l'extension construite sans permis de construire et au mépris des règles du POS ; que compte tenu des hauteur et largeur excessives de la construction au regard des règles d'urbanisme, aucune mise en conformité autre que la démolition de l'élévation irrégulière ne peut être envisagée » ;
1/ ALORS QUE si, devant les Tribunaux de l'ordre judiciaire, les particuliers peuvent invoquer la violation de règlements administratifs instituant des charges d'urbanisme ou des servitudes d'intérêt public, c'est à la condition de prouver l'existence d'un préjudice personnel qui soit en relation directe de cause à effet avec ladite infraction ; que lorsqu'une construction a été édifiée en violation d'une règle d'urbanisme régissant l'implantation, le volume ou la hauteur des constructions, règle étrangère aux questions de vue sur la propriété d'un voisin, le préjudice de vue invoqué par les propriétaires voisins n'est pas en relation directe de cause à effet avec l'infraction ; que pour ordonner la démolition de la construction, la Cour d'appel a constaté qu'elle respectait les dispositions légales du Code civil mais qu'elle n'était pas conforme aux prescriptions du POS – article UB7- sur les hauteurs et les distances des limites séparatives ; qu'en jugeant néanmoins que les époux
X...
, exposés à la vue irrégulière de leurs voisins, subissaient ainsi un préjudice directement lié au non respect de ces règles d'urbanisme pourtant étrangères aux questions de vues, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2/ ALORS QUE subsidiairement, à supposer qu'il ne résulte pas suffisamment des constatations de l'arrêt que les règles d'urbanisme litigieuses sont étrangères aux questions de vues sur la propriété d'un voisin, la censure n'en serait pas moins encourue ; que la Cour d'appel a constaté que les distances légales prévues par le Code civil étaient respectées mais a néanmoins ordonné la démolition de la construction litigieuse au motif qu'elle créait un préjudice de vue directement lié au fait que la construction avait été édifiée en violation des règles de distances et de hauteur définies à l'article UB 7 du POS ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé (conclusions p. 6), si les dispositions du POS qui n'avaient pas été respectées n'étaient pas étrangères aux questions de vues sur la propriété d'un voisin, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-18230
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 sep. 2012, pourvoi n°11-18230


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18230
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