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26/09/2012 | FRANCE | N°11-17856

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-17856


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2011), que Mme X... épouse Y... est entrée le 6 novembre 1995 en qualité d'assistante technicienne de laboratoire au service de la société Laboratoires Prodène Klint, puis à compter du 1er janvier 2004, au service de la société Institut de recherche microbiologique (IRM) ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 janvier 2008 ; qu'à l'issue d'une seconde visite de reprise le 7 mai 2008, le médecin du travail l'a déclarée "inap

te au poste et apte à un autre poste sans stress, sans contrainte de temps...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2011), que Mme X... épouse Y... est entrée le 6 novembre 1995 en qualité d'assistante technicienne de laboratoire au service de la société Laboratoires Prodène Klint, puis à compter du 1er janvier 2004, au service de la société Institut de recherche microbiologique (IRM) ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 janvier 2008 ; qu'à l'issue d'une seconde visite de reprise le 7 mai 2008, le médecin du travail l'a déclarée "inapte au poste et apte à un autre poste sans stress, sans contrainte de temps" ; qu'ayant été licenciée le 13 juin 2008, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de reclassement existe au regard des postes disponibles ; qu'en n'ayant pas caractérisé quel poste aurait pu être proposé à la salariée et ne l'aurait pas été, ce qui s'imposait d'autant plus que le médecin du travail avait, par lettre du 19 mai 2008 précisé à l'employeur que Mme Y... ne pouvait plus travailler au sein de la société IRM, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé de manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
2°/ que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les seules entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en ayant reproché à la société IRM de ne pas avoir recherché de reclassement auprès des sociétés du groupe, sans avoir caractérisé ni même constaté l'existence d'un groupe au sein duquel des possibilités de permutation de personnel existaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé qu'il n'incombait pas à la salariée de prouver qu'un poste pouvait lui être proposé dans le groupe dont dépendait la société IRM mais à celle-ci de justifier qu'elle avait de manière effective et de bonne foi rempli son obligation de reclassement, au besoin par mutations ou transformations de postes, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne versait aucune pièce justifiant qu'il avait recherché auprès des autres sociétés du groupe des possibilités de reclassement, a, sans avoir à caractériser l'existence d'un groupe qui n'était pas contestée par la société, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen, qu'il appartient au salarié d'établir la matérialité de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral et que c'est seulement lorsque la preuve de tels agissements est établie qu'il incombe à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme Y... a dès le 8 janvier 2008 consulté un médecin psychiatre, avant d'être arrêtée pour maladie quelques semaines plus tard et d'être déclaré inapte par le médecin du travail quelques mois plus tard ; qu'en se fondant sur ces motifs, qui ne caractérisaient pas l'origine des difficultés psychologiques de Mme Y..., et ne caractérisaient donc pas la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est prononcée sur l'ensemble des griefs invoqués par la salariée et a caractérisé l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet d'altérer la santé de la salariée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Institut de recherche microbiologique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Institut de recherche microbiologique et condamne celle-ci à payer à Mme X... épouse Y... la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Institut recherche microbiologique.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé l'avertissement du 14 décembre 2007 ;
Aux motifs que l'avertissement reprochait à la salariée de ne pas respecter la demande, formulée lors de l'entretien d'évaluation annuel du 13 novembre précédent, d'être attentive à la tenue des cahiers de laboratoires ; qu'il indique que les essais des 3 et 6 décembre 2007 du cahier « divers » n° 332 sont « littéralement des brouillons avec plusieurs ratures par page, des corrections non signées » ; que la salarié a fait observer qu'aucune procédure n'érigeait d'obligation de ne pas raturer et d'émarger ; que la Sarl IRM ne fournit aucun élément justifiant d'exigences particulières posées quant à la tenue du cahier Divers ;
Alors que 1°) constitue une sanction disciplinaire proportionnée le simple avertissement reprochant à une salariée de ne pas avoir respecté la demande de l'employeur formulée lors de l'entretien d'évaluation annuel du 13 novembre précédent d'être attentive à la tenue des cahiers de laboratoires et d'avoir moins d'un mois plus tard pour les essais des 3 et 6 décembre 2007 du cahier « divers » rempli un cahier comportant de nombreuses ratures ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 à L. 1331-3 du code du travail ;
Alors que 2°) la norme ISO 17025 indique au point 4.13.1.3 que « chaque erreur doit être barrée et non effacée, rendue illisible ou supprimée, et la valeur correcte doit être inscrite à côté. Toutes les modifications de ce type apportées aux enregistrements doivent être signées ou visées par la personne qi fait la correction. Dans le cas d'enregistrements stockés électroniquement, des mesures équivalentes doivent être prises pour éviter la perte ou la modification des données d'origine » ; que ce paragraphe ne concerne pas uniquement les enregistrements sur les cahiers Cofrac mais tous les enregistrements, cahiers « divers » inclus ; que Mme Y... devait donc se conformer à cette norme comme tout technicien de laboratoire, fonction imposant « connaissance et respect du système qualité de l'entreprise » ; qu'en décidant que la Sarl IRM ne fournissait aucun élément justifiant d'exigences particulières posées quant à la tenue du cahier Divers, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la salariée n'était pas tenue de respecter les termes de la norme ISO 17025 dont l'application s'imposait quel que soit le cahier concerné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1331-1 à L. 1331-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Mme Y... était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la salariée fait grief à son ancien employeur de s'être borné à lui proposer un poste inférieur à son niveau de qualification et moins bien rémunéré, de n'avoir pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement au niveau du groupe et de ne pas lui avoir proposé le poste de Responsable Qualité qui était vacant au sein de la société Prodène ; que la Sarl IRM fait pour l'essentiel valoir que la société Prodène n'a pas le même objet social qu'elle puisqu'elle ne réalise des recherches que dans le domaine des désinfectants, que Mme Y... ne disposait pas des capacités pour occuper le poste de Responsable qualité dont elle fait état, que Mme Y... est « bien en peine de suggérer quel autre poste la société aurait pu lui proposer » à l'exception de celui qui lui a été proposé et qu'elle a refusé ; mais qu'il n'incombe pas à Mme Y... de prouver qu'un poste existait dans le groupe dont dépend la Sarl IRM qui ne lui aurait pas été proposé, mais à la Sarl IRM de justifier qu'elle a déféré de manière effective et de bonne foi à l'obligation qui pesait sur elle de tenter de reclasser sa salariée reconnue inapte, fût-ce par mutation, transformation de poste ou modification des contrats de travail, et au besoin en assurant son adaptation à l'évolution de son emploi ; que la Sarl IRM ne verse aucune pièce justificative de ce qu'elle a recherché auprès des autres sociétés du groupe les possibilités de reclasser Mme Y... et son affirmation d'une impossibilité de reclassement au sein de la société Prodène au motif que l'objet social de cette société ne correspond pas au sien établit l'absence de toute tentative de reclassement auprès de cette société du groupe, cette absence de démarche étant d'autant moins pertinente que Mme Y... avait été engagée par la société Prodène au service de laquelle elle a travaillé pendant 5 ans avant de rejoindre la société IRM qui ne peut sérieusement prétendre avoir rempli de bonne foi son obligation par la proposition d'un seul poste, de qualification et de rémunération inférieure, de surcroît en 2/8 ;
Alors que 1°) l'obligation de reclassement existe au regard des postes disponibles ; qu'en n'ayant pas caractérisé quel poste aurait pu être proposé à la salariée et ne l'aurait pas été, ce qui s'imposait d'autant plus que le médecin du travail avait, par lettre du 19 mai 2008 précisé à l'employeur que Mme Y... ne pouvait plus travailler au sein de la société IRM, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé de manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
Alors que 2°) les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les seules entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en ayant reproché à la Sarl IRM de ne pas avoir recherché de reclassement auprès des sociétés du groupe, sans avoir caractérisé ni même constaté l'existence d'un groupe au sein duquel des possibilités de permutation de personnel existaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que Mme Y... avait été victime de harcèlement moral ;
Aux motifs que les pièces du dossier établissent que Mme Y..., qui travaillait au service des sociétés du groupe Eva depuis plus de onze ans sans s'être vue formuler le moindre reproche, a vu sa situation personnelle se dégrader brutalement lorsque M. Z... a pris la direction de la Sarl IRM fin 2006 ; qu'elle a en effet au cours de l'année suivante, à deux reprises été sanctionnée par un avertissement qui a été jugé infondé ; qu'elle a été destinataire d'une autre lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant la suppression du bénéfice de sa prime d'objectif pour 2007, cette sanction financière, concomitante au second avertissement, intervenant après que Mme Y... eut, quelques semaines auparavant, été évaluée par son employeur, dont les propres pièces qu'il verse, en l'occurrence les évaluations des autres salariés de l'entreprise, établissent qu'il s'est rendu coupable d'une attitude discriminatoire envers Mme Y... à l'occasion de cette évaluation ; qu'en effet, à la différence de tous les autres salariés dont la Sarl IRM produit les évaluations, l'entretien de Mme Y... s'est tenu en présence non seulement de son supérieur hiérarchique mais en la présence également du dirigeant même de la Sarl, M. Z..., ce qui, eu égard au poste de technicien coefficient 250 occupé par Mme Y..., ne pouvait qu'avoir pour objet d'impressionner et de déstabiliser la salariée ; qu'il est constant que Mme Y... a dès le 8 janvier 2008 consulté un médecin psychiatre, avant d'être arrêtée pour maladie quelques semaines plus tard et d'être déclaré inapte par le médecin du travail quelques mois plus tard ; qu'il en résulte sur Mme Y... a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet d'altérer sa santé ;
Alors qu'il appartient au salarié d'établir la matérialité de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral et que c'est seulement lorsque la preuve de tels agissements est établie qu'il incombe à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme Y... a dès le 8 janvier 2008 consulté un médecin psychiatre, avant d'être arrêtée pour maladie quelques semaines plus tard et d'être déclaré inapte par le médecin du travail quelques mois plus tard ; qu'en se fondant sur ces motifs, qui ne caractérisaient pas l'origine des difficultés psychologiques de Mme Y..., et ne caractérisaient donc pas la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-17856
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-17856


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17856
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