LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
Attendu que l'avocat, se présentant comme investi d'un mandat de représentation en justice, est, en tant qu'auxiliaire de justice et en vertu de l'obligation de loyauté qui s'attache à cette qualité, tenu de s'assurer de l'identité et de l'existence de son mandant et, à cet égard, est responsable, même envers la partie adverse, de toute carence préjudiciable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cofrapex International a recherché la responsabilité professionnelle de M. X..., avocat, pour obtenir réparation de son préjudice né de la consignation qu'elle avait dû verser et des frais, notamment d'expertise, qu'elle avait dû exposer dans l'instance introduite contre elle par cet auxiliaire de justice, agissant au nom et pour le compte d'une société marocaine Buscoop International et de la société Technologie Erramli conseil (société TEC), selon assignation délivrée le 28 février 2000 aux fins de la voir condamnée au paiement de commissions prétendument dues au titre d'une convention de courtage et de conseil conclue entre elles, après qu'il eut été jugé que la demande de la société Buscoop International, qui n'avait aucune existence légale au jour de l'assignation, était irrecevable, en invoquant la faute de l'avocat pour ne s'être pas assuré de la capacité juridique de sa cliente pour ester en justice ;
Attendu que pour débouter la société Cofrapex International de sa demande relative à l'indemnisation des frais qu'elle a exposés et la condamner au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'avocat ne saurait être tenu pour responsable à titre personnel des procédures qu'il a introduites pour le compte et au nom de ses clients, sur la foi des éléments qu'ils lui ont confiés, que si des obligations pèsent sur un avocat en matière de rédaction d'actes, elles visent les actes qu'il rédige au profit de plusieurs parties, dans leur intérêt commun, et non pas la rédaction des actes de procédure qu'il diligente au nom de ses clients à l'encontre de leurs adversaires, et qu'il était loisible à cette société de procéder à une vérification, comme elle l'a fait ultérieurement, par l'obtention auprès des autorités marocaines d'un extrait Kbis ou de tout autre document de même nature, pour faire juger que l'entité Buscoop n'avait pas d'existence légale ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il était établi que la société Buscoop International n'avait aucune existence légale et, partant, était dépourvue du droit d'agir en justice, au jour de l'introduction de l'instance diligentée en son nom et pour son compte par M. X..., de sorte qu'en l'absence de vérification à cet égard, celui-ci avait commis une faute engageant sa responsabilité, peu important que l'avocat de son adversaire fût également reprochable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Cofrapex International de sa demande tendant à l'indemnisation des frais, notamment d'expertise, qu'elle avait dû exposer et, par voie de conséquence, en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages- intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Cofrapex international.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Cofrapex International fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de son action tendant à voir retenir la responsabilité de Me Philippe X... et condamné ce dernier à réparer son préjudice financier,
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTÉS QUE l'avocat a priori ne saurait être tenu pour responsable à titre personnel des procédures qu'il a introduites pour le compte de ses clients, en leur nom, et sur la foi des éléments qu'ils lui ont confiés ; que si des obligations pèsent sur un avocat en matière de rédaction d'actes, celles-ci visent les actes que l'avocat rédige au profit de plusieurs parties dans leur intérêt commun, et non pas la rédaction des actes de procédure qu'il diligente au nom de ses clientes à l'encontre de leurs adversaires ; que la société Cofrapex, qui indique avoir eu des doutes sur l'existence de la société Buscoop International, dont M. Y... était également le gérant, avec lequel elle a pourtant contracté, avait tout loisir de procéder à une vérification, comme elle a su le faire à l'occasion de son appel du jugement du tribunal de commerce du 2 novembre 2005, notamment en levant un extrait Kbis ou en s'adressant aux autorités marocaines compétentes ; qu'elle ne peut donc imputer à faute à l'avocat de son adversaire de ne pas avoir satisfait aux contrôles qu'elle pouvait elle-même diligenter ; qu'en outre, rien n'imposait à la société Cofrapex de consigner alors une somme prescrite par une décision non exécutoire, et qu'elle a mis à exécution de faon spontanée ; de plus, alors qu'elle évoque deux sortes de préjudices, l'un moral pour la perte de crédit subie du fait des procédures engagées contre elle, l'autre financier en raison du blocage de la somme de 500.000 dollars US pendant la procédure commerciale, il faut souligner avec les juridictions civiles qui se sont déjà prononcées entre les parties que la société Cofrapex, lors de l'accord de 1997 et ses premières applications, n'avait pas exprimé la moindre réserve sur la réalité des entités TEC et Buscoop (animées par M. Y...) ou sur les liens qui pouvaient exister entre elles ; qu'en l'absence de toute faute causale à son endroit, la société Cofrapex doit être déboutée en toutes ses demandes ;
ALORS QUE, l'avocat, en tant qu'auxiliaire de justice, a l'obligation de s'assurer de l'identité de la personne pour le compte de qui il agit ; que dès lors, en déclarant que les obligations qui pèsent sur un avocat en matière de rédaction d'actes ne visent pas les actes de procédure qu'il diligente au nom de ses clientes, sur la foi des éléments qui lui sont confiés, à l'encontre de leurs adversaires, et que la société Cofrapex, qui avait des doutes sur l'existence de la société Buscoop International, avait tout loisir de procéder à une vérification, comme elle a su le faire à l'occasion de son appel du jugement du 2 novembre 2005, en levant un extrait Kbis ou en s'adressant aux autorités marocaines compétentes, pour écarter toute faute de Me X... dans le placement d'une assignation pour le compte d'une société inexistante à l'encontre de la société Cofrapex et débouter cette dernière de son action en responsabilité, la cour a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 et les articles 3 et 16 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;
ET ALORS QU'EN OUTRE, en se bornant à relever que rien n'imposait à la société Cofrapex de consigner la somme de 1.000.000 de dollars US prescrite par une décision non exécutoire, pour retenir l'absence de faute causale de Me X... à son endroit, sans répondre au chef des conclusions (page 12 et 13) de la société Cofrapex qui faisait valoir que si Me X... avait accompli son obligation de vérification, en ce qui concerne l'assignation, les frais d'expertise judiciaire, proportionnels au montant en litige, auraient été divisés par deux et qu'elle n'aurait pas eu à engager l'ensemble des dépens, honoraires et frais, qu'elle a exposés pour prouver l'inexistence des sociétés Buscoop Group et Buscoop International, la cour a entaché sa décision d'un défaut de motifs et partant violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECON MOYEN DE CASSATION :
La société Cofrapex International fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer 6.000 euros à titre de dommages-intérêts à Me Philippe X....
AUX MOTIFS ADOPTES que Me X... est fondé à soutenir que la démarche de la société Cofrapex à son endroit est manifestement empreinte d'animosité ; il est en droit de se voir allouer une somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
ALORS QUE l'exercice d'une action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute de son auteur ; que dès lors, en retenant que la démarche de la société Cofrapex à l'endroit de Me X... était manifestement empreinte d'animosité, pour la condamner à lui payer 6.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour, qui n'a pas caractérisé une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de la société Cofrapex d'ester en justice, a violé l'article 1382 du code civil.