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26/09/2012 | FRANCE | N°10-27942

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 10-27942


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1108,1109 et 1112 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en qualité de chef de groupe agent de sécurité, niveau 3, coefficient 305, et délégué du personnel, a fait l'objet, le 11 mars 2004, à la suite d'un manquement dans la conduite d'un incident survenu dans la nuit du 5 au 6 février 2004, d'une mise à pied disciplinaire d'un mois ; que le 12 mars 2004, il

a donné par écrit son accord pour une mutation dans un autre service du CEA...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1108,1109 et 1112 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en qualité de chef de groupe agent de sécurité, niveau 3, coefficient 305, et délégué du personnel, a fait l'objet, le 11 mars 2004, à la suite d'un manquement dans la conduite d'un incident survenu dans la nuit du 5 au 6 février 2004, d'une mise à pied disciplinaire d'un mois ; que le 12 mars 2004, il a donné par écrit son accord pour une mutation dans un autre service du CEA en qualité de surveillant de travaux principal, niveau 3, coefficient 355 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de la mesure de changement d'affectation, sa réintégration dans son poste d'origine et le paiement d'un rappel de salaire ;
Attendu que pour annuler l'avenant du 12 mars 2004, l'arrêt retient que la mutation à l'initiative du CEA dans le cadre de l'article 144 de la convention collective de cet organisme dont se prévaut l'employeur ne prévoit pas la nécessité de l'accord du salarié et que la sincérité d'un tel accord de la part d'un salarié fragilisé par une sanction disciplinaire infligée la veille est susceptible d'être mise en doute ;
Qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, sans caractériser un vice du consentement et alors que la signature d'un accord pour un changement d'affectation était rendue nécessaire par la qualité de délégué du personnel du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la mutation de Monsieur X... en date du 12 mars 2004 et ordonné sous astreinte sa réintégration dans ses fonctions précédentes, soit chef de groupe Agent de sécurité au FLS du CESTA et d'AVOIR condamné le Commissariat à l'Energie Atomique à verser au salarié un rappel de salaire, de primes et d'indemnité à hauteur de 56.583,01 euros sur la période allant du mois de mars 2004 au mois de février 2010, outre la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « il convient de restituer le cadre dans lequel se déroule le litige que M. X... soumet à la Cour ; qu'il ne conteste pas la validité de la mise à pied disciplinaire qui lui a été infligée par décision prise en date du 11 mars 2004 et qui est motivée par des événements qui se sont déroulés dans la nuit du 5 au 6 février 2004 ; qu'iI soutient seulement que la mutation dont il estime qu'elle lui a été imposée par le CEA, en date du 12 mars 2004 constitue une double sanction avec la mise à pied décernée la veille ; que les dispositions de la convention collective du CEA en matière disciplinaire prévoient l'échelle des sanctions suivantes : - l'avertissement notifié ; - le blâme notifié avec inscription au dossier ; - la mise à pied disciplinaire d'une durée maximale d'un mois ; - le licenciement pour motif disciplinaire ; que "la mise à pied disciplinaire pourra être accompagnée d'un changement d'affectation en application de l'article 144 alinéa 1" ; que pour débouter le salarié de sa demande, le premier juge a rappelé que l'article 144 organisait la mobilité au sein de l'entreprise pour satisfaire les besoins du CEA et permettre l'évolution des programmes ; qu'il a fait valoir que les signataires de la convention collective avaient eu soin de prévoir la possibilité de faire coexister une sanction disciplinaire et une mutation dans le cadre de l'article 144 aux fins d'éviter toute fausse interprétation d'une mutation proche du prononcé d'une sanction ; qu'il a considéré qu'en l'espèce aucun élément de fait ne pouvait permettre de penser que cette mutation avait un lien avec la sanction disciplinaire prononcée ; qu'il est constant qu'une mutation imposée par l'employeur et entraînant une diminution des attributions ou de la rémunération d'un salarié doit être considérée comme une sanction ; qu'il est également constant qu'un fait fautif ne peut donner lieu à deux sanctions, la deuxième étant dénuée de fondement légal et devant être annulée ; qu'en l'espèce, il y a donc lieu de rechercher si la mutation décidée le 12 mars 2004 à l'égard de M. X... a été décidée dans le cadre des dispositions de l'article 144 de la convention collective et si elle correspond à une diminution de rémunération ou de responsabilité, ce qui permettrait de considérer qu'elle est une sanction disciplinaire déguisée ; qu'il est exact que l'article 76 de la convention collective prévoit explicitement que la mise à pied disciplinaire peut être accompagnée d'un changement d'affectation, à la condition que cette mutation s'inscrive dans les dispositions de l'article 144 de la convention collective ; que pour démontrer que la mutation de M. X... s'est inscrite dans le dispositif de l'article 144 de la convention collective, le CEA fait valoir que M. X... a été muté avec son accord, n'a pas fait l'objet d'une rétrogradation et au contraire a vu son coefficient relevé de 305 à 355 ; que l'article 144 de la convention collective du travail applicable.au CEA est inséré dans un chapitre 15 Titre 1 intitulé "Mobilité Interne", et, est ainsi rédigé : "Le salarié peut être appelé par le CEA à changer d'affectation avec changement ou non de bassin d'emploi selon les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes. Le salarié pour sa part, peut demander à changer d'affectation en vue d'occuper un poste vacant. Il peut aussi exprimer un souhait de mobilité à l'occasion de l'entretien annuel" ; que l'article 147 prévoit quant à lui un dispositif transitoire mis en place afin d'assurer une compensation différentielle dégressive sur une période de quatre ans des primes perçues jusque là ; qu'il ressort des dispositions de l'article 144 que la mutation interne d'un salarié peut être décidée unilatéralement par le CEA ou être demandée par ce dernier ; qu'en l'espèce, il ressort de la rédaction du courrier émanant du CEA en date du 12 mars 2004 et adressé à M. X... : "Je vous informe qu'il a été décidé de procéder à votre égard à la mutation suivante à partir du 15 mars 2004 ...." que l'employeur a entendu se situer dans le premier alinéa de l'article 144, c'est à dire un changement d'affectation décidé par le C.E.A ; que dans ce cas, il y a lieu de vérifier, comme le prévoit l'article 144 que cette mutation s'effectue en raison des besoins de l'organisme et de l'évolution des programmes ; que sur ce point, dans ses écritures, le CEA ne fournit aucune justification, se retranchant derrière le pouvoir de direction de l'employeur ; que si effectivement, à condition de respecter la qualification et la rémunération d'un salarié, il ressort du pouvoir de direction de l'employeur, de modifier ses conditions de travail, en l'espèce, l'accord collectif signé par les partenaires sociaux a prévu que les mutations internes décidées par l'employeur devaient être effectuées selon les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes ; que rien dans les écritures du CEA ne permet de comprendre en quoi la mutation de M. X... décidée le 12 mars 2004 était justifiée par les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes ; que de même, l'examen des pièces qu'il produit ne permet pas de trouver une explication à cette mutation ; que les signataires de l'accord collectif en précisant dans l'article relatif aux sanctions disciplinaires que la mise à pied pouvait être accompagnée d'un changement d'affectation et que dans ce cas ce changement devait s'effectuer dans le cadre des dispositions de l'article 144 du dit accord, ont clairement exprimé leur volonté de prévenir tout risque de double sanction à l'égard d'un salarié dont les fautes commises dans l'exercice de ses fonctions entraîneraient à la fois une mise à pied disciplinaire et un changement d'affectation ; qu'en l'espèce, l'impossibilité pour le CEA, face au questionnement légitime du salarié d'expliquer sa mutation en qualité de surveillant de travaux principal, alors qu'il était affecté depuis 12 ans au service de la Formation locale de sécurité, outre la coïncidence avec le prononcé la veille d'une sanction disciplinaire, démontrent que cette mutation ne trouve son origine que dans l'incident survenu dans la nuit du 5 au 6 février 2004 ; que par ailleurs une note confidentielle versée aux débats par M. X... (pièce n° 11) confirme s'il en était besoin cette analyse ; que le CEA a longuement insisté sur le fait que cette mutation aurait été faite avec l'accord de M. X... qui a effectivement mentionné sous la lettre "lu et approuvé" ; que cependant outre le fait que la mutation à l'initiative du CEA dans le cadre de l'article 144 dont se prévaut l'employeur, ne prévoit pas la nécessité de l'accord du salarié, la sincérité d'un tel accord de la part d'un salarié fragilisé par une sanction disciplinaire infligée la veille, est susceptible d'être mise en doute ; qu'il est manifeste que cette mutation même si elle n'entraînait pas de baisse de coefficient, doit être considérée comme une sanction, car elle correspondait à un total changement d'affectation alors que M. X... n'en avait jamais exprimé le désir et que surtout, le faisant passer du système horaire 24 x 48 à l'horaire collectif du travail, elle entraînait pour lui une importante diminution de rémunération, diminution non contestée par l'employeur puisqu'il a été fait application des mécanismes transitoires prévus par l'article 147 de l'accord collectif ; qu'il se déduit de ces observations que le CEA en décidant successivement les 11 mars 2004 une mise à pied disciplinaire d'un mois dont la régularité et le bien fondé ne sont pas discutées et 12 mars 2004, une mutation professionnelle qui ne répond pas aux exigences de l'article 144 de l'accord collectif applicable au sein de l'entreprise, a infligé à M. X... une double sanction et de ce fait, la mutation professionnelle décidée le lendemain de la mise à pied et qui ne figure pas dans la liste des sanctions pouvant être prononcées, doit être annulée ; que de ce fait, il n'y a pas à rechercher si la mutation de M. X... devait être analysée au vu de sa qualité de salarié protégé ; que de même aucune conséquence ne peut être tirée du délai mis par M. X... à présenter sa demande, celle-ci se situant dans la limite de la prescription quinquennale ; que sur les conséquences de l'annulation de la mutation de M. X... il y a lieu de faire droit à la demande de réintégration de M. X... dans ses fonctions précédentes, soit chef de groupe Agent de sécurité au FLS du CESTA et de dire que cette réintégration s'effectuera dans les trois mois suivant le prononcé de l'arrêt ; que passé ce délai, l'exécution de cette obligation sera assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, la Cour se réservant le contentieux de sa liquidation ; que les demandes chiffrées qu'il formule ne sont pas discutées en elles même par le CEA et les calculs en sont justifiés par les pièces produites ; qu'il y a lieu d'y faire droit à concurrence de 56.583,01 euros jusqu'au 10 février 2010, somme à parfaire jusqu'à la réintégration effective de M. X... dans ses fonctions antérieures» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE sauf erreur, dol ou violence, la signature par le salarié et l'employeur d'un avenant de mutation vaut rencontre des volontés entre les parties et confère force obligatoire à ce contrat ; qu'en déduisant le caractère disciplinaire de la mutation de Monsieur X... au poste de surveillant de travaux principal, malgré la signature par les parties d'un avenant de mutation professionnelle le 12 mars 2004, de ce que « la sincérité d'un tel accord de la part d'un salarié fragilisé par une sanction disciplinaire infligée la veille, est susceptible d'être mise en doute » (arrêt p 6 § 6), sans constater, et a fortiori caractériser, un dol, une erreur ou un acte de violence ayant empêché le libre consentement du salarié lors de la signature de cet avenant, la cour d'appel a violé les articles 1108 et suivants et 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1331-1 et L. 1332-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE la violence n'atteint la validité de l'engagement que si elle est illégitime et s'avère déterminante dans le consentement de l'une des parties ; qu'à supposer que la cour d'appel ait jugé qu'était constitutive de violence morale la circonstance que le salarié se soit trouvé « fragilisé par une sanction disciplinaire infligée la veille » lors de la signature de l'avenant du 12 mars 2004, il lui appartenait de vérifier si cette violence était illégitime et si elle avait été déterminante dans son consentement ; qu'en requalifiant dès lors la mutation acceptée par le salarié par avenant à son contrat de travail en une mesure de sanction disciplinaire prononcée unilatéralement par l'employeur, sans faire une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1111 à 1115 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1331-1 et L. 1332-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la mutation au sein de l'entreprise, même assortie d'une perte de salaire ou d'un changement d'affectation, ne caractérise pas une sanction disciplinaire lorsqu'elle est librement acceptée par le salarié ; qu'en décidant au contraire que la mutation du salarié devait être qualifiée de « sanction, car elle correspondait à un total changement d'affectation (…) et qu' elle entraînait pour lui une importante diminution de rémunération » (arrêt p 6 § 7), la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1, L. 1331-1 et L. 1332-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'employeur dispose d'un pouvoir de direction lui permettant de prendre les mesures de gestion et d'organisation qu'il juge utiles au bon fonctionnement de l'entreprise sans avoir à les justifier ; que l'article 144 de la convention collective du C.E.A confirme ce pouvoir de gestion en énonçant que « le salarié peut être appelé par le CEA à changer d'affectation avec changement ou non de bassin d'emploi selon les besoins de l'organisme et l'évolution des programmes » ; qu'en retenant au contraire que ce texte imposait au C.E.A de justifier les mutations internes, et en déduisant en conséquence le caractère disciplinaire de la mutation du salarié de son défaut de justification par l'exposante dans ses écritures (arrêt p 5 § 10 et suiv.), la cour d'appel a violé l'article 144 de la convention collective du C.E.A, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE si la règle non bis in idem interdit de sanctionner plusieurs fois une personne pour la même faute, les sanctions complémentaires peuvent être cumulées entre elles sans contrevenir à cette règle ; que selon l'article 76 de la convention collective du C.E.A « la mise à pied disciplinaire pourra être accompagnée d'un changement d'affectation en application de l'article 144 alinéa 1 » ; qu'en application de ce texte une mesure de mutation peut donc constituer une sanction complémentaire à la mise à pied disciplinaire susceptible de se cumuler avec celle-ci ; que dès lors à supposer même pour les besoins du raisonnement que la mesure de mutation du salarié ait présenté un caractère disciplinaire, il ne pouvait s'agir en toute hypothèse, au regard des textes conventionnels applicables, que d'une sanction complémentaire à la mise à pied disciplinaire insusceptible de contrevenir au principe non bis in idem ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les article 76 et 144 de la convention collective du C.E.A, ensemble le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27942
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 12 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°10-27942


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27942
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