LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° N 10-25. 926, N 10-26. 501, S 10-27. 954 et W 11-14. 691 ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail et 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc. 28 mai 2008), que la société Moulinex, membre du groupe Brandt Moulinex, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 septembre 2001 ; qu'une partie du personnel a été licenciée le 19 novembre 2001 ; que des salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts en alléguant que l'employeur n'avait pas fait appel aux commissions territoriales de l'emploi préalablement à leur licenciement conformément aux dispositions de l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande, l'arrêt retient que la recherche de reclassement externe à l'entreprise et au groupe s'est traduite par la mise en oeuvre, de la part de la société Moulinex puis des organes de la procédure, relayés par les pouvoirs publics, de moyens tout à fait exceptionnels allant jusqu'à la désignation d'un délégué interministériel ou encore la réactivation, pour les seuls salariés de Moulinex, des conventions de conversion qui avaient été abrogées quelques mois auparavant, que dans ce cadre, il a été fait appel aux commissions territoriales de l'emploi de l'Orne et du Calvados et dont les membres ont pu participer, parmi d'autres et dans un environnement élargissant de façon considérable leurs moyens d'action habituels, à un dispositif de recherche hors du commun ;
Qu'en statuant ainsi sans caractériser la saisine, par l'employeur, préalablement à la notification des licenciements, des institutions que constituent les commissions territoriales de l'emploi compétentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il confirme les jugements ayant débouté les demandeurs aux pourvois de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 28 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne MM. X..., Y..., M..., N..., ès qualités et la société Moulinex aux dépens
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 les condamne à payer aux salariés et à la SCP Bouzidi et Bouhanna la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit aux pourvois par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mmes Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F...
G...
H..., I..., J..., MM. K..., O..., P..., Q..., R..., S... et T...
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR, confirmé les jugements entrepris ayant débouté les exposants de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas sérieusement contesté qu'aucune possibilité de reclassement ne s'offrait – ni au sein de l'entreprise, la SA MOULINEX ayant cessé toute activité et licencié 3064 salariés-, ni au sein du groupe constitué avec la société BRANDT, laquelle, avec ses douze filiales, a été également placée en redressement judiciaire, a procédé à des licenciements massifs (1170 salariés) et a fait l'objet d'un plan de cession au profit d'une société israélienne ; que la déconfiture de l'ensemble du groupe rendait toute perspective de reclassement interne parfaitement inexistante ; que la recherche de reclassement s'est étendue à l'extérieur du groupe ; qu'il pesait à cet égard sur la SA MOULINEX une obligation conventionnelle tirée de l'article 28 de l'accord national du 12 juin 1987 intitulé « accord sur les problèmes généraux de l'emploi » et disposant que l'employeur, amené à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, doit notamment « rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi » ; qu'en l'espèce, la recherche de reclassement externe à l'entreprise et au groupe s'est traduite par la mise en oeuvre, de la part de la SA MOULINEX puis des organes de la procédure, relayés par pouvoirs publics, de moyens tout à fait exceptionnels allant jusqu'à la désignation d'un délégué interministériel ou encore la réactivation, pour les seuls salariés MOULINEX, des conventions de conversion qui avaient été abrogées quelques mois auparavant ; que, dans ce cadre, il a été fait appel aux commissions territoriales de l'emploi de l'Orne et du Calvados, qui ont été saisies, comme en attestent les diligences qu'elles ont accompli (pièces 8 et 9 de la SA MOULINEX) et dont les membres (deux représentants de chacune des organisations syndicales signataires et un nombre de représentants patronaux égal au total des membres des organisations syndicales, selon l'article 2 de l'accord du 12 juin 1987) ont pu participer, parmi d'autres, et dans un environnement élargissant de façon considérable leurs moyens d'action habituels, un dispositif de recherche hors du commun ; que c'est ainsi que le « délégué interministériel aux restructurations MOULINEX », Monsieur Michel L..., indique dans un courrier du 18 novembre 2008 (pièce 10 de la SA MOULINEX) dont les termes ne sont en rien contestés par les appelants : « il est apparu indispensable aux pouvoirs publics d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan pour atténuer l'impact des suppressions d'activité de MOULINEX (…). Dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les pouvoirs publics ont décidé de centraliser l'ensemble des moyens destinés non seulement à la réindustrialisation des sites de production MOULINEX et à la redynamisation des bassins industriels, mais également au reclassement des salariés dont le licenciement allait être inévitablement prononcé (…). Bien avant l'homologation du plan de redressement judiciaire et donc avant notification des licenciements, mes initiatives ont été nombreuses, ayant conduit à ce que se réunissent régulièrement tous les acteurs concernés : ANPE, ASSEDIC, AFPA, DATAR, Chambres de Commerce et d'Industrie, Chambres de Métiers, organisations patronales (MEDEF) et les représentants des principales organisations syndicales (…). En outre, j'ai personnellement contacté de nombreuses entreprises susceptibles de constituer le cadre de reclassement possible de salariés » ; qu'il est joint à ce courrier des documents de travail démontrant le sérieux et l'ampleur des actions menées dans chacun des bassins d'emploi concernés ; qu'il s'avère ainsi que l'employeur, par lui-même comme avec le concours particulièrement volontariste des pouvoirs publics, a satisfait pleinement à ses obligations légales conventionnelles et contractuelles de reclassement et que le débouter des demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être confirmé ;
ALORS QUE l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 impose à l'employeur qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique, de « rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi » ; que c'est préalablement à tout licenciement que l'employeur doit satisfaire à la procédure destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, telle qu'elle ressort de dispositions conventionnelles étendant le périmètre de reclassement et ce, à peine de manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement, privant celui-ci de cause réelle et sérieuse ; qu'en se bornant, pour conclure que l'employeur avait satisfait pleinement à ses obligations légales conventionnelles et contractuelles de reclassement et débouter les salariés de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à relever qu'en l'espèce « la recherche de reclassement externe à l'entreprise et au groupe s'est traduite par la mise en oeuvre de la part de la SA MOULINEX puis des organes de la procédure, relayés par les pouvoirs publics, de moyens tout à fait exceptionnels allant jusqu'à la désignation d'un délégué interministériel ou encore la réactivation, pour les seuls salariés MOULINEX, des conventions de conversion qui avaient été abrogées quelques mois auparavant, et qu'il avait été fait appel, dans ce cadre, aux commissions territoriales de l'emploi de l'Orne et du Calvados qui ont été saisies comme en attestent les diligences qu'elles ont accomplies et dont les membres ont pu participer parmi d'autres et dans un environnement élargissant de façon considérable leurs moyens d'action habituels à un dispositif de recherche hors du commun », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si cette procédure de recherche de solutions de reclassement externe et notamment la saisine des Commissions territoriales de l'emploi, prévue par des dispositions conventionnelles étendant le périmètre de reclassement et destinée à favoriser, avant tout licenciement, un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avait été mise en oeuvre et était intervenue avant les licenciements prononcés le 19 novembre 2001, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, L 1233-1, L 1233-3, L 1233-4 et L 1235-3 du Code du travail ;