LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Jean-Marie X..., qui exploite un salon de coiffure, a employé son fils Cyril X... d'abord en qualité d'apprenti coiffeur puis, en dernier lieu à compter du 22 juin 1993, par contrat verbal à durée indéterminée ; que par lettre du 5 janvier 2007, M. Jean-Marie X... a licencié son fils Cyril pour faute grave ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'arrêt condamne le salarié à payer à l'employeur la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par les insultes et le dénigrement ayant entraîné son licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur n'imputait au salarié qu'une faute grave, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Cyril X... à payer à l'employeur M. Jean-Marie X... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. Jean-Marie X... de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne M. Jean-Marie X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Cyril X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. Lafaysse Cyril.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le salarié à payer à l'employeur la somme de 20.000 € de dommages-intérêts :
AUX MOTIFS QUE sur ce dernier point, il est prétendu que M. Cyril X... a détourné le produit de certaines coupes de cheveux ; sont versées aux débats, deux attestations, l'une portant sur le fait que le nom d'un client, M. A..., a été rayé de l'agenda, l'autre (M. B...), selon laquelle « Cyril a arraché des mains de M. Jean-Marie X... le billet de 20 euros que le client venait de lui donner », ces seuls éléments ne peuvent suffire à rapporter la preuve d'un préjudice certain ; quant à la captation de clientèle reprochée, si M. Cyril X... a créé son propre salon, c'est dans le cadre normal de la liberté du commerce et de l'établissement, et il ne peut lui être dès lors reproché de s'être installé à proximité du salon de son père d'autant que le secteur commercial d'Andernos est limité, et d'utiliser son nom de famille. Reste que les conditions dans lesquelles, publiquement, dans le cadre de son travail, Cyril X... a dénigré et insulté celui qui était son employeur et qui était gravement handicapé (la COTOREP lui ayant reconnu un taux d'IPP de 70 % en 2000) sont caractéristiques d'un préjudice moral certain, dont ce dernier est fondé à se prévaloir, ces insultes sont relatées dans le précédent arrêt du 08 janvier 2009, ce comportement est aussi attesté par le témoignage de M B... plus haut reproduit ; à ce titre, il convient d'allouer à M. Jean-Marie X... la somme de 20.000 euros (arrêt p.8).
ALORS QUE la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire du salarié à l'employeur ou à l'entreprise ; que le seul fait pour un salarié d'avoir dénigré et insulté son employeur, publiquement dans le cadre de son travail, ne caractérise pas l'intention de nuire à l'employeur ; que dès lors, en condamnant le salarié à verser des dommages et intérêts à son employeur pour préjudice moral certain, sans caractériser l'intention de nuire du salarié, la Cour d'appel a violé l'article L.1222-1 du Code du travail et le principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ;
ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont interdites et la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ; que le salarié qui a été licencié pour faute grave pour avoir tenu des propos outrageants et insultants devant témoins ne peut être condamné à payer à l'employeur des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier du fait des insultes proférées en public ; qu'en condamnant le salarié à des dommages-intérêts envers son employeur, sans relever aucun fait caractérisant l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, la Cour d'appel a violé le principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde et l'article L.1331-2 du Code du travail ;
ALORS QUE, en tout état de cause, en condamnant le salarié à payer à l'employeur la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile.