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25/09/2012 | FRANCE | N°11-20134

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2012, 11-20134


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 novembre 2010) que Mme X..., engagée à compter du 13 avril 1987 en qualité d'employée par la société Auchan, a été en arrêt maladie à compter du 8 novembre 2006 jusqu'au 31 janvier 2007 ; que par deux lettres de novembre et décembre 2006 à la direction du personnel, elle a dénoncé un harcèlement moral de la part de son chef de rayon ; que mise en demeure le 12 février 2007 de justifier de son absence depuis le 1er février ou de reprendre le travail, elle n'a

pas obtempéré et a été licenciée pour absences injustifiées par lettre d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 novembre 2010) que Mme X..., engagée à compter du 13 avril 1987 en qualité d'employée par la société Auchan, a été en arrêt maladie à compter du 8 novembre 2006 jusqu'au 31 janvier 2007 ; que par deux lettres de novembre et décembre 2006 à la direction du personnel, elle a dénoncé un harcèlement moral de la part de son chef de rayon ; que mise en demeure le 12 février 2007 de justifier de son absence depuis le 1er février ou de reprendre le travail, elle n'a pas obtempéré et a été licenciée pour absences injustifiées par lettre du 1er mars 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de la débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et indemnités de rupture ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ que le simple fait de modifier une argumentation ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi d'une partie ; qu'en l'espèce, pour décider que son absence n'était pas justifiée, la cour a retenu que contrairement à ce qu'elle avait précédemment soutenu, elle n'avait pas adressé à la société de justificatifs de son absence après le 1er février 2007 ; qu'en décidant que ces affirmations n'étaient pas sérieuses car elles émanaient d'un salarié dont la mauvaise foi des premières déclarations était établie, la cour a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ que l'absence d'un salarié ne peut caractériser une faute grave que si elle a perturbé le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la faute grave était caractérisée car convoquée à un entretien préalable dès le 19 février 2007, elle n'avait pas adressé de justificatifs de son absence après le 1er février 2007 ; qu'en statuant ainsi, sans établir que cette absence avait perturbé le fonctionnement de la société, la cour d'appel a privé son arrêt de base égard au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, elle a soutenu que, compte tenu en particulier de son ancienneté dans l'entreprise, la faute grave n'était pas caractérisée car c'était la première absence injustifiée qui lui était reprochée et qu'elle était de courte durée ; qu'en décidant que le licenciement était fondé sur une faute grave, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l'employeur informé de troubles psychologiques du salarié ne peut le licencier sans constat préalable de son inaptitude par le médecin du travail ; qu'en l'espèce, l'employeur a été informé de ses arrêts de travail à compter du 8 novembre 2006 ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que le Dr Y..., psychologue du service de médecine du travail et de pathologie professionnelle du CHU, a écrit le 18 janvier 2007 à son propos que "d'après ses déclarations, elle serait confrontée à une situation conflictuelle avec l'un de ses collègues. Les signes cliniques présentés renvoient à une altération effective de son état de santé mentale. Par ailleurs, elle développe une importante conduite de retrait de son poste. Elle ne se sent pas en mesure psychologiquement de reprendre le travail à son poste initial. Au total, je pense qu'une aptitude sous réserve de changement de poste pourrait être prononcée. Au préalable, une prolongation de l'arrêt maladie pourrait être envisagée, en accord avec le médecin traitant et le médecin conseil, afin de stabiliser son état de santé mentale" ; qu'en ne recherchant pas si l'employeur, informé de son état de santé, l'avait licenciée après constat de son inaptitude par le médecin du travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel par motifs propres et adoptés a retenu que bien que mise en demeure le 12 février 2007 de reprendre son travail ou de justifier de son absence depuis le 1er février, la salariée, dont le médecin du travail avait exclu toute inaptitude à l'emploi, n'avait pas obtempéré de sorte que le grief était établi et rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis du fait de son désintérêt manifeste, caractérisant la faute grave ; que par ces seuls motifs elle a légalement justifié sa décision et n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que des arrêts de travail motivés par une anxiété résultant d'un harcèlement moral constituent des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, elle a fait l'objet d'arrêts de travail successifs, versés aux débats, justifiés par un état d'anxiété résultant d'un harcèlement moral ; qu'en décidant qu'elle ne rapportait pas la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que tant par motifs propres qu'adoptés, la cour d'appel a constaté que la salariée n'établissait aucun fait à l'encontre de son chef de rayon ou de la directrice des relations humaines propre à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle X... de sa demande de condamnation de la société AUCHAN au paiement des sommes de 5.914,61 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 54.000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du Travail, de 2.993,98 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 299,39 € de congés payés sur préavis, de 17.963,88 € de dommages et intérêts à raison du harcèlement moral subi, et de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Aux motifs que « la faute grave est celle d'une importance telle qu'elle ne permet pas le maintien du salarié dans l'entreprise, la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
En première instance Madame X... avait conclu page 4 de ses premières écritures :
- qu'elle "avait régulièrement envoyé son arrêt de travail courant 31 janvier 2007 au 28 février 2007 ",
- "que malgré tout l'employeur écrivait par courrier du 12 février 2007....... qu'il était sans nouvelle de sa part",
- "qu'il ne pouvait ignorer la prolongation de l'arrêt de travail initialement payée à compter du 8 novembre 2006,
- que "c'est donc avec la plus grande mauvaise foi que ce courrier lui a été adressé ",
- que "les seuls éléments produits aux débats par la salariée suffisent en eux-mêmes à prouver sa bonne foi",
- que "c'est pourquoi elle ne pouvait se rendre à l'entretien préalable fixé le 26 février 2007 à 9 heures puis qu'elle était encore en arrêt de travail",
- que "sur ces seuls éléments le conseil constatera le caractère abusif du licenciement ".
Par la suite Madame X... a reconnu notamment à la barre du conseil des Prud'hommes contrairement à ce qu'elle avait précédemment soutenu ne pas avoir adressé à la SA de justificatif de son absence après le 1er février 2007, et, changeant de version, a prétendu qu'elle n'avait pas répondu aux courriers des 12 et 19 février 2007 de la SA parce que la directrice des ressources humaines de la SA lui avait conseillé de ne pas le faire ajoutant "que cette méthode est d'ailleurs largement utilisée et employée par les défenseurs au moins à cette époque là ",
ses affirmations ne sont établies par aucun commencement de preuve, elles paraissent au demeurant dénuées de sérieux émanant d'un salarié dont la mauvaise foi des premières déclarations est établie » (arrêt p. 4 et 5),
Alors que, d'une part, le simple fait de modifier une argumentation ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi d'une partie ; qu'en l'espèce, pour décider que l'absence de Mlle X... n'était pas justifiée, la cour a retenu que contrairement à ce qu'elle avait précédemment soutenu, elle n'avait pas adressé à la société de justificatifs de son absence après le 1er février 2007 ; qu'en décidant que ces affirmations n'étaient pas sérieuses car elles émanaient d'un salarié dont la mauvaise foi des premières déclarations était établie, la cour a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Alors que, d'autre part, l'absence d'un salarié ne peut caractériser une faute grave que si elle a perturbé le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la faute grave était caractérisée car Mlle X..., convoquée à un entretien préalable dès le 19 février 2007, n'avait pas adressé de justificatifs de son absence après le 1er février 2007 ; qu'en statuant ainsi, sans établir que cette absence avait perturbé le fonctionnement de la société AUCHAN, la cour d'appel a privé son arrêt de base égard au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;
Alors qu'en troisième lieu, dans ses conclusions d'appel, Mlle X... a soutenu que, compte tenu en particulier de son ancienneté dans l'entreprise, la faute grave n'était pas caractérisée car c'était la première absence injustifiée qui lui était reprochée et qu'elle était de courte durée ; qu'en décidant que le licenciement était fondé sur une faute grave, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, l'employeur informé de troubles psychologiques du salarié ne peut le licencier sans constat préalable de son inaptitude par le médecin du travail ; qu'en l'espèce, l'employeur a été informé des arrêts de travail de Mlle X... à compter du 8 novembre 2006 ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que le Dr Y..., psychologue du service de médecine du travail et de pathologie professionnelle du CHU, a écrit le 18 janvier 2007 à propos de Mlle X... que « d'après ses déclarations, elle serait confrontée à une situation conflictuelle avec l'un de ses collègues. Les signes cliniques présentés renvoient à une altération effective de son état de santé mentale. Par ailleurs, elle développe une importante conduite de retrait de son poste. Elle ne se sent pas en mesure psychologiquement de reprendre le travail à son poste initial. Au total, je pense qu'une aptitude sous réserve de changement de poste pourrait être prononcée. Au préalable, une prolongation de l'arrêt maladie pourrait être envisagée, en accord avec le médecin traitant et le médecin conseil, afin de stabiliser son état de santé mentale » ; qu'en ne recherchant pas si l'employeur, informé de l'état de santé de Mlle X..., l'avait licenciée après constat de son inaptitude par le médecin du travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle X... de sa demande de condamnation de la société AUCHAN au paiement de la somme de 17.963,88 € de dommages et intérêts à raison du harcèlement moral subi, et corrélativement, des sommes de 5.914,61 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 54.000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du Travail, de 2.993,98 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 299,39 € de congés payés sur préavis,
Aux motifs que « Madame X... prétend par ailleurs "avoir subi des agissements intolérables de Madame Z..., Directrice des Ressources Humaines D'AUCHAN LAC",
" que l'employeur informé de cette situation n'a pourtant rien fait pour que ce harcèlement cesse",
toutefois si Madame X... a dans un premier temps par ses lettres des 20 novembre et 8 décembre 2006 mis en cause à ce titre son chef de rayon Monsieur A..., en cause d'appel elle prétend que c'est la Directrice des Ressources Humaines, Madame Z... qui est l'auteur de ces agissements dont elle ne décrit en rien en quoi ils consistaient ;
Madame X..., ainsi que le soutient la SA, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe au sens des articles L 1154-1 du code du travail des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement reposait bien sur une faute grave au sens de la définition plus haut retenue, et Madame X... doit être déboutée de toutes ses demandes dont celle fondée sur le harcèlement moral » (arrêt p. 5),

Alors que des arrêts de travail motivés par une anxiété résultant d'un harcèlement moral constituent des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mlle X... a fait l'objet d'arrêts de travail successifs, versés aux débats, justifiés par un état d'anxiété résultant d'un harcèlement moral ; qu'en décidant qu'elle ne rapportait pas la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-20134
Date de la décision : 25/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2012, pourvoi n°11-20134


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.20134
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