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20/09/2012 | FRANCE | N°11-19746

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 septembre 2012, 11-19746


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 mars 2011), que par acte des 4 avril et 2 mai 1995 reçu par M. X..., notaire de la SCP X..., A..., (la SCP), M. Y... a acquis les parts et le compte courant que les époux Z... possédaient dans la SCI Panis et les actions et le compte courant qu'ils déclaraient détenir dans la société Deltanic Tabey Pro pour une valeur globale déclarée à l'acte de 2 469 295, 71 F en contrepartie de la constitution d'une rente viagère annuelle indexée de

240 000 F sur les deux têtes des cédants ; que débouté irrévocablemen...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 mars 2011), que par acte des 4 avril et 2 mai 1995 reçu par M. X..., notaire de la SCP X..., A..., (la SCP), M. Y... a acquis les parts et le compte courant que les époux Z... possédaient dans la SCI Panis et les actions et le compte courant qu'ils déclaraient détenir dans la société Deltanic Tabey Pro pour une valeur globale déclarée à l'acte de 2 469 295, 71 F en contrepartie de la constitution d'une rente viagère annuelle indexée de 240 000 F sur les deux têtes des cédants ; que débouté irrévocablement de sa demande tendant à la réduction de la rente, M. Y... a recherché la responsabilité de la SCP en lui reprochant essentiellement, d'une part, d'avoir commis une erreur grossière sur le solde de compte courant dans la société Deltanic Tabey Pro, d'autre part, d'avoir omis de le mettre en garde sur le risque présenté par la rente viagère ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que pour démontrer le préjudice subi, M. Y... se prévalait du défaut de prise en compte par le notaire des cessions antérieures portant sur le compte courant qu'il a acquis de M. Z... ; que le notaire, M. X..., ne remettait nullement en cause les cessions antérieures, ne contestant le préjudice subi par l'acheteur qu'au seul regard de l'existence d'une contrepartie réelle et sérieuse au vu de l'ensemble des actifs cédés ; qu'en retenant cependant que l'erreur commise sur la valeur du compte courant cédé à M. Y... était purement matérielle et que la réintégration erronée dans l'acte notarié des sommes cédées antérieurement n'a pas d'incidence dans le cadre d'une opération économique globale, méconnaissant ainsi totalement le plein effet des cessions antérieures diminuant le montant du compte courant cédé dans l'acte notarié, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code civil ;
2°/ que le notaire est tenu d'un devoir de conseil fondé sur la garantie du consentement éclairé des parties dont il authentifie les actes ; que le manquement à ce devoir entraîne nécessairement un préjudice en faussant les conditions de l'engagement du client, partie à l'acte notarié ; que la responsabilité du notaire se trouve ainsi engagée sans qu'il soit besoin de démontrer l'incidence réelle de la faute commise par ce dernier sur le consentement de l'acheteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a caractérisé le défaut de vérification de la part de M. X..., occasionnant une erreur sur la valeur de l'un des éléments cédés à M. Y... et, par conséquent, nécessairement sur l'évaluation du prix ; qu'en écartant cependant la responsabilité du notaire pour absence de préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que le notaire qui a commis un manquement à son devoir de conseil est tenu de verser des dommages-intérêts au demandeur dès lors que le préjudice subi est direct et certain ; que tel est le cas lorsque la faute du notaire entraîne une prestation plus importante à la charge de l'acheteur, et ce indépendamment de l'existence d'une contrepartie réelle et sérieuse à ladite prestation ; qu'en l'espèce, le montant de la rente viagère à la charge de l'acheteur a bien été calculé à partir d'une évaluation des actifs cédés à 2 469 295, 71 F intégrant un compte courant de 1 151 948, 73 F, soit trois fois supérieur au montant réel de ce compte, ce qui faussait inévitablement le calcul de la rente ; qu'en retenant cependant que l'erreur commise sur la valeur du compte courant était purement matérielle, que M. Y... n'a pas payé deux fois le compte courant, que la réintégration dans la valeur du compte courant des sommes antérieurement cédées n'a pas d'incidence dans le cadre d'une opération globale et que l'action engagée par l'acheteur en réduction de la rente était fondée sur un défaut partiel de cause et non sur les vices de consentement, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter le préjudice matériel invoqué par l'acheteur et, par là même, violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que n'ayant pas soutenu en cause d'appel que le manquement au devoir de conseil auquel était tenu la SCP entraînait nécessairement un préjudice, le moyen pris en sa deuxième branche, formulé pour la première fois devant la Cour de cassation est nouveau, mélangé de fait, partant irrecevable ;
Et attendu que la cour d'appel qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision en retenant que M. Y... n'établissait à l'encontre du notaire aucun manquement à son obligation de conseil ou de mise en garde dans le choix d'un mode de paiement arrêté en dehors de lui ou dans le montant de la rente fixé à l'issue d'une négociation à laquelle n'avait pas participé le notaire et qui constituait pour le cessionnaire une contrepartie réelle et sérieuse au regard de la globalité de l'opération réalisée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à la SCP X..., A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande tendant à engager la responsabilité professionnelle de Maître X... pour violation de son devoir de conseil et à condamner, par conséquent, ce dernier à réparer le préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE « l'acte authentique qui a été rédigé par Maître X..., notaire des deux parties, par son intitulé et son contenu, n'a pas exclusivement pour objet de prévoir les garanties accompagnant les cessions antérieures convenues entre les parties, mais authentifiant ces cessions antérieures, prévoit la cession des parts des époux Z... dans la SCI Panis et dans la société Deltanic Tabey, la cession des comptes courants dans les deux sociétés, le prix de cession sous forme de rente viagère et à titre de garantie pour les crédirentiers, la caution hypothécaire de la SCI Panis et le nantissement des parts sociales de cette SCI ; que la mention dans l'acte de ce que les conventions ainsi authentifiées ont été arrêtées directement entre les parties, sans le concours ni la participation du notaire rédacteur de l'acte, correspond certes à la réalité du dossier, l'intervention de ce dernier s'étant nécessairement opérée au stade de la cession des parts de SCI et des garanties, notamment hypothécaires, mais ne constitue pas une clause d'exonération de responsabilité du notaire, qui serait au demeurant inefficace, comme le serait la circonstance selon laquelle le client est un homme d'affaires averti, de surcroît assisté de conseils ; qu'en tant que rédacteur de l'acte, Maître X... était bien tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité de cet acte mais non de vérifier les déclarations des parties, sauf s'il est démontré qu'il disposait d'éléments de nature à douter de la véracité de ces informations sur les opérations et négociations antérieures auxquelles il est constant qu'il n'avait pas participé et qui ont été conduites par le conseil de Monsieur Y... ; qu'en l'espèce, si comme l'indique ce conseil, Maître X... a bien été destinataire du protocole et des bilans comptables de la société Deltanic au moins sur l'exercice 1993 et 1994 (puisque le bilan de l'exercice 1995 n'était pas encore connu), documents au demeurant indispensables à la rédaction de son acte, il aurait du constater une distorsion entre la somme mentionnée au bilan 1994 au titre du compte courant (1. 377. 056, 50 frs) et les deux sommes énoncées par les parties (850. 056, 50 et 301. 892, 23 frs) en demandant une attestation du commissaire aux comptes, d'autant que celui-ci relève également dans son attestation des erreurs affectant, sur ce point, le protocole d'accord ; que cependant, ce défaut de vérification qui a occasionné cette erreur purement matérielle sur la valeur d'un des éléments cédés à Monsieur Y... n'a causé aucun préjudice à dernier, qui par le biais de son conseil, envisageait lui-même le 10 septembre 1996 une simple rectification de l'acte ; qu'en effet, le différentiel résulte essentiellement du fait qu'il a acquis antérieurement pour 1 frs la créance de 850. 000 frs Monsieur Z... sur la société Deltanic au titre de son compte courant dans cette société (outre, toujours pour 1 franc, une partie de ses parts sociales) ; qu'ainsi, Monsieur Y..., qui connaissait parfaitement les conventions antérieures au cours desquelles il était assisté de son conseil et qui, en tant que P. D. G. de la société Deltanic connaissait la situation comptable de celle-ci, n'a, de fait, pas payé deux fois le compte courant qu'il a acquis de Monsieur Z... et la réintégration erronée opérée dans l'acte pour la fixation de la valeur des biens cédés n'a pas eu d'incidence, dans le cadre d'une opération économique globale consistant, comme l'indique la cour, dans son arrêt du 29 septembre 2005, en une cession de l'ensemble des actifs sociaux des époux Z... après désendettement des sociétés concernées ; que l'action engagée par Monsieur Y... en réduction de rente était d'ailleurs fondée non sur les vices de consentement mais sur un défaut partiel de cause » ;
1) ALORS QUE, pour démontrer le préjudice subi, Monsieur Y... se prévalait du défaut de prise en compte par le notaire des cessions antérieures portant sur le compte courant qu'il a acquis de Monsieur Z... ; que le notaire, Maître X..., ne remettait nullement en cause les cessions antérieures, ne contestant le préjudice subi par l'acheteur qu'au seul regard de l'existence d'une contrepartie réelle et sérieuse au vu de l'ensemble des actifs cédés ; qu'en retenant cependant que l'erreur commise sur la valeur du compte courant cédé à Monsieur Y... était purement matérielle et que la réintégration erronée dans l'acte notarié des sommes cédées antérieurement n'a pas d'incidence dans le cadre d'une opération économique globale, méconnaissant ainsi totalement le plein effet des cessions antérieures diminuant le montant du compte courant cédé dans l'acte notarié, la Cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du Code civil ;
2) ALORS QUE le notaire est tenu d'un devoir de conseil fondé sur la garantie du consentement éclairé des parties dont il authentifie les actes ; que le manquement à ce devoir entraîne nécessairement un préjudice en faussant les conditions de l'engagement du client, partie à l'acte notarié ; que la responsabilité du notaire se trouve ainsi engagée sans qu'il soit besoin de démontrer l'incidence réelle de la faute commise par ce dernier sur le consentement de l'acheteur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a caractérisé le défaut de vérification de la part de Maître X..., occasionnant une erreur sur la valeur de l'un des éléments cédés à Monsieur Y... et, par conséquent, nécessairement sur l'évaluation du prix ; qu'en écartant cependant la responsabilité du notaire pour absence de préjudice, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du Code civil ;
3) ALORS QUE, en toute hypothèse, le notaire qui a commis un manquement à son devoir de conseil est tenu de verser des dommages-intérêts au demandeur dès lors que le préjudice subi est direct et certain ; que tel est le cas lorsque la faute du notaire entraîne une prestation plus importante à la charge de l'acheteur, et ce indépendamment de l'existence d'une contrepartie réelle et sérieuse à ladite prestation ; qu'en l'espèce, le montant de la rente viagère à la charge de l'acheteur a bien été calculé à partir d'une évaluation des actifs cédés à 2. 469. 295, 71 F intégrant un compte courant de 1. 151. 948, 73 F, soit trois fois supérieur au montant réel de ce compte, ce qui faussait inévitablement le calcul de la rente ; qu'en retenant cependant que l'erreur commise sur la valeur du compte courant était purement matérielle, que Monsieur Y... n'a pas payé deux fois le compte courant, que la réintégration dans la valeur du compte courant des sommes antérieurement cédées n'a pas d'incidence dans le cadre d'une opération globale et que l'action engagée par l'acheteur en réduction de la rente était fondée sur un défaut partiel de cause et non sur les vices de consentement, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter le préjudice matériel invoqué par l'acheteur et, par là même, violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-19746
Date de la décision : 20/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Lyon, 31 mars 2011, 09/03272

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 31 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 sep. 2012, pourvoi n°11-19746


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19746
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