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19/09/2012 | FRANCE | N°10-12024

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 septembre 2012, 10-12024


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 novembre 2009), que le 14 août 1999, les époux X... ont conclu avec la société F2M, devenue Maisons de Biarritz, également dénommée Biarritz immobilier, un contrat de réservation portant une villa en état futur d'achèvement qu'ils ont promis, par acte du même jour, de donner à bail commercial à la société Open Sud gestion en vue de sa gestion locative ; que, le 4 janvier 2000, Mme Y..., épouse X..., seule, a conclu avec la sociétÃ

© Maisons de Biarritz un autre contrat de réservation, réitéré en la forme ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 novembre 2009), que le 14 août 1999, les époux X... ont conclu avec la société F2M, devenue Maisons de Biarritz, également dénommée Biarritz immobilier, un contrat de réservation portant une villa en état futur d'achèvement qu'ils ont promis, par acte du même jour, de donner à bail commercial à la société Open Sud gestion en vue de sa gestion locative ; que, le 4 janvier 2000, Mme Y..., épouse X..., seule, a conclu avec la société Maisons de Biarritz un autre contrat de réservation, réitéré en la forme authentique le 11 août 2000, portant sur la même villa ; que celle-ci ayant été directement mise en location, la société Open Sud gestion, par acte du 10 septembre 2003, a assigné les époux X... en exécution de la promesse de bail qu'ils lui avait consentie le 14 août 1999 et, subsidiairement, en paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice et pour perte d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la caducité d'un contrat de réservation d'un bien immobilier en état futur d'achèvement entraîne celle de la promesse de bail commercial portant sur ce même bien, en raison de l'interdépendance existant entre les deux contrats ; que la cour d'appel qui constatait que le contrat de réservation et la promesse de bail avaient été conclus le 14 août 1999, soit le même jour, par la même personne, engageant tant la société Open Sud gestion que la société Biarritz immobilier, qu'ils s'inscrivaient dans une opération unique de défiscalisation, que la promesse fixait la date de prise d'effet du bail quinze jours après l'achèvement de l'ensemble immobilier ou au lendemain de la régularisation de la vente en état futur d'achèvement par acte authentique et que la société Open Sud gestion avait envoyé un nouveau projet de bail commercial après signature par Mme X... seule d'un nouveau contrat de réservation, éléments qui caractérisaient l'indivisibilité entre ces deux contrats, ne pouvait juger que la caducité du contrat de réservation du 14 août 1999 n'entraînait pas celle de la promesse de bail ; qu'elle n'a ainsi pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les époux X... faisaient valoir que l'interdépendance des deux contrats résultait encore explicitement de la brochure de présentation du programme immobilier qui précisait aux futurs acquéreurs qu'ils seraient propriétaires de leur villa dont la gestion locative pouvait être confiée à " notre société de gestion spécialisée dans l'exploitation hôtelière et para-hôtelière " pour une durée de neuf ans, à l'issue de laquelle ils pouvaient " reconduire le bail de gestion ou retrouver l'usage exclusif " de leur bien ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas des éléments produits aux débats, notamment de la brochure susvisée, que dans l'esprit des parties, les contrats s'inséraient dans un ensemble contractuel participant à la réalisation d'une opération économique unique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, qu'aucune suite n'avait été donnée par les époux X... au premier contrat de réservation, et, d'autre part, qu'à défaut de régularisation de la vente par acte authentique, la promesse de bail était privée d'effet, ne pouvait juger que la caducité du contrat de réservation du 14 août 1999 n'entraînait pas celle de la promesse de bail ; qu'elle n'a ainsi pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'indivisibilité des conventions résulte de la volonté des parties de considérer chaque contrat comme la condition de l'existence de l'autre et doit être clairement exprimée par les parties, et relevé que la promesse de bail commercial ne faisait aucune référence au contrat de réservation, qu'elle portait sur un immeuble à construire avec prise de possession au plus tôt le 15 juin 2000, que le contrat de réservation ne portait aucune mention du bail commercial, que le seul lien entre eux résidait dans le mécanisme des indemnités en cas de retard dans la livraison de l'immeuble pour le second et de la prise de possession pour le premier mettant de fait les indemnités de retard à la charge définitive du constructeur et que ce seul élément était insuffisant à instituer une indivisibilité entre les deux contrats, la cour d'appel, qui a recherché la commune intention des parties, a souverainement retenu que la promesse de bail consentie par les époux X... le 14 août 1999 n'était pas liée au contrat de réservation qu'ils avaient souscrit le même jour ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner les époux X... à payer à la société Open Sud gestion une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour perte d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient que le contrat de bail est expressément soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, reprises par les articles L. 145 et suivants du code de commerce, mettant à la charge du bailleur refusant le renouvellement du bail une indemnité d'éviction, dont le principe est donc acquis au bénéfice de la société Open Sud gestion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité d'éviction est soumise à la réalisation de certaines conditions, la cour d'appel, qui a réparé un préjudice hypothétique, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à payer à la société Open Sud gestion une certaine somme au titre de la perte d'une indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 24 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Open Sud gestion et des époux X... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour les époux X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le premier moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer diverses sommes à la société Open Sud Gestion, après avoir considéré que la caducité du contrat de réservation du 14 août 1999 était sans effet sur la validité de la promesse de bail du même jour ;
AUX MOTIFS QUE les époux X...
Y... déclarent que la promesse de bail du 14 août 1999 a été annulée ou aurait été caduque. L'acte ne mentionne pas de date au-delà de laquelle l'engagement deviendrait caduc.
Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la caducité frappe un acte régulièrement formé qui perd postérieurement à sa conclusion un élément essentiel à sa validité du fait de la survenance d'un événement indépendant de la volonté des parties ou dépendant partiellement de leur volonté. La souscription par Madame X... d'une nouvelle réservation résulte de la seule volonté des époux X..., les conditions de la caducité ne sont pas remplies.
Madame X... soutient que cette annulation de la réservation résulterait de la souscription pour elle seule d'une nouvelle réservation en date du 4 janvier 2000 portant sur le même lot pour un prix de 1. 911. 811, 50 francs TTC, contrat de réservation sur la base duquel a été établi l'acte authentique de vente du 11 août 2000, étant relevé que dans ces deux actes, elle se présente en qualité de loueur en meublé. Elle soutient en outre que cette annulation de la réservation aurait entrainé l'annulation de la promesse de bail, le tout constituant un acte indivisible.
L'envoi d'un nouveau projet de bail commercial au vu de la nouvelle réservation, signé par le seul preneur, ne porte pas mention d'une renonciation à la promesse de bail originelle, sous une forme qui pourrait être " remplace et annule la précédente promesse en date du " et ne suffit pas à démontrer que le preneur a renoncé au bénéfice de la promesse régulièrement signée entre les parties.
Ainsi que l'a rappelé le premier juge, l'indivisibilité des conventions résulte de la volonté des parties de considérer chaque contrat comme la condition de l'existence de l'autre, elle doit être clairement exprimée par les parties. La promesse de bail commercial ne fait aucune référence au contrat de réservation. Elle porte sur un immeuble à construire avec prise de possession au plus tôt le 15 juin 2000. Le seul lien entre eux réside dans le mécanisme des indemnités en cas de retard dans la livraison de l'immeuble pour le second et de la prise en possession pour le premier mettant de fait les indemnités de retard à la charge définitive du constructeur. Ce seul élément est insuffisant à instituer une indivisibilité entre les deux contrats.
Il en résulte que le fait que Madame X... soit devenue propriétaire sur le fondement d'une nouvelle réservation renégociée à un prix plus intéressant pour elle est indifférent à la validité de la promesse de bail commercial qui lui reste opposable.
Le changement de qualité fiscale invoqué par Madame X... est indifférent : qu'elle agisse en qualité de conjoint séparé de biens ou en qualité de loueur de meublé, il s'agit toujours de la même personne physique agissant en son nom propre. La promesse de bail ne crée pas un droit réel, mais des droits personnels entre bailleurs et preneur, l'argument tiré de l'existence d'une indivision résultant du régime matrimonial des époux X...
Y... est sans portée, Madame X... ayant acquis seule le bien est à même d'acquitter l'obligation personnelle qu'elle a souscrite par ladite promesse.
La conclusion d'une promesse de bail n'impose aucune obligation d'acquérir l'immeuble, la date de prise d'effet du bail étant fixée au lendemain de la date de la régularisation de la vente par acte authentique. Si cette dernière n'intervient pas, le bail est privé d'effet.

(…)
Il en résulte que Madame Y..., épouse X..., devenue propriétaire de la villa achevée, et Monsieur X..., souscripteur de la promesse de bail commercial du 14 août 1999 sont également tenus par cet engagement ;
ALORS QUE la caducité d'un contrat de réservation d'un bien immobilier en état futur d'achèvement entraine celle de la promesse de bail commercial portant sur ce même bien, en raison de l'interdépendance existant entre les deux contrats ; que la cour d'appel qui constatait que le contrat de réservation et la promesse de bail avaient été conclus le 14 août 1999, soit le même jour, par la même personne, engageant tant la société Open Sud Gestion que la société Biarritz Immobilier, qu'ils s'inscrivaient dans une opération unique de défiscalisation, que la promesse fixait la date de prise d'effet du bail 15 jours après l'achèvement de l'ensemble immobilier ou au lendemain de la régularisation de la vente en état futur d'achèvement par acte authentique et que la société Open Sud Gestion avait envoyé un nouveau projet de bail commercial après signature par Mme X... seule d'un nouveau contrat de réservation, éléments qui caractérisaient l'indivisibilité entre ces deux contrats, ne pouvait juger que la caducité du contrat de réservation du 14 août 1999 n'entraînait pas celle de la promesse de bail ; qu'elle n'a ainsi pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS EN TOUT ETAT QUE les époux X... faisaient valoir que l'interdépendance des deux contrats résultait encore explicitement de la brochure de présentation du programme immobilier qui précisait aux futurs acquéreurs qu'ils seraient propriétaires de leur villa dont la gestion locative pouvait être confiée à « notre société de gestion spécialisée dans l'exploitation hôtelière et para-hôtelière » pour une durée de 9 ans, à l'issue de laquelle ils pouvaient « reconduire le bail de gestion ou retrouver l'usage exclusif » de leur bien ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas des éléments produits aux débats, notamment de la brochure susvisée, que dans l'esprit des parties, les contrats s'inséraient dans un ensemble contractuel participant à la réalisation d'une opération économique unique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
ALORS ENFIN QUE la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, qu'aucune suite n'avait été donnée par les époux X... au premier contrat de réservation, et, d'autre part, qu'à défaut de régularisation de la vente par acte authentique, la promesse de bail était privée d'effet, ne pouvait juger que la caducité du contrat de réservation du 14 août 1999 n'entraînait pas celle de la promesse de bail ; qu'elle n'a ainsi pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le second moyen reproche à l'arrêt attaqué infirmatif sur ce point d'avoir condamné les époux X... à payer à la société Open Sud Gestion la somme de 30. 000 € à titre de dommages intérêts pour la perte de l'indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS QUE sur la perte de l'indemnité d'éviction, le premier juge a retenu que ce préjudice serait purement éventuel. La société Open Sud Gestion maintient sa demande et les époux X...
Y... font valoir qu'allouer une indemnité d'éviction, c'est admettre l'existence et l'application dans le temps d'une obligation dont le refus d'exécution a été sanctionné. L'article 2 du bail précise que le bail porte sur une période de 9 années entières et consécutives pour s'achever la neuvième année. La plaquette publicitaire précise que le bailleur peut récupérer son bien au bout de neuf ans. Cependant, le contrat est expressément soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 reprises par les articles L. 145 et suivants du code de commerce, dont Monsieur X..., expert comptable, ne peut ignorer la portée, qui mettent à la charge du bailleur refusant le renouvellement du bail une indemnité d'éviction, dont le principe est donc acquis au bénéfice de la société Open Sud Gestion.
La société Open Sud Gestion verse aux débats pour justifier le montant réclamé un rapport d'expertise diligenté dans une autre affaire relative au même complexe touristique, mais portant sur un appartement type T3. L'examen de ce document met en évidence une forte variation des chiffres d'affaire (haute saison 2001 : 5. 070 euros ; haute saison 2002 : 2. 424, 50 euros).
Compte tenu des spécificités de la villa des époux X...
Y..., de la situation géographique de l'immeuble, du caractère saisonnier de l'activité et de la variabilité du chiffre d'affaire dans ce domaine d'activité, l'indemnité d'éviction sera fixée à la somme de 30. 000 euros ;
ALORS QUE un préjudice éventuel n'est pas réparable ; qu'en accordant à la société Open Sud Gestion, la réparation d'un préjudice prétendument constitué par la perte de l'indemnité d'éviction, quand le droit du preneur à percevoir une telle indemnité est subordonné à certaines conditions, tels que le souhait du preneur de renouveler le bail ou le refus injustifié de renouvellement du bailleur, dont la réalisation n'était pas acquise au jour où elle a statué, la cour d'appel a réparé un préjudice hypothétique et violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-12024
Date de la décision : 19/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 24 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 sep. 2012, pourvoi n°10-12024


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.12024
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