LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mai 2011) que Mme X..., propriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 5 rue Crepu (le syndicat) dans lequel elle était propriétaire de lots en indemnisation de son préjudice consécutif à des infiltrations en toiture ; que les consorts X..., venus aux droits de Mme X... décédée pendant le cours de l'instance d'appel, ont repris la procédure ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes irrecevables, alors, selon le moyen :
"Que le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en statuant au visa de conclusions en date du 28 avril 2009, quand Mme X... avait déposé des conclusions le 9 octobre 2009, puis des conclusions complétives et d'actualisation le 20 novembre 2009 et que ses héritiers avaient produit des conclusions de reprise d'instance le 8 février 2010, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions déposées, a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile" ;
Mais attendu que l'arrêt énonçant que les dernières conclusions sont celles prises par les consorts X... et comportant l'exposé des demandes et moyens que ceux-ci avaient fait valoir dans leurs conclusions de reprise d'instance déposée le 8 février 2012, le visa des conclusions en date du 28 avril 2009 caractérise une erreur matérielle qui, pouvant être réparée suivant la procédure de l'article 462 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Mais, sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande des consorts X... en indemnisation du préjudice matériel occasionné à leurs parties privatives, l'arrêt retient que la demande de Mme X... en condamnation du syndicat à lui payer des dommages-intérêts pour les dommages consécutifs aux infiltrations faite dans une autre instance a été rejetée par un jugement définitif du 7 mars 2002 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des consorts X... faisant valoir que le jugement du 7 mars 2002 avait rejeté la demande en tant qu'elle se heurtait à la chose jugée par l'arrêt du 3 décembre 2001 et que cet arrêt ne visait pas les dommages matériels mais seulement les pertes de loyers, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande des consorts X... en indemnisation des pertes de loyers, l'arrêt retient qu'ils sollicitent comme leur auteur l'avait précédemment fait la réparation d'un préjudice locatif à compter du mois de septembre 1998 jusqu'à la fin 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... demandaient l'indemnisation de leurs pertes locatives à compter de l'arrêt du 3 décembre 2001 jusqu'au mois de novembre 2009, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 5 rue Crépu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 5 rue Crépu et le condamne à payer aux consorts X... et à Mmes Y..., Z... et A... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour Mmes Y..., Z..., A..., ès qualités et les consorts X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée les demandes de Madame Sylviane Y..., Monsieur Henri X..., Monsieur Alain X..., Monsieur Gérard X..., Madame Lucette Z... et Madame Claire Violette A... ;
ALORS QUE le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en statuant au visa de conclusions en date du 28 avril 2009, quand Madame X... avait déposé des conclusions le 9 octobre 2009, puis des conclusions complétives et d'actualisation le 20 novembre 2009 et que ses héritiers avaient produit des conclusions de reprise d'instance le 8 février 2010, la Cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions déposées, a violé l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée les demandes de Madame Sylviane Y..., Monsieur Henri X..., Monsieur Alain X..., Monsieur Gérard X..., Madame Lucette Z... et Madame Claire Violette A... ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1351 du Code civil, « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité » ; que le Syndicat des copropriétaires de l'Immeuble 5, rue Crépu à GRENOBLE soulève l'irrecevabilité des demandes adverses du fait de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt en date du 3 décembre 2001 et au jugement du 7 mars 2002 ; que, dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 3 décembre 2001, les époux X... demandaient, outre l'annulation de quatre délibérations de l'assemblée générale du 26 mai 1997, la condamnation du syndicat à la remise en état du bâtiment donnant sur cour, et ce sous astreinte, et des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice locatif depuis septembre 1998 ; que la Cour a notamment condamné le syndicat des copropriétaires à faire les réparations de la toiture du bâtiment sur cour afin de le rétablir hors d'eau et a rejeté la demande des époux X... pour perte de loyers ; que, dans la présente procédure, les intimés sollicitent la condamnation du syndicat à les indemniser du dommage matériel occasionné à ses parties privatives sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et de la perte locative subie de septembre 1998 à fin 2006 ; que la demande en réparation de la toiture de l'immeuble et la demande en réparation des dommages subis à raison du défaut d'entretien des parties communes ne sont pas fondées sur la même cause ; que, néanmoins, dans une procédure postérieure ayant abouti à la décision aujourd'hui définitive du 7 mars 2002, Madame X... a demandé la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer des dommages-intérêts pour les dommages affectant ses parties communes et consécutifs aux infiltrations dont elle tient pour responsable le syndicat ; que le Tribunal de grande instance de GRENOBLE, dans cette décision du 7 mars 2002, a débouté Madame X... de ce chef ; qu'en l'espèce, il y a identité de chose demandée, fondée sur la même cause, entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité ; que, dès lors, la demande des intimés en réparation de leur préjudice matériel relatif aux dommages sur leurs parties privatives suite aux infiltrations affectant la toiture de l'immeuble en copropriété, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ; qu'il y a autorité de la chose jugée lorsque la même question litigieuse oppose les mêmes parties prises en la même qualité et procède de la même cause que la précédente, sans que soient invoqués des faits nouveaux ayant modifié la situation des parties ; qu'en l'espèce, les ayants droit de Madame X... sollicitent comme leur auteur l'avait précédemment fait une demande au titre d'un préjudice locatif toujours à compter de septembre 1998, sans invoquer de faits nouveaux ayant modifié la situation des parties ; que, par voie de conséquence, les intimés sont irrecevables en leur demande en indemnisation d'un préjudice locatif (arrêt, p. 4 et 5) ;
1°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en opposant la chose jugée par le jugement du Tribunal de grande instance de GRENOBLE en date du 7 mars 2002 s'agissant de la demande tendant à la réparation des dommages matériels résultant des infiltrations dans les parties privatives, tout en relevant que l'objet de ce jugement portait sur l'indemnisation des dommages affectant les « parties communes », la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble, l'article 480 du même Code ;
2°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'au demeurant, Madame Sylviane Y..., Monsieur Henri X..., Monsieur Alain X..., Monsieur Gérard X..., Madame Lucette Z... et Madame Claire Violette A... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que le jugement du 7 mars 2002 avait rejeté la demande tendant à la réparation des dommages matériels résultant des infiltrations en tant qu'elle se serait heurtée à la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de GRENOBLE en date du 3 décembre 2001, alors pourtant que cet arrêt ne visait pas les dommages matériels, mais les pertes de loyers consécutives à l'impossibilité de louer les locaux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs écritures ; qu'en opposant la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de GRENOBLE en date du 3 décembre 2001 s'agissant de la demande tendant à la réparation des dommages résultant des pertes de loyers consécutives à l'impossibilité de louer les locaux, dès lors qu'il aurait été sollicité l'indemnisation de ces dommages « toujours à compter du septembre 1998 », quand dans leurs écritures d'appel Madame Sylviane Y..., Monsieur Henri X..., Monsieur Alain X..., Monsieur Gérard X..., Madame Lucette Z... et Madame Claire Violette A... limitaient expressément leurs prétentions pour la période postérieure à cet arrêt du 3 décembre 2001, précisément pour tenir compte de la chose jugée par ledit arrêt, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en relevant également que Madame Sylviane Y..., Monsieur Henri X..., Monsieur Alain X..., Monsieur Gérard X..., Madame Lucette Z... et Madame Claire Violette A... sollicitaient l'indemnisation des pertes de loyers pour la période de « septembre 1998 à fin 2006 », quand cette demande portait sur la période courant du 3 décembre 2001 à novembre 2009, la Cour d'appel a encore violé l'article 4 du Code de procédure civile.