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13/09/2012 | FRANCE | N°11-22414

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 septembre 2012, 11-22414


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er septembre 1997 par la société Vitry frères et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur export, a été licencié pour motif économique le 20 juin 2008 ;
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que les éléments du dossier ne permettent pas de constater un manquement de l'employeur tenant au défaut de saisine de la commissi

on territoriale de l'emploi alors qu'il n'est pas établi que cette commission a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er septembre 1997 par la société Vitry frères et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur export, a été licencié pour motif économique le 20 juin 2008 ;
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que les éléments du dossier ne permettent pas de constater un manquement de l'employeur tenant au défaut de saisine de la commission territoriale de l'emploi alors qu'il n'est pas établi que cette commission avait un fonctionnement effectif pour le bassin d'emploi concerné ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'employeur de justifier de ce qu'il s'était trouvé dans l'impossibilité de saisir la commission territoriale de l'emploi compétente, préalablement au licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu le principe d'égalité de traitement ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une prime de treizième mois, prorata temporis, l'arrêt retient qu'aux termes du contrat de travail, cette prime n'est due que si le salarié est présent dans l'entreprise le 31 décembre de l'année considérée et que son paiement n'a aucun caractère de généralité et de fixité, de sorte qu'il n'est pas créateur de droit pour le salarié qui ne peut invoquer une discrimination alors que le contexte à un an d'intervalle est différent ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser de raison objective justifiant, au regard de l'avantage en cause, une différence de traitement entre le salarié et ceux licenciés en 2007, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Vitry frères aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... une somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur X... par la Société Vitry Frères reposait sur une cause économique réelle et sérieuse, et débouté en conséquence ce dernier de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur Christophe X... reproche à l'employeur de ne lui avoir dans sa lettre du 21 décembre 2007 notifié que le délai de six semaines dans lequel il pouvait accepter ou refuser la proposition de mutation qui lui était faite et non deux autres délais conventionnels, l'un de 12 semaines avant l'expiration duquel la mise en oeuvre du changement d'affectation ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du salarié, l'autre de 18 semaines pendant lequel celui-ci peut revenir sur son acceptation ; que toutefois, aucune disposition ne rend impérative la mention de ces deux délais, qui ne sont effectifs que dans le cas d'une acceptation de la proposition de l'employeur, et leur absence n'est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse" (arrêt p.7-1°) ;
1°) ALORS QUE la mutation du salarié pour motif économique est soumise aux formalités prescrites par l'article 8 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, lesquelles instituent notamment à son profit une faculté de rétractation de son éventuelle acceptation pendant un délai de 18 semaines à compter de la notification ; que l'employeur qui propose au salarié une telle mutation est tenu de l'informer de cette faculté afin de lui permettre de donner à sa proposition un consentement ou un refus éclairé ; qu'à défaut, le licenciement opéré en conséquence du refus de cette modification doit être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'une telle information n'avait pas été donnée à Monsieur X... ; qu'en considérant cependant que cette carence n'était pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1222-6 et L.1233-3 du Code du travail, ensemble l'article 8 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
ET AUX MOTIFS QUE "Monsieur Christophe X... fait valoir que la lettre du 21 décembre 2007, comme les réponses ultérieures de l'employeur à ses demandes d'information complémentaire, ne fixent pas la date de la fermeture effective du site de Paris ni celle du transfert des salariés dans les nouveaux locaux, le principe même de l'opération restant d'ailleurs incertain ; qu'il s'avère que la SA Vitry Frères a en effet lors de la première information auprès des salariés individuellement et des représentants du personnel, conditionné la réalisation du projet à la reprise par un tiers du bail concernant les locaux de l'établissement parisien, ce qui nécessitait pour elle de trouver un successeur et de le voir accepté par le bailleur, événements qui ne dépendaient pas entièrement de sa volonté ; (que cependant) il ne saurait lui être reproché d'avoir informé les salariés très en amont, en exposant complètement les données de la situation, y compris sa part d'incertitude ; que dès le premier février 2008, il a été précisé à Monsieur Christophe X... que la décision de principe serait acquise au plus tard le 15 mai 2008, la date prévisible du transfert restant le 30 juin 2008, date qui a été confirmée le 14 avril 2008 et qui a en effet été celle du déménagement effectif ; que le comité d'entreprise a été tenu informé de l'évolution de la situation tant le 14 avril 2008 que le 7 mai 2008 ; que l'information dispensée par la société a été ainsi suffisamment précise pour permettre à Monsieur Christophe X... de se déterminer, y compris s'il le souhaitait en revenant sur sa décision initiale de refus dès que l'opération a été totalement stabilisée, soit deux mois et demi avant sa mise en oeuvre, temps suffisant pour prendre les dispositions personnelles et familiales utiles, d'ailleurs facilitées par les mesures d'accompagnement auxquelles s'engageait l'employeur" (arrêt 2° p.2 in fine, p.3) ;
2°) ALORS QUE ne satisfait pas aux exigences légales la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique qui n'est adressée au salarié qu'à titre éventuel, sous condition suspensive de l'intervention d'un tiers, et demeure entachée de cette incertitude pendant tout le délai de sa réflexion ; qu'une telle proposition, qui sollicite du salarié une réponse ferme à un engagement hypothétique, n'est pas de nature à lui permettre d'y donner un consentement ou un refus éclairés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L.1222-6 et L.1233-3 du Code du travail ;
ET AUX MOTIFS QUE la lettre du 20 juin 2008 énonce expressément que le motif économique du transfert d'activité est la sauvegarde de compétitivité de l'entreprise, notion qui avait déjà conduit la société, tout d'abord à localiser ses moyens de production antérieurement situés en Haute Marne, dans l'agglomération nantaise (2006) puis à transférer sur ce même site une partie du personnel administratif basé à Paris (juillet 2007, à l'occasion de l'échéance d'un bail) ; que les pièces versées aux débats par la SA Vitry Frères illustrent de manière circonstanciée les difficultés ayant conduit à ces orientations, les effets positifs des premières mesures, mais également le maintien du péril affectant la compétitivité et la nécessité de compléter les dispositions initiales par la mutation de la totalité des effectifs parisiens, mesure permettant une substantielle réduction des frais fixes et une amélioration des relations fonctionnelles entre services ;
QUE Monsieur Christophe X... invoque le défaut de prise en compte du groupe auquel appartient la SA Vitry Frères ; qu'il s'avère toutefois que la société avait simplement une filiale chargée de commercialiser des produits sous la marque Menhir, entité qu'elle a absorbée le premier février 2007 par transfert universel de patrimoine, et deux filiales sur le continent américain dédiées à la commercialisation sur place et ne comportant, outre des agents commerciaux, qu'un salarié ; que la situation du "groupe" n'est donc pas différente de celle de la société elle-même ;
QUE par ailleurs, Monsieur Christophe X... ne peut sérieusement soutenir que l'employeur ne souhaitait pas qu'il rejoigne la région nantaise dans la mesure notamment où la proposition de mutation s'accompagnait d'une augmentation substantielle de salaire ; qu'au vu de ces éléments, le motif économique de la proposition de mutation est établi" (arrêt p.3-3°) ;
3°) ALORS QU'en déduisant d'une référence abstraite aux "pièces versées aux débats" n'ayant fait l'objet d'aucune analyse, mais dont il résulte que les difficultés économiques rencontrées en 2006 avaient été jugulées par les premières mesures prises et permis un retour à l'équilibre au moment du licenciement, "le maintien du péril affectant la compétitivité" de la société employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-3 du Code du travail ;
4°) ET ALORS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, admettait un retour à l'équilibre sur l'exercice 2007, soit au moment du licenciement, et ne présentait la délocalisation du service administratif que comme répondant à la nécessité abstraite de "tendre vers des résultats bénéficiaires permettant de renforcer les fonds propres et les capacités d'autofinancement pour les dépenses de marketing et commerciales indispensables à notre maintien comme leader dans le domaine de l'accessoire hygiène beauté" ; qu'il ne ressortait ni de cette lettre, ni des motifs de l'arrêt attaqué l'existence objective d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-3 du Code du travail ;
5°) ALORS QUE la proposition de mutation du 21 décembre 2007 ne comportait aucune promesse d'une augmentation de salaire ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "…Monsieur Christophe X... ne peut sérieusement soutenir que l'employeur ne souhaitait pas qu'il rejoigne la région nantaise dans la mesure notamment où la proposition de mutation s'accompagnait d'une augmentation substantielle de salaire" la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, a violé l'article 1134 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE "les éléments du dossier ne permettent pas de constater un manquement de la SA Vitry Frères tenant au défaut de saisine de la commission territoriale de l'emploi alors qu'il n'est pas établi que cette commission avait un fonctionnement effectif pour le bassin d'emploi considéré" (arrêt p.3-4° alinéa 1er) ;
6°) ALORS QU'il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation conventionnelle préalable à tout licenciement collectif pour motif économique de saisir la commission territoriale de reclassement aux fins de favoriser le reclassement externe de ses salariés, de justifier d'une cause éventuelle d'exonération de cette obligation ; qu'il appartenait en conséquence à la Société Vitry Frères de démontrer l'inexistence de l'organisme désigné par la convention collective comme objet de son obligation ; que le doute subsistant sur ce point devait lui préjudicier ; qu'en se déterminant aux termes de motifs qui déduisent au contraire son exonération d'une incertitude subsistant sur "le fonctionnement effectif" de la commission pour le bassin d'emploi considéré la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE "tous les postes de la SA Vitry Frères étant localisés dans la région nantaise, la société ne pouvait faire aucune proposition de reclassement interne à Monsieur Christophe X..., celui-ci ayant refusé le principe d'une mutation sur le lieu où son poste était transféré ; qu'il a été constaté ci-dessus qu'en dehors des effectifs propres à la société, le groupe ne comportait qu'un emploi salarié, basé sur le continent Nord Américain, emploi non vacant au moment du licenciement ; que l'employeur justifie par ailleurs avoir fait des recherches auprès de ses partenaires commerciaux et de chefs d'entreprise liés au dirigeant ; qu'il s'avère ainsi que la SA Vitry Frères a exécuté loyalement et dans toute son étendue l'obligation de reclassement pesant sur elle (…)" (arrêt 4° p.3 dernier alinéa, p.4 alinéas 1 et 2) ;
7°) ALORS enfin et en toute hypothèse QUE la proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en exonérant la Société Vitry Frères de son obligation de reclassement interne au motif que Monsieur X... aurait refusé "le principe d'une mutation sur le lieu où son poste était transféré" quand il résultait de ses constatations que la proposition initiale de mutation n'avait pas été formulée au titre de l'obligation de reclassement dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, mais d'une modification de son contrat de travail préalable à toute procédure de licenciement, et que l'employeur était tenu de proposer au salarié dont le licenciement était ensuite envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut d'une catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser, la Cour d'appel a violé l'article L.1233-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement prorata temporis de la prime contractuelle de 13ème mois ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur Christophe X... demande que lui soit versée la prime de treizième mois pour l'année 2008 au prorata de son temps de présence ; que toutefois, aux termes du contrat de travail, cette prime n'est due que si le salarié est présent dans l'entreprise le 31 décembre de l'année considérée ; que Monsieur Christophe X... fait valoir que la même prime a été versée indépendamment de cette réserve à certains salariés licenciés dans des conditions similaires à la sienne en 2007 ; qu'il apparaît toutefois que ce paiement n'a aucun caractère de généralité et de fixité, de sorte qu'il n'est pas créateur de droits pour Monsieur Christophe X... ni d'obligation pour la SA Vitry Frères ; que par ailleurs, Monsieur Christophe X... ne peut invoquer une discrimination alors que le contexte à un an d'intervalle est différent ; que le jugement sera confirmé" ;
ALORS QUE le principe d'égalité de traitement impose d'accorder le même avantage aux salariés placés en situation identique au regard de cet avantage, sauf, pour l'employeur, à s'en justifier par une raison objective et pertinente ; qu'en retenant, pour justifier la différence de traitement entre salariés également victimes d'un licenciement économique, résultant de l'allocation à certains d'entre eux uniquement d'une prime de 13ème mois prorata temporis, "que le contexte à un an d'intervalle est différent", énonciation sommaire, abstraite et imprécise, insusceptible de constituer une "raison objective et pertinente" de la rupture d'égalité ainsi constatée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22414
Date de la décision : 13/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 sep. 2012, pourvoi n°11-22414


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22414
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