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13/09/2012 | FRANCE | N°11-20756

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 septembre 2012, 11-20756


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 13 avril 2011), que les époux Fernand X... et Renée Y..., mariés sous le régime de la communauté universelle et bénéficiaires d'une clause d'attribution au dernier des vivants, ont souscrit en 1993 un contrat d'assurance sur la vie dont l'épouse est devenue seule titulaire au décès de son mari ; que le 20 septembre 2003, Renée X..., modifiant la clause bénéficiaire de ce contrat, y a désigné son fils, M. Christi

an X..., à défaut son épouse, Mme Brigitte Z..., et à défaut ses héritiers ; q...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 13 avril 2011), que les époux Fernand X... et Renée Y..., mariés sous le régime de la communauté universelle et bénéficiaires d'une clause d'attribution au dernier des vivants, ont souscrit en 1993 un contrat d'assurance sur la vie dont l'épouse est devenue seule titulaire au décès de son mari ; que le 20 septembre 2003, Renée X..., modifiant la clause bénéficiaire de ce contrat, y a désigné son fils, M. Christian X..., à défaut son épouse, Mme Brigitte Z..., et à défaut ses héritiers ; que Renée X... est décédée le 3 février 2004, laissant pour lui succéder, son fils M. Christian X... et ses trois petits enfants, MM. David, Alain et Jean X..., venant par représentation de leur père, Michel X..., décédé le 4 septembre 1991 ; que MM. David, Alain et Jean X... (les consorts X...) ont assigné leur oncle, M. Christian X... en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Renée X..., en réclamant le rapport de la prime de 94 000 euros versée par leur grand-mère au compte du contrat d'assurance sur la vie au motif qu'elle était manifestement exagérée ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de rapport à la succession de la prime litigieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 132-13 du code des assurances que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont expressément constaté que Renée X... avait versé le 14 octobre 2003 la somme de 94 000 euros sur son contrat d'assurance-vie, que le 20 septembre 2003, elle avait modifié la clause bénéficiaire en désignant son fils Christian, qu'à cette époque elle était âgée de 78 ans et n'ignorait pas la gravité de sa maladie dont elle est décédée le 3 février 2004, que les époux X... avaient exprimé régulièrement leur inquiétude quant à l'avenir de leur fils Christian, invalide, et leur souci de lui assurer une retraite décente, et qu'ils avaient voulu manifester leur volonté de le dispenser du rapport à la succession tant pour le protéger que pour le remercier de ses bons soins ; qu'en déboutant les consorts David X... de leur demande tendant à voir rapporter à la succession la somme de 94 000 euros en retenant que le versement de la prime n'était pas manifestement exagéré par rapport aux facultés financières de la défunte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait que le versement de cette prime avait pour seul objet d'assurer la transmission par Renée X... d'un patrimoine à son fils Christian en dehors des règles légales des successions, et a violé le texte susvisé ;

2°/ que le caractère manifestement exagéré des primes versées sur un contrat d'assurance-vie s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel qu'au moment du versement de la somme de 94 000 euros sur son contrat d'assurance-vie, Renée X... était âgée de 78 ans et se savait gravement malade, et que cette somme, provenant de la vente de sa maison, représentait près de 75 % de son patrimoine ; qu'en se bornant à retenir que le versement de cette prime n'était pas manifestement exagéré dès lors que Renée X... disposait d'économies disponibles et de revenus suffisants pour assumer ses besoins quotidiens et qu'elle avait entendu organiser son patrimoine par rapport à la situation concrète de sa famille, sans rechercher l'utilité présentée par ce contrat pour la souscriptrice, notamment en considération de son âge et de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le contrat d'assurance sur la vie souscrit par les époux X... en 1993 a été alimenté par des versements de 45 euros, puis de 500 euros ; que le 14 octobre 2003, Renée X... a versé une somme de 94 000 euros ; qu'à l'époque, Renée X... était âgée de 78 ans ; qu'elle possédait 28 000 euros d'économies et bénéficiait d'une pension de retraite mensuelle de 1 750 euros ; qu'elle était prise en charge par son fils Christian et n'ignorait pas la gravité de sa maladie ; qu'il est certain, que par ce versement, elle entendait placer et garantir le capital acquis à la suite de la vente de sa maison, et pouvoir percevoir, si besoin, des revenus complémentaires ; que René X..., qui disposait d'économies disponibles et de revenus très suffisants pour assumer ses besoins quotidiens, a entendu organiser son patrimoine par rapport à la situation concrète de sa famille ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel, par une décision motivée incluant la recherche de l'utilité de l'opération pour la souscriptrice, a souverainement décidé qu'à la date de son versement sur le contrat d'assurance sur la vie, la prime ne présentait pas un caractère manifestement exagéré ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. David, Alain et Jean X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Le Griel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. David, Alain et Jean X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. David, Alain et Jean X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Messieurs David, Alain et Jean X..., petits-enfants de Madame Renée X..., de leur demande tendant à voir condamner leur oncle Monsieur Christian X... à rapporter à la succession la prime de 94.000 € versée par Madame Renée X... sur son contrat d'assurance-vie au profit de Monsieur Christian X...,

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « iI est constant, au visa de l'article L. 132-13 du code des assurances ,que les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance vie ne sont rapportables à la succession, que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, et qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, et de l'utilité de ce contrat pour ce dernier. Le contrat d'assurance-vie a été souscrit par les époux X... en 1993, et il a été alimenté par des versements de 45 €, puis de 500 €, et le 14 octobre 2003 Mme Renée X... a versé une somme de 94 000 €, après avoir, par un courrier du 20 septembre 2003 adressé à la CNP Assurance, modifié les clauses bénéficiaires pour désigner Christian X..., à défaut son épouse Brigitte Z..., et à défaut ses héritiers. À l'époque, Mme X... était âgée de 78 ans : elle possédait des économies de l'ordre de 28 000 € et elle bénéficiait d'une pension de retraite de l'ordre de 1 750 €. Elle était prise en charge par son fils Christian, et elle n'ignorait pas la gravité de sa maladie. Il est donc certain, que par ce versement, elle entendait placer et garantir le capital acquis à la suite de la vente de sa maison, et pouvoir percevoir si besoin des revenus complémentaires. Il ressort également de trois témoignages circonstanciés, que les deux époux X... exprimaient régulièrement auprès de leurs amis, l'inquiétude qu'ils avaient quant à l'avenir de leur fils Christian, invalide et en fauteuil roulant pour le restant de ses jours, et leur volonté de faire le nécessaire pour que leur fils Christian touche une retraite décente. Dès lors que Mme X... disposait d'économies disponibles, et de revenus très suffisants pour assumer ses besoins quotidiens, et qu'elle a entendu organiser son patrimoine par rapport à la situation concrète de sa famille, il convient de juger, ainsi que le premier juge l'a justement retenu, que le versement de la prime n'était pas manifestement exagéré par rapport aux facultés financières de la défunte » (arrêt p. 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il est établi que Monsieur et Madame X..., puis Madame X... seule ont voulu manifester leur volonté de dispenser leur fils Christian du rapport à la succession tant pour le protéger qu'en remerciement de ses bons soins. Il doit également être rappelé qu'en son temps – c'est-à-dire en 1971 – les parents de Monsieur X... avaient eux-mêmes bénéficié de l'apport de 150.000 francs – somme correspondant à tout ou partie de l'indemnité versée à leur fils lors de son accident – et qu'avec cet argent ils avaient acheté leur propre maison, qu'ainsi il y a lieu d'analyser le versement du produit de la vente de la maison sur le contrat d'assurance-vie comme un retour à la situation initiale de Monsieur Christian X... dans sa propre situation de fortune » (jugement p. 6),

ALORS 1°) QU'il résulte de l'article L. 132-13 du Code des assurances que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont expressément constaté que Madame Renée X... avait versé le 14 octobre 2003 la somme de 94.000 € sur son contrat d'assurance-vie, que le 20 septembre 2003 elle avait modifié la clause bénéficiaire en désignant son fils Christian, qu'à cette époque elle était âgée de 78 ans et n'ignorait pas la gravité de sa maladie dont elle est décédée le 3 février 2004, que les époux X... avaient exprimé régulièrement leur inquiétude quant à l'avenir de leur fils Christian, invalide, et leur souci de lui assurer une retraite décente, et qu'ils avaient voulu manifester leur volonté de le dispenser du rapport à la succession tant pour le protéger que pour le remercier de ses bons soins ; qu'en déboutant les consorts David X... de leur demande tendant à voir rapporter à la succession la somme de 94.000 € en retenant que le versement de la prime n'était pas manifestement exagéré par rapport aux facultés financières de la défunte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait que le versement de cette prime avait pour seul objet d'assurer la transmission par Madame X... d'un patrimoine à son fils Christian en dehors des règles légales des successions, et a violé le texte susvisé ;

ALORS 2°) QUE le caractère manifestement exagéré des primes versées sur un contrat d'assurance-vie s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel qu'au moment du versement de la somme de 94.000 € sur son contrat d'assurance-vie, Madame Renée X... était âgée de 78 ans et se savait gravement malade, et que cette somme, provenant de la vente de sa maison, représentait près de 75% de son patrimoine ; qu'en se bornant à retenir que le versement de cette prime n'était pas manifestement exagéré dès lors que Madame Renée X... disposait d'économies disponibles et de revenus suffisants pour assumer ses besoins quotidiens et qu'elle avait entendu organiser son patrimoine par rapport à la situation concrète de sa famille, sans rechercher l'utilité présentée par ce contrat pour la souscriptrice, notamment en considération de son âge et de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du Code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-20756
Date de la décision : 13/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 sep. 2012, pourvoi n°11-20756


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Le Griel, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.20756
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