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11/09/2012 | FRANCE | N°11-88269

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 septembre 2012, 11-88269


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Louis X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 23 septembre 2011, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 15 0000 euros d'amende, et, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux a condamné M. X... pour hom

icide involontaire sur la personne de Mme Y... ;
" aux motifs qu'il résult...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Louis X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 23 septembre 2011, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 15 0000 euros d'amende, et, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux a condamné M. X... pour homicide involontaire sur la personne de Mme Y... ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments de la procédure et des débats que le juillet 2001, Mme Y... a été admise à la maison de santé de Bagatelle pour y subir, le lendemain 4 juillet 2001 une hystérectomie totale par laparoscopie ; que cette opération pratiquée par le docteur X..., chirurgien, avec l'assistance du docteur Z..., anesthésiste, s'est déroulée sans incident entre 12H40 et 14H30 ; que, placée en salle de réveil de 14H35 à 18H30, son état était stable jusqu'à une baisse relative de la tension artérielle à 8/ 4 entre 16H30 et 18 heures justifiant une perfusion d'un soluté dit de remplissage, Mme Y... était ramenée à sa chambre vers 18H30 ; que, dans la nuit du 4 au 5 juillet 2001 à 1H15, la tension de Mme Y... chutait brutalement à 4, 5/ 2, 5, et, immédiatement, reprise, s'établissait à 6/ 3 ; que l'infirmière de nuit, Mme A..., prenait alors le médecin de garde, le docteur Sylvain B..., qui préconisait d'administrer un soluté de remplissage ; que ce médecin ne se déplaçait pas au chevet de Mme Y..., mais demandait à l'infirmière de le rappeler si la baisse de tension persistait ; que la tension de la patiente remontait ; que l'infirmière constatait une tâche de sang sur le pansement abdominal de la patiente, la tâche ayant transpercé le drap, elle refaisait le pansement ; qu'elle ne rappelait pas le médecin de garde ni ne sollicitait l'avis des médecins en charge de Mme Y..., les docteurs X... et Z... ; que, vers 7H00 le 5 juillet 2001, au changement d'équipe, Mme A... expliquait à l'équipe soignante de jour que Mme Y... avait fait une chute de tension dans la nuit, qu'un soluté lui avait été prescrit par le médecin de garde ; qu'elle leur signalait que le pansement et le drain redon avaient donné dans la nuit et que Mme Y... s'était plainte de nausées ; que le personnel infirmier la trouvait consciente et cohérente mais également pâle et nauséeuse ; qu'elle avait froid ; que sa tension était toujours basse – autour de 8 ; que Mme C..., infirmière, signalait à 7H30 aux docteurs Z... et X..., en charge de la patiente, les difficultés rencontrées par Mme Y... au cours de la nuit ; que le docteur Z... prescrivait, alors, une prise de sang, en urgence, afin de déterminer le taux d'hémoglobine, et de détecter une éventuelle hémorragie ; qu'Il exigeait également que la patiente soit surveillée ; que le docteur X... demandait également de la surveiller ; que les docteurs X... et Z..., étant engagés tous les deux ce matin-là, dans un programme opératoire dans un autre établissement, la clinique du Tondu, ne se rendaient pas à la clinique Bagatelle ; qu'à 9H30, les résultats de la prise de sang de Mme Y... se révélaient mauvais, avec un taux de 5, 3 g/ l du dosage de l'hémoglobine ; que, rappelé par Mme C..., le docteur Z... prescrivait aussitôt une transfusion et contactait le service des soins intensifs pour y transférer Mme Y... ; qu'où elle était alors confiée aux soins de l'anesthésiste de garde, le docteur D..., pour continuer à être transfusée ; que le docteur X..., étant aux côtés du docteur Z..., à la clinique du Tondu, avait connaissance de cette situation ; qu'à 13H15 le bilan biologique réalisé révélait un taux d'hémoglobine de 11, 2 g/ l ; que, durant ce temps, toujours consciente, Mme Y... exprimait des angoisses de mort et se sentait mal ; que, vers 13H30, le docteur Z... se rendait au chevet de Mme Y... où il constatait qu'elle était pâle, en sueur, angoissée, agitée, et particulièrement nauséeuse avec des efforts de vomissement violents. Sa tension était de (8/ 3) ; qu'à 15 heures le docteur D... informait le docteur X..., de l'état grave de la patiente qui était agitée, consciente, anxieuse et dont le pansement était tâché ; qu'à 15H16, Mme Y... convulsait et faisait un arrêt cardio-respiratoire, brutal, avec mydriase bilatérale d'emblée ; que l'équipe de soins mettait en oeuvre une réanimation intensive, avec massage cardiaque externe, intubation, ventilation, choc électrique externe, et injection d'adrénaline ; que le docteur X... arrivait au chevet de sa patiente à 15H25, pendant le massage cardiaque ; qu'il décidait d'une reprise chirurgicale en urgence, au cours de laquelle de nombreux caillots de sang étaient extraits de l'abdomen de la patiente ; qu'aucune lésion de gros vaisseau n'était trouvée ; que, revenue aux soins intensifs, intubée et sédatée, l'état cérébral de Mme Y... ne s'est pas modifié ; qu'elle était, en fait, déjà morte cliniquement ; que Mme Y... n'a jamais repris connaissance, et les divers électro-encéphalogrammes pratiqués jusqu'au 18 juillet 2001, sont restés plats ; que son décès a été constaté le 18 juillet 2001 à 22H05 ; que l'autopsie effectuée, le 20 juillet 2001, indiquait que la mort pouvait être rattachée à une défaillance cardio-respiratoire dans un contexte de réanimation, et que l'aspect du cerveau ne correspondait pas à la date du décès, évoquant un arrêt circulatoire antérieur à celle-ci ; que ce rapport concluait que les causes de la mort remontaient à la période d'hospitalisation ; qu'une première expertise médicale, réalisée par les docteurs Sophie E..., Anne F... et le professeur Jean G..., a conclu que les soins prodigués à Mme Y... n'avaient pas été appropriés à son état de santé durant la nuit du 4 et 5 juillet et surtout le matin du 5 juillet jusqu'à l'arrêt cardiaque à 15H15 ; que l'expertise soulignait que durant la nuit, la surveillance de la victime aurait dû être intensifiée et complétée par des examens biologiques, toutefois cette carence était encore réversible dans la matinée du 5 juillet en procédant à une reprise chirurgicale en urgence, dont la décision appartenait au docteur X... ; qu'en conclusion, les experts attribuaient le décès de Mme Y... à l'absence de réintervention en urgence, qu'ils présentaient comme une grave carence imputable au chirurgien : « le matin du 5 juillet il aurait fallu intervenir chirurgicalement le plus tôt possible, éventuellement après, une réanimation intensive de courte durée, et en particulier lorsque, vers 9h, le taux d'hémoglobine à 5, 3 g a été connu ; qu'on peut dire qu'une réintervention pratiquée quelques heures avant l'arrêt cardiaque aurait très vraisemblablement permis d'éviter le décès ; que le fait de ne pas réintervenir le 5 au matin, au moins lorsque le taux d'hémoglobine a été connu et, en tout cas avant l'arrêt cardiaque, a constitué une carence grave et a été responsable du décès de la patiente ; que la décision de réintervenir incombait au chirurgien ; que le docteur X... a été informé toute la matinée, par téléphone, de l'état clinique et biologique de la patiente ; que cet état anormal et inquiétant, il devait conduire au moins à évoquer le diagnostic d'hémorragie grave et à poser le problème d'une réintervention d'urgence ; que pourtant le docteur X... ne s'est rendu au chevet de la patiente qu'à 15H25 ; que les signes cliniques et biologiques devaient faire porter le diagnostic d'hémorragie grave et décider une réintervention d'urgence. Il était très dangereux de prendre le risque de laisser évoluer cette hémorragie pour la seule raison que le taux d'hémoglobine et la quantité de sang drainé était « rassurants » ; qu'à partir de l'arrêt cardiaque qui a très rapidement provoqué des lésions irréversibles de mort cérébrale, les soins donnés à Mme Y... ont été conformes aux règles de l'art et aux données de la science ; que prévenu d'avoir à Bordeaux et à Talence, le 5 juillet 2001, involontairement causé la mort de Mme Y..., alors qu'informé de la gravité de l'état de celle-ci, il s'était trouvé en mesure de décider des soins adaptés dans un délai suffisant, faits prévus par article 221-6, alinéa 1, et réprimés par article 221-6, alinéa 1, article 221-8, article 221-10, le docteur X... a, tout au cours de l'information puis des débats à l'audience, nié toute implication dans le décès de Mme Y... ; qu'il contestait les conclusions des experts ; qu'il estimait qu'il n'y avait aucune urgence à une reprise chirurgicale puisqu'il croyait que sa patiente était correctement prise en charge aux soins intensifs par le docteur D... ; qu'il ne contestait pas que ce dernier l'ait appelé en fin de matinée, vers 11H30, pour l'alerter sur le cas de sa patiente, et que sa réponse avait été de la transfuser ; qu'il regrettait que son collègue le docteur D... n'ait pas posé de voie veineuse profonde, et n'ait donc pas procédé à un remplissage efficace ; que M. X... faisait valoir que son associé, le docteur H..., était présent à la clinique Bagatelle, dans la matinée du 5 juillet 2001, et libre de tout programme opératoire, si bien qu'il aurait pu être appelé au chevet de sa patiente par le docteur D... ; que le docteur X... expliquait ne pas avoir lui-même contacté le docteur H..., puisqu'à son sens, il n'y avait aucun caractère urgent à une reprise chirurgicale ; que le docteur D... réfutait les accusations portées contre lui par le docteur X... ; qu'il faisait valoir qu'il appartenait au docteur X... en tant que chirurgien de Mme Y..., de prendre les décisions la concernant, au moins en venant la voir pour décider s'il devait opérer ou non ; qu'il a été fait droit à la demande du docteur X... qui sollicitait une contre expertise ; que le 17 octobre 2007, dans leur rapport d'expertise médicale, les docteurs I... et J... ont formulé des conclusions quasi-identiques au premier rapport, à savoir que le décès de Mme Y... était bien la conséquence de l'anoxie cérébrale consécutive à un arrêt cardiaque sur syndrome hémorragique prolongé ; qu'ils concluaient « qu'il y avait eu des carences dans la prise en charge de la surveillance post-opératoire de Mme Y..., que se partageaient les docteurs X... et Z... ; que, s'ils n'avaient effectivement pas été alertés dans la nuit du 4 au 5 juillet 2001, ni assuré eux-mêmes cette surveillance dans la matinée du jeudi 5 juillet 2001 du fait de leur programme opératoire commun à la clinique du Tondu. Ils pouvaient parfaitement déléguer cette surveillance, cette évaluation, qui s'imposait d'urgence devant la succession des événements et du déroulement anormal de ces suites opératoires, dont ils avaient connaissance ; que de plus, ils avaient encore dans les 2 à 3 heures (13H à 15H16) précédant l'arrêt cardiaque de Mme Y..., la possibilité de prendre connaissance de l'ensemble des données du dossier, d'évaluer la situation par eux-mêmes et procéder à la réintervention » ; qu'il était encore satisfait à la demande d'expertise médicale complémentaire sollicitée par le docteur X... ; que les médecins experts concluaient, dans leur rapport d'expertise complémentaire du 27 février 2008, que Mme Y... n'aurait pu survivre sans réintervention chirurgicale sachant que les soins réalisés dans la matinée avaient permis de stabiliser la situation de la victime dans des délais permettant au docteur X... d'être disponible pour réaliser cette chirurgie ; qu'il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que le docteur X... a eu connaissance dès le 5 juillet 2001 au matin (7H30 du matin) que Mme Y... avait au cours de la nuit précédente subi une très forte chute de tension. Il a encore été averti, en cours de matinée vers 9H, du taux d'hémoglobine extrêmement bas de Mme Y... ; que, informé téléphoniquement à 11H30 de l'état préoccupant de sa patiente par le docteur D... ; que le docteur X... a encore été tenu informé par le docteur Z... de l'état clinique et biologique de la patiente ; que l'état anormal et inquiétant de Mme Y... aurait dû le conduire à transférer la surveillance de cette patiente, qui lui incombait, en sa qualité de chirurgien, à un autre chirurgien ; que ce n'était pas, comme il le prétend, au docteur D..., anesthésiste, auquel le docteur Z... avait lui-même transféré la surveillance de la patiente, de prendre cette initiative à la place du chirurgien ; que le docteur X... pouvait et aurait dû demander à son associé, le docteur H..., présent à la clinique de Bagatelle, ce matin-là sans programme opératoire, de passer examiner Mme Y... ; qu'un examen physique de la patiente par un chirurgien aurait permis de poser un diagnostic, d'évaluer la nécessité d'une réintervention en urgence et donc d'éviter le décès ; qu'or, le docteur X... n'a non seulement pas transféré la surveillance de Mme Y... durant toute la matinée où il était indisponible mais il ne s'est pas non plus rendu au chevet de Mme Y..., lorsqu'il est revenu entre 13 heures et 14 heures à la clinique de Bagatelle pour s'assurer de l'évolution de son état puisque les signes d'une grave hémorragie se multipliaient depuis le matin ; que le docteur X... a attendu d'être appelé par un des médecins pour arriver finalement trop tard au chevet de Mme Y... alors que l'arrêt cardiaque s'était déjà produit ; que, contrairement à ce que soutient le prévenu, ce n'est pas une erreur de diagnostic qui lui est reprochée puisqu'il n'y a pas eu d'examen de la malade ni donc de diagnostic de posé ; que, comme l'ont souligné les experts, il y a bien eu un défaut total de surveillance ; que, par sa négligence fautive, en n'examinant pas lui-même la malade ou en ne déléguant pas cette mission à un chirurgien présent sur place, pour traiter la complication post-opératoire dont il avait connaissance, le docteur X... a bien directement contribué au décès de Mme Y... ; que c'est à bon droit donc que le tribunal a estimé qu'en omettant, pendant une période de près de huit heures de rendre visite à la patiente et de procéder à l'examen clinique qu'imposaient les résultats des analyses, le docteur X... a commis une grave négligence constitutive d'une faute caractérisée exposant la victime à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que la cour ne trouve pas motif à réformer la décision sur la déclaration de culpabilité du docteur X... qui sera donc confirmée ; que la cour rejette la demande de supplément d'information sollicitée par le prévenu dans la mesure où tous les personnels médecins et infirmiers ont déjà été entendus, voire confrontés et qu'il a été satisfait à toutes ses demandes d'expertises ; que c'est si vrai que son conseil ne précise même pas les actes qu'il souhaiterait voir réaliser dans ce supplément d'information ; que la peine prononcée est adaptée à la gravité de la situation et à la personnalité du prévenu, elle sera également confirmée ;

" alors que la responsabilité pénale d'un médecin ne peut être engagée pour homicide involontaire que si la preuve est rapportée qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu du pouvoir et des moyens dont il disposait ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations de la cour d'appel que le docteur X... n'était pas de service le lendemain de l'opération chirurgicale subie par Mme Y..., et qu'il opérait au sein d'un autre établissement, de sorte qu'il n'était pas en mesure de se rendre au chevet de celle-ci, ni de prendre des décisions en l'absence d'information complète sur son état ; qu'en condamnant dans ces conditions le docteur X..., les juges d'appel ont violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 226-1 du Code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux a condamné M. X... pour homicide involontaire sur la personne de Mme Y... et l'a en conséquence condamné à indemniser les parties civiles ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments de la procédure et des débats que le juillet 2001, Mme Y... a été admise à la maison de santé de Bagatelle pour y subir, le lendemain 4 juillet 2001 une hystérectomie totale par laparoscopie ; que cette opération pratiquée par le docteur X..., chirurgien, avec l'assistance du docteur Z..., anesthésiste, s'est déroulée sans incident entre 12H40 et 14H30 ; que, placée en salle de réveil de 14H35 à 18H30, son état était stable jusqu'à une baisse relative de la tension artérielle à 8/ 4 entre 16H30 et 18 heures justifiant une perfusion d'un soluté dit de remplissage, Mme Y... était ramenée à sa chambre vers 18H30 ; que, dans la nuit du 4 au 5 juillet 2001 à 1H15, la tension de Mme Y... chutait brutalement à 4, 5/ 2, 5, et, immédiatement, reprise, s'établissait à 6/ 3 ; que l'infirmière de nuit, Mme A..., prenait alors le médecin de garde, le docteur Sylvain B..., qui préconisait d'administrer un soluté de remplissage ; que ce médecin ne se déplaçait pas au chevet de Mme Y..., mais demandait à l'infirmière de la rappeler si la baisse de tension persistait ; que la tension de la patiente remontait ; que l'infirmière constatait une tâche de sang sur le pansement abdominal de la patiente, la tâche ayant transpercé le drap, elle refaisait le pansement. Elle ne rappelait pas le médecin de garde ni ne sollicitait l'avis des médecins en charge de Mme Y..., les docteurs X... et Z... ; que, vers 7H00 le 5 juillet 2001, au changement d'équipe, Mme A... expliquait à l'équipe soignante de jour que Mme Y... avait fait une chute de tension dans la nuit, qu'un soluté lui avait été prescrit par le médecin de garde ; qu'elle leur signalait que le pansement et le drain redon avaient donné dans la nuit et que Mme Y... s'était plainte de nausées ; que le personnel infirmier la trouvait consciente et cohérente mais également pâle et nauséeuse ; qu'elle avait froid ; que sa tension était toujours basse-autour de 8 ; que Mme C..., infirmière, signalait à 7H30 aux docteurs Z... et X..., en charge de la patiente, les difficultés rencontrées par Mme Y... au cours de la nuit ; que le docteur Z... prescrivait, alors, une prise de sang, en urgence, afin de déterminer le taux d'hémoglobine, et de détecter une éventuelle hémorragie ; qu'il exigeait également que la patiente soit surveillée ; que le docteur X... demandait également de la surveiller ; que les docteurs X... et Z..., étant engagés tous les deux ce matin-là, dans un programme opératoire dans un autre établissement, la clinique du Tondu, ne se rendaient pas à la clinique Bagatelle ; qu'à 9H30, les résultats de la prise de sang de Mme Y... se révélaient mauvais, avec un taux de 5, 3 g/ l du dosage de l'hémoglobine ; que, rappelé par Mme C..., le docteur Z... prescrivait aussitôt une transfusion et contactait le service des soins intensifs pour y transférer Mme Y... ; qu'où elle était alors confiée aux soins de l'anesthésiste de garde, le docteur D..., pour continuer à être transfusée ; que le docteur X..., étant aux côtés du docteur Z..., à la clinique du Tondu, avait connaissance de cette situation ; qu'à 13H15 le bilan biologique réalisé révélait un taux d'hémoglobine de 11, 2 g/ l ; que, durant ce temps, toujours consciente, Mme Y... exprimait des angoisses de mort et se sentait mal ; que, vers 13H30, le docteur Z... se rendait au chevet de Mme Y... où il constatait qu'elle était pâle, en sueur, angoissée, agitée, et particulièrement nauséeuse avec des efforts de vomissement violents ; que sa tension était de (8/ 3) ; qu'à 15 heures le docteur D... informait le docteur X..., de l'état grave de la patiente qui était agitée, consciente, anxieuse et dont le pansement était tâché ; qu'à 15H16, Mme Y... convulsait et faisait un arrêt cardio-respiratoire, brutal, avec mydriase bilatérale d'emblée ; que l'équipe de soins mettait en oeuvre une réanimation intensive, avec massage cardiaque externe, intubation, ventilation, choc électrique externe, et injection d'adrénaline ; que le docteur X... arrivait au chevet de sa patiente à 15H25, pendant le massage cardiaque ; qu'il décidait d'une reprise chirurgicale en urgence, au cours de laquelle de nombreux caillots de sang étaient extraits de l'abdomen de la patiente ; qu'aucune lésion de gros vaisseau n'était trouvée ; que, revenue aux soins intensifs, intubée et sédatée, l'état cérébral de Mme Y... ne s'est pas modifié ; qu'elle était, en fait, déjà morte cliniquement ; que Mme Y... n'a jamais repris connaissance, et les divers électro-encéphalogrammes pratiqués jusqu'au 18 juillet 2001, sont restés plats ; que son décès a été constaté le 18 juillet 2001 à 22H05 ; que l'autopsie effectuée, le 20 juillet 2001, indiquait que la mort pouvait être rattachée à une défaillance cardio-respiratoire dans un contexte de réanimation, et que l'aspect du cerveau ne correspondait pas à la date du décès, évoquant un arrêt circulatoire antérieur à celle-ci ; que ce rapport concluait que les causes de la mort remontaient à la période d'hospitalisation ; qu'une première expertise médicale, réalisée par les docteurs Sophie E..., Anne F... et le professeur Jean G..., a conclu que les soins prodigués à Mme Y... n'avaient pas été appropriés à son état de santé durant la nuit du 4 et 5 juillet et surtout le matin du 5 juillet jusqu'à l'arrêt cardiaque à 15H15 ; que l'expertise soulignait que durant la nuit, la surveillance de la victime aurait dû être intensifiée et complétée par des examens biologiques, toutefois cette carence était encore réversible dans la matinée du 5 juillet en procédant à une reprise chirurgicale en urgence, dont la décision appartenait au docteur X... ; qu'en conclusion, les experts attribuaient le décès de Mme Y... à l'absence de réintervention en urgence, qu'ils présentaient comme une grave carence imputable au chirurgien : « le matin du 5 juillet il aurait fallu intervenir chirurgicalement le plus tôt possible, éventuellement après, une réanimation intensive de courte durée, et en particulier lorsque, vers 9h, le taux d'hémoglobine à 5, 3 g a été connu ; qu'on peut dire qu'une réintervention pratiquée quelques heures avant l'arrêt cardiaque aurait très vraisemblablement permis d'éviter le décès ; que le fait de ne pas réintervenir le 5 au matin, au moins lorsque le taux d'hémoglobine a été connu et, en tout cas avant l'arrêt cardiaque, a constitué une carence grave et a été responsable du décès de la patiente ; que la décision de réintervenir incombait au chirurgien ; que le docteur X... a été informé toute la matinée, par téléphone, de l'état clinique et biologique de la patiente ; que cet état anormal et inquiétant, il devait conduire au moins à évoquer le diagnostic d'hémorragie grave et à poser le problème d'une réintervention d'urgence ; que pourtant le docteur X... ne s'est rendu au chevet de la patiente qu'à 15H25 ; que les signes cliniques et biologiques devaient faire porter le diagnostic d'hémorragie grave et décider une réintervention d'urgence ; qu'il était très dangereux de prendre le risque de laisser évoluer cette hémorragie pour la seule raison que le taux d'hémoglobine et la quantité de sang drainé était « rassurants » ; qu'à partir de l'arrêt cardiaque qui a très rapidement provoqué des lésions irréversibles de mort cérébrale, les soins donnés à Mme Y... ont été conformes aux règles de l'art et aux données de la science » ; que, prévenu d'avoir à Bordeaux et à Talence, le 5 juillet 2001, involontairement causé la mort de Mme Y..., alors qu'informé de la gravité de l'état de celle-ci, il s'était trouvé en mesure de décider des soins adaptés dans un délai suffisant, faits prévus par article 221-6, alinéa 1, et réprimés par article 221-6, alinéa 1, article 221-8, article. 221-10, le docteur X... a, tout au cours de l'information puis des débats à l'audience, nié toute implication dans le décès de Mme Y... ; qu'il contestait les conclusions des experts ; qu'il estimait qu'il n'y avait aucune urgence à une reprise chirurgicale puisqu'il croyait que sa patiente était correctement prise en charge aux soins intensifs par le docteur D... ; qu'il ne contestait pas que ce dernier l'ait appelé en fin de matinée, vers 11H30, pour l'alerter sur le cas de sa patiente, et que sa réponse avait été de la transfuser ; qu'il regrettait que son collègue le docteur D... n'ait pas posé de voie veineuse profonde, et n'ait donc pas procédé à un remplissage efficace ; que M. X... faisait valoir que son associé, le docteur H..., était présent à la clinique Bagatelle, dans la matinée du 5 juillet 2001, et libre de tout programme opératoire, si bien qu'il aurait pu être appelé au chevet de sa patiente par le docteur D... ; que le docteur X... expliquait ne pas avoir lui-même contacté le docteur H..., puisqu'à son sens, il n'y avait aucun caractère urgent à une reprise chirurgicale ; que le docteur D... réfutait les accusations portées contre lui par le docteur X... ; qu'il faisait valoir qu'il appartenait au docteur X... en tant que chirurgien de Mme Y..., de prendre les décisions la concernant, au moins en venant la voir pour décider s'il devait opérer ou non ; qu'il a été fait droit à la demande du docteur X... qui sollicitait une contre expertise ; que le 17 octobre 2007, dans leur rapport d'expertise médicale, les docteurs I... et J... ont formulé des conclusions quasi-identiques au premier rapport, à savoir que le décès de Mme Y... était bien la conséquence de l'anoxie cérébrale consécutive à un arrêt cardiaque sur syndrome hémorragique prolongé ; qu'ils concluaient « qu'il y avait eu des carences dans la prise en charge de la surveillance post-opératoire de Mme Y..., que se partageaient les docteurs X... et Z... ; que s'ils n'avaient effectivement pas été alertés dans la nuit du 4 au 5 juillet 2001, ni assuré eux-mêmes cette surveillance dans la matinée du jeudi 5 juillet 200 1du fait de leur programme opératoire commun à la clinique du Tondu ; qu'ils pouvaient parfaitement déléguer cette surveillance, cette évaluation, qui s'imposait d'urgence devant la succession des événements et du déroulement anormal de ces suites opératoires, dont ils avaient connaissance ; que, de plus, ils avaient encore dans les 2 à 3 heures (13H à 15H16) précédant l'arrêt cardiaque de Mme Y..., la possibilité de prendre connaissance de l'ensemble des données du dossier, d'évaluer la situation par euxmêmes et procéder à la réintervention » ; qu'il était encore satisfait à la demande d'expertise médicale complémentaire sollicitée par le docteur X... ; que les médecins experts concluaient, dans leur rapport d'expertise complémentaire du 27 février 2008, que Mme Y... n'aurait pu survivre sans réintervention chirurgicale sachant que les soins réalisés dans la matinée avaient permis de stabiliser la situation de la victime dans des délais permettant au docteur X... d'être disponible pour réaliser cette chirurgie ; qu'il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que le docteur X... a eu connaissance dès le 5 juillet 2001 au matin (7H30 du matin) que Mme Y... avait au cours de la nuit précédente subi une très forte chute de tension. Il a encore été averti, en cours de matinée vers 9H, du taux d'hémoglobine extrêmement bas de Mme Y... ; que, informé téléphoniquement à 11H30 de l'état préoccupant de sa patiente par le docteur D... ; que le docteur X... a encore été tenu informé par le docteur Z... de l'état clinique et biologique de la patiente ; que l'état anormal et inquiétant de Mme Y... aurait dû le conduire à transférer la surveillance de cette patiente, qui lui incombait, en sa qualité de chirurgien, à un autre chirurgien ; que ce n'était pas, comme il le prétend, au docteur D..., anesthésiste, auquel le docteur Z... avait lui-même transféré la surveillance de la patiente, de prendre cette initiative à la place du chirurgien ; que le docteur X... pouvait et aurait dû demander à son associé, le docteur H..., présent à la clinique de Bagatelle, ce matin-là sans programme opératoire, de passer examiner Mme Y... ; qu'un examen physique de la patiente par un chirurgien aurait permis de poser un diagnostic, d'évaluer la nécessité d'une réintervention en urgence et donc d'éviter le décès ; qu'or, le docteur X... n'a non seulement pas transféré la surveillance de Mme Y... durant toute la matinée où il était indisponible mais il ne s'est pas non plus rendu au chevet de Mme Y..., lorsqu'il est revenu entre 13 heures et 14 heures à la clinique de Bagatelle pour s'assurer de l'évolution de son état puisque les signes d'une grave hémorragie se multipliaient depuis le matin ; que le docteur X... a attendu d'être appelé par un des médecins pour arriver finalement trop tard au chevet de Mme Y... alors que l'arrêt cardiaque s'était déjà produit ; que, contrairement à ce que soutient le prévenu, ce n'est pas une erreur de diagnostic qui lui est reprochée puisqu'il n'y a pas eu d'examen de la malade ni donc de diagnostic de posé ; que comme l'ont souligné les experts, il y a bien eu un défaut total de surveillance ; que, par sa négligence fautive, en n'examinant pas lui-même la malade ou en ne déléguant pas cette mission à un chirurgien présent sur place, pour traiter la complication post-opératoire dont il avait connaissance, le docteur X... a bien directement contribué au décès de Mme Y... ; que c'est à bon droit donc que le tribunal a estimé qu'en omettant, pendant une période de près de huit heures de rendre visite à la patiente et de procéder à l'examen clinique qu'imposaient les résultats des analyses, le docteur X... a commis une grave négligence constitutive d'une faute caractérisée exposant la victime à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que la cour ne trouve pas motif à réformer la décision sur la déclaration de culpabilité du docteur X... qui sera donc confirmée ; que la cour rejette la demande de supplément d'information sollicitée par le prévenu dans la mesure où tous les personnels médecins et infirmiers ont déjà été entendus, voire confrontés et qu'il a été satisfait à toutes ses demandes d'expertises ; c'est si vrai que son conseil ne précise même pas les actes qu'il souhaiterait voir réaliser dans ce supplément d'information ; que la peine prononcée est adaptée à la gravité de la situation et à la personnalité du prévenu, elle sera également confirmée ;
" 1°) alors que, la personne qui n'a pas causé directement le dommage ne peut être déclarée responsable pénalement que si elle a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, commettant ainsi une faute caractérisée ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations des juges d'appel et des experts que Mme Y... était décédée des suites d'une hémorragie diffuse ayant débuté durant la nuit suivant l'opération chirurgicale ; qu'il est constant qu'au cours de la nuit du 4 au 5 juillet 2001, Mme Y... a subi une chute brutale de tension et une perte de sang au niveau de la cicatrice consécutive à l'intervention chirurgicale ; que l'infirmière de nuit et le médecin de garde n'ont pas jugé utile de prévenir le docteur X... et le docteur Z..., qui avaient assuré l'opération, ceux-ci n'étant finalement prévenus de l'état dégradé de leur patiente que le 5 juillet à 7H30 ; que, compte tenu du caractère diffus de l'hémorragie subie par Mme Y... qui ne pouvait être arrêtée que par une intervention dès la nuit du 4 au 5 juillet 2001, la Cour d'appel ne pouvait estimer que le docteur X... avait commis une faute caractérisée, tout en constatant pourtant qu'il avait été prévenu tardivement, sans violer les textes susvisés ;
" 2°) alors que, il résultait des débats et des pièces versées au dossier que le docteur X... et le docteur Z..., indisponibles en raison des opérations qu'ils devaient pratiquer dans un autre établissement, avaient délégué leur pouvoir de surveillance au docteur D... ; qu'il appartenait à ce dernier, au vu de l'état obéré de Mme Y..., de prendre les décisions qui s'imposaient, ou à tout le moins, de la faire examiner par le docteur H..., chirurgien, qui se trouvait au sein de l'établissement et qui n'avait aucune opération prévue au planning du 5 juillet 2001 ; qu'en ne prenant pas l'initiative de faire venir auprès de lui un chirurgien, qui pouvait décider, s'il y avait lieu, d'une reprise chirurgicale en urgence, le docteur D... a directement causé le décès de Mme Y... ; que dans ces conditions, les juges d'appel ne pouvaient reprocher une faute caractérisée au docteur X... sans violer les textes susvisés ;
" 3°) alors enfin que le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'une relation certaine de causalité entre le fait reproché et le décès ; que le délit n'est pas constitué lorsque le fait reproché au médecin a fait perdre au patient une chance de survie, sans le priver de toute chance de survie ; qu'en décidant que le fait, pour le docteur X..., d'avoir tardé à se rendre au chevet de Mme Y... et retardé ainsi la reprise chirurgicale constituait la cause du décès de la patiente, sans constater que ces manquements auraient privé celle-ci de toute chance de survie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que le prévenu a omis, pendant une période de près de huit heures de rendre visite à la patiente et de procéder à l'examen clinique qu'imposaient les résultats des analyses, l'arrêt retient que les experts ont attribué le décès de Mme Y... à l'absence de réintervention en urgence qu'ils présentent comme une carence imputable au chirurgien ; que la cour d'appel en déduit que par sa négligence fautive, en n'examinant pas lui-même la malade ou en ne déléguant pas cette mission à un chirurgien présent sur place, pour traiter la complication post opératoire dont il avait connaissance, le docteur X... a directement contribué au décès de Mme Y... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que le prévenu n'a pas accompli les diligences normales, compte tenu de la nature de ses fonctions ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, et d'où il résulte que la faute commise par lui a directement causé le dommage, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant relatif à la faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal, justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Arnould conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Le Corroller conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88269
Date de la décision : 11/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 sep. 2012, pourvoi n°11-88269


Composition du Tribunal
Président : M. Arnould (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.88269
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