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11/09/2012 | FRANCE | N°11-22999

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 septembre 2012, 11-22999


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 juin 2011) et les productions, que M. X... a ouvert, auprès de la société Fortunéo, un compte titres ordinaire et conclu avec cette société une convention lui permettant de passer par son intermédiaire des ordres au service à règlement différé (OSRD) ; que la couverture étant devenue insuffisante, la société Fortunéo, après avoir vendu l'ensemble des titres de M. X..., a demandé que celui-ci soit condamné à lui payer le montant du solde débiteur de son

compte ; que M. X..., invoquant des manquements de la société Fortunéo à ses...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 juin 2011) et les productions, que M. X... a ouvert, auprès de la société Fortunéo, un compte titres ordinaire et conclu avec cette société une convention lui permettant de passer par son intermédiaire des ordres au service à règlement différé (OSRD) ; que la couverture étant devenue insuffisante, la société Fortunéo, après avoir vendu l'ensemble des titres de M. X..., a demandé que celui-ci soit condamné à lui payer le montant du solde débiteur de son compte ; que M. X..., invoquant des manquements de la société Fortunéo à ses obligations contractuelles, a sollicité reconventionnellement la condamnation de cette dernière à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Fortunéo fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a imputé à faute à la société Fortunéo d'avoir passé un OSRD de plus de 110 000 euros quand son « compte n'était créditeur au 14 décembre 2007 que de 7 037,44 euros » ; qu'en statuant de la sorte sans prendre en considération, non seulement le compte espèces, créditeur de 7 037,44 euros, mais également le compte titres, qui entre également dans l'appréciation du taux de couverture pour un tel ordre en application de l'article 5 des conditions générales du contrat et du règlement de l'AMF, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel, qui, tout en constatant que le dommage financier subi par M. X... résultait de la propre carence de celui-ci dans le suivi quotidien de son compte et du taux de couverture des opérations qu'il a ordonnées, a fait peser sur la société Fortunéo la charge de l'intégralité de la réparation de ce dommage, sans tenir aucun compte de la faute constatée du donneur d'ordre, qui s'était lui-même qualifié d'investisseur confirmé, et qui, informé tant à l'origine des risques encourus dans les opérations au service des règlements différés qu'ultérieurement à plusieurs reprises de l'insuffisance de couverture, avait expressément transmis, le 30 décembre 2007, son ordre de passer des OSRD, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations caractérisant une faute du donneur d'ordres ayant à tout le moins concouru à la réalisation du dommage, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel, ni de l'arrêt, que la société Fortunéo avait soutenu que le solde créditeur de 7 037,44 euros ne concernait qu'un compte espèces, et non le compte titres ; que le moyen, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que, s'il incombait contractuellement à M. X... de surveiller quotidiennement l'évolution de sa couverture sur le site et de la régulariser à la réception des messages télématiques de la société Fortunéo dont il avait connaissance, il incombait au prestataire de services d'investissement de refuser de passer des OSRD lorsque le compte était débiteur ; qu'il retient que le refus de l'ordre s'imposait contractuellement à la société Fortunéo au 3 janvier 2008 puisque le compte de M. X... n'était créditeur au 14 décembre 2007 que de 7 037,44 euros alors que l'OSRD passé début janvier 2008 s'élevait à plus de 110 000 euros ; qu'il ajoute que si ce prestataire avait refusé d'exécuter l'OSRD au 3 janvier 2008, M. X... ne serait débiteur d'aucune somme ; qu'ayant ainsi fait ressortir que sans la faute commise par la société Fortunéo, M. X... n'aurait pas subi le préjudice dont il demande la réparation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Fortunéo fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les pertes subies par le client d'un prestataire de services d'investissement ont nécessairement pour cause les aléas propres à la spéculation boursière ; que, d'autre part, dans le litige actuel, il n'était ni certain ni établi que si la société Fortunéo avait refusé de transmettre les ordres donnés le 30 décembre 2007 faute de couverture préalable intégrale, M. X... n'aurait pas fourni les fonds nécessaires, dès lors qu'il a persisté en son ordre en dépit des appels réitérés à complément de couverture ; qu'il en résulte que la réparation des pertes subies ne pouvait correspondre qu'à une perte de chance de renoncer à l'ordre transmis, si bien qu'en condamnant la société Fortunéo à couvrir l'intégralité du préjudice subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Fortunéo avait passé un ordre alors que les stipulations contractuelles le lui interdisaient, et retenu que si cet ordre n'avait pas été exécuté, M. X... n'aurait été débiteur d'aucune somme, la cour d'appel en a exactement déduit que la défaillance contractuelle de la société Fortunéo avait causé à M. X... un préjudice financier d'un montant équivalent au solde de son compte débiteur résultant des OSRD qu'il avait donnés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Fortunéo fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, comme l'a constaté la cour d'appel dans ses motifs, M. X..., dans ses dernières écritures du 15 février 2011, qui confirmaient à cet égard ses précédentes écritures du 15 novembre 2010, avait demandé le versement de la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010, si bien qu'en condamnant la société Fortunéo à payer à M. X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008, les juges d'appel ont dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, dès lors que la société Fortunéo reproche à la cour d'appel d'avoir statué au-delà de ce qui était demandé, il lui appartenait de présenter une requête devant cette juridiction selon la procédure prévue par les articles 463 et 464 du code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fortunéo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Fortunéo.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société FORTUNEO à payer à Monsieur X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008 ;
AUX MOTIFS QUE la Cour relève que si effectivement il incombait contractuellement à Monsieur X... de surveiller quotidiennement l'évolution de sa couverture sur le site, de la régulariser à la réception des messages télématiques reçus de la Société FORTUNEO dont il avait pris connaissance, il incombait également à la banque de refuser de passer des OSRD lorsque le compte était débiteur ; qu'en effet, l'article 5 des conditions générales prévoit que : « sur marché SRD (…), en cas d'insuffisance de couverture, le prestataire rejette l'ordre et le client en est informé » ; que si contrairement à ce que soutenait Monsieur X... dans son courrier du 23 janvier 2008, la Société FORTUNEO n'avait pas l'obligation de vente des instruments financiers achetés et non payés aux frais et risques du client dès le 6 décembre 2008, la stipulation des conditions générales prévoyant non une obligation imposée au prestataire mais une simple faculté, en revanche, le refus de l'ordre s'imposait contractuellement à la Société --------- FORTUNEO au 3 janvier 2008 puisque le compte n'était créditeur au 14 décembre 2007 que de 7 037,44 euros alors que l'ORDS passé début janvier s'élevait à plus de 110 000 euros (cf. relevé de comptes produit) ; que dès lors, Monsieur X... doit être condamné à payer à la Société FORTUNEO la somme de 63 694,71 euros représentant le solde du compte débiteur arrêté au 4 juin 2008 résultant des OSRD qu'il a donnés, diminué du produit de la vente des titres réalisée le 22 janvier 2008 par l'intimée ; que la Cour considère que la défaillance contractuelle de la Société FORTUNEO a causé un préjudice financier à Monsieur X... d'un montant équivalent à la somme précitée car si cette prestataire avait refusé d'exécuter l'OSRD le 3 janvier 2008, Monsieur X... ne serait débiteur d'aucune somme ; qu'en revanche, aucun préjudice moral n'est justifié, la situation financière dont il pâtit, comme l'ont relevé justement les premiers juges, résultant de sa propre carence dans le suivi quotidien de son compte et du taux de couverture des opérations qu'il a ordonnées ;
1/ ALORS QUE La Cour d'appel a imputé à faute à la Société FORTUNEO, d'avoir passé un OSRD de plus de 110 000 euros quand son « compte n'était créditeur au 14 décembre 2007 que de 7 037,44 euros » ; qu'en statuant de la sorte sans prendre en considération, non seulement le compte espèces, créditeur de 7 037,44 euros, mais également le compte titres, qui entre également dans l'appréciation du taux de couverture pour un tel ordre en application de l'article 5 des conditions générales du contrat et du règlement de l'AMF, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2/ ALORS QUE la Cour d'appel qui, tout en constatant que le dommage financier subi par Monsieur X... résultait de la propre carence de celui-ci dans le suivi quotidien de son compte et du taux de couverture des opérations qu'il a ordonnées, a fait peser sur la Société FORTUNEO la charge de l'intégralité de la réparation de ce dommage, sans tenir aucun compte de la faute constatée du donneur d'ordre, qui s'était lui-même qualifié d'investisseur confirmé, et qui, informé tant à l'origine des risques encourus dans les opérations au Service des Règlements Différés qu'ultérieurement à plusieurs reprises de l'insuffisance de couverture, avait expressément transmis le 30 décembre 2007 son ordre de passer des OSDR, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations caractérisant une faute du donneur d'ordres ayant à tout le moins concouru à la réalisation du dommage, violant ainsi l'article 1147 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société FORTUNEO à payer à Monsieur X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008 ;
AUX MOTIFS QUE dès lors, Monsieur X... doit être condamné à payer à la Société FORTUNEO la somme de 63 694,71 euros représentant le solde du compte débiteur arrêté au 4 juin 2008 résultant des OSRD qu'il a donnés, diminué du produit de la vente des titres réalisée le 22 janvier 2008 par l'intimée ; que la Cour considère que la défaillance contractuelle de la Société FORTUNEO a causé un préjudice financier à Monsieur X... d'un montant équivalent à la somme précitée car si cette prestataire avait refusé d'exécuter l'OSRD le 3 janvier 2008, Monsieur X... ne serait débiteur d'aucune somme ; qu'en revanche, aucun préjudice moral n'est justifié, la situation financière dont il pâtit, comme l'ont relevé justement les premiers juges, résultant de sa propre carence dans le suivi quotidien de son compte et du taux de couverture des opérations qu'il a ordonnées ;
ALORS QUE les pertes subies par le client d'un prestataire de services d'investissement ont nécessairement pour cause les aléas propres à la spéculation boursière ; que d'autre part, dans le litige actuel, il n'était ni certain ni établi que si la Société FORTUNEO avait refusé de transmettre les ordres donnés le 30 décembre 2007 faute de couverture préalable intégrale, Monsieur X... n'aurait pas fourni les fonds nécessaires, dès lors qu'il a persisté en son ordre en dépit des appels réitérés à complément de couverture ; qu'il en résulte que la réparation des pertes subies ne pouvait correspondre qu'à une perte de chance de renoncer à l'ordre transmis, si bien qu'en condamnant la Société FORTUNEO à couvrir l'intégralité du préjudice subi par Monsieur X..., la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(plus subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société FORTUNEO à payer à Monsieur X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008 ;
ALORS QUE, comme l'a constaté la Cour d'appel dans ses motifs (arrêt, p. 3, § 1), Monsieur X..., dans ses dernières écritures du 15 février 2011, qui confirmaient à cet égard ses précédentes écritures du 15 novembre 2010, avait demandé le versement de la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010, si bien qu'en condamnant la Société FORTUNEO à payer à Monsieur X... la somme de 63 694,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2008, les juges d'appel ont dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-22999
Date de la décision : 11/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 16 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 sep. 2012, pourvoi n°11-22999


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22999
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