La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2012 | FRANCE | N°11-80078

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 septembre 2012, 11-80078


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CHAMBÉRY, en date du 24 novembre 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personnes non dénommées du chef de violences aggravées, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassa

tion, pris de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'ho...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CHAMBÉRY, en date du 24 novembre 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personnes non dénommées du chef de violences aggravées, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 224-13 et 224-14 du code pénal, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il n'y avait pas lieu à suivre sur la plainte avec constitution de parties civiles que l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne avait déposée du chef de violences sur personnes vulnérables ;

" aux motifs que Mmes X..., Y...et Z...ont toujours contesté l'existence de violences physiques ou psychologiques habituelles pratiquées à l'encontre de résidents ; qu'il résulte de l'instruction que les faits qui leur sont reprochés s'inscrivent dans un contexte de très mauvaises conditions de travail (manque de personnel notamment, lors des gardes du week-end générant des comportements pouvant apparaître comme anormaux par accumulation de stress et de fatigue, manque de moyens financiers), exacerbées par des antagonismes et des querelles personnelles (existence de deux clans aux positions opposées) auxquels ont été mêlés les parents et représentants légaux des résidents (prise à partie pour telle ou telle personne) mais également dans un contexte de violence institutionnelle et de problème de gestion de résidents parfois difficiles sans soutien hiérarchique ni extérieur ; que, même si le rapport du CHSCT du 25 octobre 2006 n'offre pas de garanties suffisantes d'objectivité, s'agissant du résultat d'une enquête interne effectuée à la demande de la direction et confiée à deux de ses salariés, il fait état, à côté du fonctionnement " théorique " des structures d'accueil et d'une situation " idéalisée " qui sont présentés, d'une réalité bien différente ; que, si il dénonce le manque de personnel en donnant pour exemple une information de trois nuits par mois à une nommée Kemplair qui va en effectuer dix-sept ou encore un éducateur seul pour neuf adultes polyhandicapés en foyer de vie ou un éducateur seul pour dix-neuf adultes handicapés en foyer d'hébergement, pas d'accueil, aucun lien dans la prise en charge de l'adulte entre les secteurs travail et hébergement, pas de présentation d'une nouvelle éducatrice, qui ne sait pas à qui donner le cahier de consignes ou les médicaments, le professionnel ne sait pas à qui s'adresser en cas de difficultés, rancoeurs liés à des événements passés, conflit entre les professionnels, sentiment de ne pas être reconnus, grande souffrance ressentie avec " abcès " qu'il aurait fallu percer il y a dix ou quinze ans, outre encore un défaut d'encadrement avec beaucoup d'heures supplémentaires et de nuit et de week-end, absence de psychologue depuis six mois et de psychiatre depuis plusieurs années, absence de communication et lorsqu'il est question de défaut de soins c'est pour dénoncer le manque de médicaments et d'ordonnance constaté tous les jours ainsi que le déficit de personnes entraînant une absence de soins pour certains résidents ; que, si sont aussi dénoncés dans ce rapport les oppositions et conflits entre les deux cadres du foyer, des inégalités, du favoritisme, de l'autoritarisme, du manque de respect, l'imputabilité de ces dysfonctionnements est difficile à cerner même si Mmes X...et Y...sont présentées comme ayant " pris le pouvoir " avec le soutien de M. A..., leur directeur, et seraient à l'origine de " maltraîtance ", s'agissant des faits particuliers ayant motivé la plainte déposée contre elles mais dont rien n'est indiqué quant aux circonstances dans lesquelles ils se sont produits, le rapport indiquant en outre que les actes dénoncés ne pouvaient pas ne pas être connus de la direction des foyers ; que si ce rapport du CHSCT, suivi du licenciement immédiat de Mmes X...et Y..., a entraîné des interrogations légitimes de certains parents de résidents qui ont approuvé ces mesures, d'autres parents ont demandé la réintégration immédiate des deux salariées licenciées d'après eux, abusivement, étant encore observé qu'au cours et à l'issue de l'instruction, aucun parent ne s'est joint aux poursuites pénales engagées par l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne à l'encontre des témoins assistés ; que, le rapport d'inspection diligenté cette fois par la DDASS et les services du conseil général, transmis le 30 mars 2007, dont les conclusions sont reprises dans l'exposé des faits, fait les mêmes constats, concernant l'écart important entre les objectifs affichés dans le projet d'établissement et la réalité de la prise en charge, les dysfonctionnements relatifs aux conditions de travail, la désorganisation qui reste présente malgré certaines améliorations, la prise en charge médicale aléatoire avec la difficulté pour l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne de recruter un psychiatre compte tenu du faible nombre d'heures allouées, (0, 08 équivalent temps plein) le manque de médecins dans la région et la présence d'un psychologue salarié à raison de 0, 26 ETP venant de Tarentaise ; que si ce rapport officiel fait aussi état de situations de violence et de maltraîtance, il conclut à l'existence d'une " maltraîtance institutionnelle ", sans en rendre responsable une des personnes nommément désignées, en observant que si des rappels à l'ordre ont été initiés depuis l'arrivée de M. B..., c'est à l'attention de M. A..., le directeur, et que, concernant les deux agents licenciées, elles disposent d'un dossier disciplinaire quasi vierge et d'évaluations élogieuses, d'autres personnes ayant été signalées comme ayant fait l'objet de sanctions disciplinaires ; que l'enquête préliminaire puis l'instruction ont confirmé, au vu des multiples témoignages recueillis et détaillés dans l'exposé des faits, ce contexte de maltraîtance institutionnelle, sans toutefois permettre d'imputer suffisamment aux trois témoins assistés les faits dénoncés comme pouvant constituer l'infraction prévue par l'article 222-14 du code pénal impliquant que des violences soient exercées de manière habituelle ; que si les mises en cause ont admis quelques faits qui pourraient, par leur nature, être qualifiés de violence, ils ont été commis dans des circonstances très particulières (enfermement de M. C...et de Mme D...par Mmes Y...et X...à l'occasion de crises de violence de ces résidents, une gifle administrée par Mme Z...à M. E...alors que celui-ci venait de lui donner un coup de couteau), et ce dans le cadre de directives données par l'ancien directeur interdisant notamment le recours aux secours et alors qu'elles n'avaient pas d'autre moyen de faire face à ces quelques situations de crise devenues ponctuellement ingérables avec les moyens dont elles disposaient ; que ces situations qui au regard de la longue période de temps considérée sont restées exceptionnelles ont été immédiatement connues, inscrites sur le cahier de liaison, évoquées en réunion, sans que leur gestion ait été qualifiée en leur temps de faute professionnelle, l'unique gifle reprochée à Mme Z..., toujours salariée de l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne, ne pouvant caractériser des violences habituelles (...) pour seule remédier à la situation alors qu'elle était en charge de neuf personnes dont quatre en fauteuil, son attitude étant une réponse exceptionnelle à un comportement d'un résidants trisomique à tendances autistes ayant déféqué à la vue de tous et qu'il convenait de soustraire à la vue des personnes présentes, sans que la preuve contraire de cette présentations des faits ne soit en tout cas rapportée ; que les deux actes d'enfermement pouvant paraître anormaux et reprochés à Mmes X...et Y..., tout aussi exceptionnels s'ils sont situés dans le temps les 26 juin 2005 et 22 janvier 2006, ne peuvent pas plus être isolé de leur contexte très particulier, ces incidents ayant été consignés et commentés à leur époque respective ; que sur les actes de privation de nourriture, à deux reprises, au titre de ce qui caractériserait l'infraction d'après la partie civile, les déclarations faites par les uns et les autres sont changeantes et contradictoires, alors que les mises en cause ont détaillé les circonstances dans lesquelles elles étaient intervenues sans que la preuve contraire ne soit véritablement rapportée ; que les témoins assistées contestent ainsi toute privation non justifiée qui auraient au surplus été habituelles ; que les trois témoins assistées contestent aussi les faits qualifiés en termes généraux d'humiliation, manque de soins, négligences, mises à l'écart, délaissements, moqueries, sur lesquelles de nombreuses déclarations contradictoires ont été apportées alors que sont produits au débat des témoignages qui leur sont favorables et les décrivant comme des professionnelles compétentes ; que sur les " tontes " de résidents dénoncées, non seulement elles sont contestées présentées de cette manière, mais encore certains des témoignages invoqués font plus état de " coupe de cheveux ", un autre, celui de M. F..., ne précisant ni qui ni quand ni s'il y a personnellement assisté ou si on les lui a rapportées comme nombre des événements qu'il relate ; que surtout M. G..., s'il confirme qu'il y avait une pratique consistant à couper les cheveux de certains résidents c'était, a-t-il dit, avec leur consentement, chose qu'il avait vérifié lui-même et qu'à sa connaissance aucun patient n'avait été victime de " tonte " faisant plutôt état de coloration, apparaissant d'ailleurs parfois sur le cahier de liaison ; que le fait que certaines salariées avaient pris l'habitude de couper elle-même les cheveux des résidents alors que cela était interdit comme le dit Mme H..., la directrice actuelle de l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne, ne peut constituer une charge suffisante de violences habituelles alors au surplus que cette pratique était manifestement connue de tous ; que si les déclarations et attestations produites au débat par la partie civile, il résulte que les témoins assistées auraient commis des gestes, actes, ou paroles pouvant être qualifiés de traitement dégradant ne pouvant dès lors être assimilés à des mesures éducatives, outre qu'ils ne peuvent à eux seuls caractériser le délit de violences habituelles, au sens de l'article 222-14 du code pénal, elles sont contredites par d'autres témoignages et attestations produites par les mises en cause et aussi par certaines mentions figurant sur les cahiers de liaison attestant des fréquentes et récurrentes difficultés rencontrées par les membres du personnel éducatif ; que ce n'est donc pas sur des excuses atténuantes de culpabilité que le non-lieu a été motivé par le juge d'instruction mais bien sur l'absence de charges suffisantes de la commission du délit de violences, du caractère habituel de celles-ci, eu égard au contenu des rapports administratifs évoqués, des documents internes produits comme les cahiers de liaison, mais aussi des résultats de l'enquête et de l'instruction au cours de laquelle ont été recueillis de multiples témoignages changeants, évolutifs et contradictoires ;

1°) " alors que nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'il s'ensuit que constitue un acte de violence habituelle sur personne vulnérable la séquestration prolongée et réitérée d'une personne handicapée dans une salle de bains par le personnel éducatif d'un établissement spécialisé sans qu'il puisse s'exonérer de la responsabilité qu'il encourt par la démonstration du comportement violent de la victime, des instructions de la hiérarchie ou des mauvaises conditions de travail ; qu'il est constant que Mmes Y...et X...avaient reconnu avoir procédé au moins à deux reprises à des actes d'enfermement de résidents à l'encontre de M. C...et de Mme D...qui était sourde et muette ; qu'en retenant, pour les exonérer de toute responsabilité pénale, que les actes de séquestration avaient été commis dans des circonstances particulières à l'occasion de crises de violence de ces deux résidents, dans le cadre des directives données par l'ancien directeur de l'établissement qui interdisait le recours aux secours, en l'absence de tout autre moyen pour mettre fin à cette situation de crise ainsi que dans un contexte de très mauvaises conditions de travail auxquels les parents des résidents avaient été mêlés, de violence institutionnelle et de problèmes de gestion de résidents parfois difficiles sans soutien hiérarchique ni extérieur, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;

2°) " alors que l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne a rappelé, à cet égard, que Mme Z...avait reconnu avoir donné une gifle à M. E...mais aussi avoir traîné L... par les pieds et les bras au point où sa tête aurait heurté le sol, ainsi que Mme I...en avait témoigné ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les violences physiques reprochées à Mme Z..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'association des parents d'enfants déficients inadaptés de la Maurienne qui gère un établissement accueillant des personnes handicapées à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), a porté plainte en se constituant partie civile contre personne non dénommée, des chefs de violences habituelles sur personnes vulnérables ; qu'après avoir entendu trois employées et le directeur lesquels avaient été licenciés et leur avoir conféré la qualité de témoins assistés, le juge d'instruction a, par ordonnance du 27 juin 2010, dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs susvisés ;

Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt examinant l'ensemble des faits visés par la prévention, énonce que le non-lieu a été motivé par le juge d'instruction, non sur des excuses atténuantes de culpabilité, mais bien sur l'absence de charges suffisantes de la commission du délit de violences et du caractère habituel de celles-ci eu égard au contenu des rapports administratifs évoqués, des documents internes produits, mais aussi des résultats de l'enquête et de l'instruction au cours de laquelle ont été recueillis de multiples témoignages changeants, évolutifs et contradictoires ;

Qu'en l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros, la somme globale que l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne devra payer à Mmes Gislaine Y...et Danielle X..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DÉCLARE IRRECEVABLE, la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par l'Association des parents d'enfants inadaptés de Maurienne ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-80078
Date de la décision : 04/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, 24 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 sep. 2012, pourvoi n°11-80078


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.80078
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award