LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Crédit foncier de France de ce qu'il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre M. et Mme X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que prétendant que le taux effectif global figurant dans l'acte constatant le prêt que le Crédit foncier de France (la banque) leur a consenti selon offre en date du 29 avril 2005 pour financer l'acquisition d'un bien immobilier était erroné, M. et Mme Y... ont assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels ;
Attendu que pour accueillir cette demande et prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque, l'arrêt retient qu'une obligation d'assurance contre l'incendie a été imposée par la banque aux emprunteurs de sorte que pour la détermination du taux effectif global il y a lieu de prendre en compte les primes d'assurances contre l'incendie et qu'il suffit que l'assurance ait été exigée par le prêteur sans qu'il soit nécessaire que l'obligation d'assurance incendie ait été érigée en condition suspensive de l'octroi du prêt ;
Qu'en statuant ainsi quand les frais relatifs à l'assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du taux effectif global que lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée par le prêteur comme une condition d'octroi du prêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit du Crédit foncier de France de percevoir les intérêts conventionnels au taux nominal dépassant le taux de l'intérêt légal pendant toute la durée du prêt consenti aux époux Y..., l'arrêt rendu le 22 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la déchéance du droit du Crédit Foncier de France à percevoir les intérêts conventionnels dépassant le taux de l'intérêt légal pendant toute la durée du prêt consenti aux époux Y... ;
AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article L.313-1 du code de la consommation, l'ensemble des frais rendus obligatoires et qui ont un lien direct avec le prêt souscrit tels que les frais relatifs à l'assurance incendie lorsqu'elle est exigée par le prêteur comme condition d'octroi du prêt, doivent être pris en compte pour la détermination du taux effectif global ; que le Crédit Foncier de France a consenti aux époux Y... un prêt destiné à financer l'acquisition d'un logement ; que le paragraphe « ASSURANCES DE BIENS » du prêt est libellé comme suit : « Pour les risques incendie et autres : Pour assurer la conservation des immeubles objets des présentes… et si l'immeuble n'est pas déjà assuré dans les conditions exposées ci-après, l'emprunteur et s'il y a lieu les cautions hypothécaires devront dans le plus bref délai possible, contracter une assurance garantissant les risques incendie et les risques personnels leur incombant, le tout auprès d'une Compagnie notoirement solvable. Ils devront maintenir ou renouveler cette assurance pendant tout le cours du prêt et ce, pour une somme représentant la valeur de reconstruction à neuf. Ils devront payer exactement et à leurs échéances, les primes et cotisations leur incombant jusqu'à complet remboursement du prêt et justifier du tout à première demande du prêteur. Faute d'exécution de ces divers engagements, le prêteur pourra, soit assurer lui-même lesdits biens aux frais de l'emprunteur, soit exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues » ; qu'il en résulte qu'une obligation d'assurance contre l'incendie a bien été imposée par le Crédit Foncier de France aux époux Y..., de sorte que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, il y avait lieu pour la banque de prendre en compte les primes d'assurances contre l'incendie après s'être informée du coût de celles-ci auprès du souscripteur ; que contrairement à ce que soutient le Crédit Foncier de France, il suffit que l'assurance ait été exigée par le prêteur sans qu'il soit nécessaire que l'obligation d'assurance incendie ait été érigée en condition suspensive de l'octroi du prêt ; qu'il est constant que le taux effectif global du prêt a été établi sans prendre en compte le coût de l'assurance incendie obligatoire dont l'incidence sur le TEG n'aurait pu être inférieure à 0,01 % du prêt ; que ce taux n'est donc pas conforme aux exigences de l'article L.313-1 du code de la consommation quand bien même l'incidence sur le TEG de la non prise en compte de l'assurance-incendie serait minime, comme le soutient dans ses écritures la banque qui ne s'est toutefois pas renseignée sur le coût effectif des primes d'assurance en cause garantissant le coût de la reconstruction du bâtiment à neuf ; qu'il suffit d'une erreur portant sur la seconde décimale du TEG pour que ce taux soit erroné au regard des prescriptions de l'annexe à l'article R.313-1 du code de la consommation, dès lors que le Crédit Foncier de France a fait le choix d'exprimer le taux effectif global avec cette exactitude de deux décimales et s'est engagé sur la pertinence du taux ainsi calculé permettant à l'emprunteur toute comparaison utile avec d'autres offres de prêt ; qu'aux termes de l'article L.312-3 du code de la consommation invoqué par les époux Y..., la sanction du caractère erroné du taux effectif global d'un prêt immobilier consiste en la déchéance du droit de la banque aux intérêts en intégralité ou dans une proportion fixée par le juge ; qu'il convient de prononcer la déchéance du droit du Crédit Foncier de France de percevoir les intérêts conventionnels du capital prêté dépassant le taux de l'intérêt légal pendant toute la durée du prêt et de condamner la banque à rembourser le trop perçu, à l'exclusion des frais et accessoires liés au prêt » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour la détermination du taux effectif global, doivent être intégrés l'ensemble des frais dont l'exposition conditionne la conclusion du crédit ; que tel n'est pas le cas de l'assurance garantissant le risque incendie de l'immeuble dont le prêt permet de financer l'acquisition dès lors qu'aucune obligation n'est faite à l'emprunteur de souscrire cette assurance avant l'octroi du crédit ; qu'en l'espèce, les conditions particulières ne faisaient aucune référence à une obligation d'assurance qui aurait conditionné l'octroi des crédits ; que seule les conditions générales y faisaient référence en exigeant de l'emprunteur, ainsi que le constate la cour d'appel, qu'il contracte une assurance incendie « dans le plus bref délai possible », et qu'il « maintienne celle-ci pendant tout le cours du prêt », faute de quoi « le prêteur pourra, soit assurer lui-même lesdits biens aux frais de l'emprunteur, soit exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues » ; qu'ainsi, une simple faculté était ouverte au prêteur de dénoncer les crédits s'il estimait que le défaut d'assurance, ou l'insuffisance des garanties souscrites, l'exposait à un risque dont il lui appartenait d'apprécier la probabilité et la mesure, ledit prêteur pouvant également décider, en cas de carence de l'emprunteur, de se substituer à celui-ci dans le choix d'une compagnie et/ou d'une police adaptée à la nature du risque à couvrir ; que ce mécanisme d'assurance obligatoire, sous contrôle du prêteur, avait vocation à s'appliquer au cours de l'exécution du prêt, sans pour autant que la souscription de l'assurance en soit la condition de l'octroi ; qu'en conséquence, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en décidant que le montant de la prime d'assurance incendie devait être intégré dans le TEG, bien qu'une telle assurance n'ait pas conditionné l'octroi du crédit ; que ce faisant, la cour a violé l'article L.313-1 du Code de la Consommation ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE sans être contredit, le Crédit Foncier de France exposait que « la plupart des propriétaires souscrivent des polices de type « multirisques habitation » dans lesquelles la garantie incendie est incluse sans que son montant ne soit systématiquement distingué de celui des autres garanties » de sorte qu'il est rigoureusement impossible de chiffrer le montant de cette assurance ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.