LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1234 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu' un arrêt d'une cour d'appel statuant en matière de référé, en date du 18 novembre 1997, a condamné, à titre provisionnel, la société UAP , aux droits de laquelle se trouve la société Axa France IARD (la société Axa), en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à payer à la société civile immobilière Manas (la société Manas) la somme provisionnelle de 4 248 675 francs (647 714,56 euros) à valoir sur l'indemnité d'assurance correspondant aux dépenses de réparation intégrale des désordres affectant l'ouvrage construit par la société ; que la société Manas ayant poursuivi le recouvrement forcé de sa créance, la société Axa s'en est acquittée le 15 avril 1998 ; qu'un jugement d'un tribunal de grande instance du 18 novembre 2003 a condamné la société Axa, en sa double qualité d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur de responsabilité décennale de l'entrepreneur, in solidum avec ce dernier, à payer à la société Manas, en deniers ou quittances, la somme de 647 714,56 euros avec intérêts au taux légal depuis le 18 décembre 1997 jusqu'au jour du paiement et rejeté la demande de capitalisation des intérêts ; qu'un arrêt irrévocable d'une cour d'appel du 30 novembre 2007, infirmant partiellement ce jugement , a déclaré prescrite l'action formée par la société Manas contre la société Axa en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, dit qu'en conséquence, la société Manas devra rembourser à la société Axa toutes les sommes qu'elle a perçues de cette dernière en qualité d'assureur dommages-ouvrage, avec intérêts au taux légal et capitalisation, à compter de la date de versement, et a confirmé le jugement pour le surplus des condamnations prononcées contre la société Axa en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale; que la société Manas a saisi un juge de l'exécution pour contester le commandement aux fins de saisie-vente que lui a fait délivrer la société Axa en vue de recouvrer le remboursement de l'indemnité versée au titre de l'assurance dommages-ouvrages; que, demandant la compensation des créances , elle a contesté le décompte des intérêts établi par la société Axa ;
Attendu que pour valider le commandement aux fins de saisie-vente pour un montant de 25 865,68 euros, l'arrêt retient que le versement effectif de la somme en principal de 647 174,56 euros due par la société Axa au seul titre de l'assurance responsabilité décennale devait être reporté au jour où le remboursement par la société Manas de la même somme due au titre de la garantie dommages-ouvrage avait été ordonné de sorte que les intérêts légaux devaient être calculés du 18 décembre 1997 au 30 avril 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société Axa s'était acquittée de sa dette, le 15 avril 1998, par un seul paiement, intervenu au double titre de l'assurance dommages-ouvrage et de l'assurance de responsabilité décennale , ce dont il résultait que les intérêts avaient cessé de courir depuis le jour du paiement qui avait éteint l'obligation de la société Axa, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Manas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Manas, la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Boval, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du douze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, et statuant à nouveau, dit que la créance de la SCI MANAS se monte à 840.401,24 euros et qu'après compensation avec celle de la société AXA d'un montant de 866.266,92 euros, la SCI MANAS est redevable à l'égard de la société AXA de la somme de 25.865,58 euros, d'avoir validé le commandement aux fins de saisie-vente pratiquée le 9 juillet 2008 à la requête de la société AXA pour la somme de 25.865,68 euros, condamné la SCI MANAS au paiement de cette somme et condamné la société AXA à restituer à la SCI MANAS la somme de 208.642,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel la SCI MANAS fait valoir que la compagnie AXA dans ses dernières écritures a fait un décompte erroné des sommes dues suite à l'exécution de l'arrêt du 30 avril 2007 dans la mesure où elle y a intégré les frais de procédure et l'article 700 alors que la base de restitution fixée par la décision de la cour est la somme versée en principal par AXA au titre de la garantie dommages ouvrage. Par ailleurs, elle conteste le point de départ et d'arrêt retenu pour le calcul des intérêts légaux capitalisés venant augmenter les sommes respectivement dues par les parties en principal. Ainsi si elle admet que la créance d'AXA à son égard soit augmentée des intérêts légaux capitalisés du 15 avril 1998 au 30 avril 2007, elle demande que soit appliqué le même principe de calcul pour la créance d'AXA à son égard au titre de la responsabilité décennale, excepté la capitalisation des intérêts non prévue par le jugement. Elle le justifie en indiquant que si elle restitue à AXA le 30 avril 2007 les sommes perçues le 15 avril 1998 au titre de la garantie dommages ouvrages avec les intérêts sur toute la période considérée, celle-ci n'a donc pas payé les sommes dues au titre de la garantie décennale qu'elle doit à compter de la décision du 18 décembre 1997 et dont le paiement ne s'effectue donc qu'au prononcé de l'arrêt du 30 avril 2007 par compensation. C'est pourquoi elle réclame les intérêts légaux du 18 décembre 1997 au 30 avril 2007.La compagnie AXA réplique qu'elle n'a fait aucune erreur dans son décompte puisque l'arrêt de la Cour a clairement condamné la SCI MANAS à lui restituer toutes les sommes perçues au titre de la garantie dommages ouvrages. Elle rappelle qu'elle a versé le 15 avril 1998 la somme de 677.675,25 euros, elle admet que la base de calcul des intérêts est constituée de la somme de 658.783 euros que cette somme lui est due avec intérêts légaux capitalisés à compter du 15 avril 1998 comme cela résulte des termes précis de l'arrêt du 30 avril 2007. Concernant la créance de la SCI MANAS à son encontre au titre de la garantie décennale de la société CHANTIERS MODERNES, elle rappelle que les sommes ont été versées le 15 avril 1998, que par voie de conséquence les intérêts légaux sur la somme due en principal de 647.714,56 euros courent de la date de l'arrêt du 18 décembre 1997 jusqu'au jour du paiement. Le fait que la SCI MANAS ait été condamnée à restituer à AXA cette somme en vertu de l'arrêt du 30 avril 2007 au titre de la garantie dommages ouvrages ne saurait conduire à affirmer comme le fait la SCI que cela revient à ce que la compagnie AXA n'a rien réglé au titre de la garantie décennale et que les intérêts sont dus de la même façon jusqu'à cette dernière date. Elle termine en indiquant que la SCI MANAS est débitrice par compensation de la somme de 208.642,18 euros au jour de l'arrêt, que cette somme a été augmentée depuis des intérêts légaux capitalisés conformément aux termes de l'arrêt de sorte que la somme s'établit à 226.576,66 euros, somme retenue par son commandement valant saisie vente qui ne peut qu'être validé. Par arrêt du 30 avril 2007, la Cour de céans a déclaré prescrite l'action de la SCI MANAS à l'encontre de la compagnie AXA au titre de la garantie dommage ouvrage et l'a condamnée à "rembourser à la SA AXA FRANCE toutes les sommes perçues de cette dernière en qualité d'assureur de dommages, en principal et intérêts avec intérêt au taux légal avec application de l'article 1154 du Code civil à compter de la date de versement". Par cette décision a été confirmée par ailleurs la condamnation de la compagnie AXA au paiement de la même somme au titre de la garantie décennale en qualité d'assureur des CHANTIERS MODERNES prononcée par le jugement du 18 novembre 2003 dans les termes suivants : "condamne in solidum l'UAP en qualité d'assureur de responsabilité de la société LES CHANTIERS MODERNES ainsi que la société LES CHANTIERS MODERNES à payer à la SCI MANAS une somme de 647.174,56 euros avec intérêts au taux légal depuis le 18 décembre 1997 jusqu'au jour du paiement". L'arrêt précité a expressément prévu que la somme restituée serait assortie des intérêts légaux avec application des dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter de la date de versement effectif soit le 15 avril 1998. En revanche, le jugement partiellement confirmé a normalement prévu que la somme due in solidum par l'UAP aux droits de laquelle vient AXA et la société LES CHANTIERS MODERNES au titre de la responsabilité décennale serait assortie des intérêts au taux légal jusqu'au jour du paiement sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 1154 du Code civil. Ainsi la condamnation au paiement de la même somme en principal a été confirmée au titre de la garantie décennale constructeur. Il n'a toutefois pas été indiqué dans l'arrêt le point de départ et d'arrêt des intérêts légaux concernant cette somme autrement que par référence au dispositif du jugement confirmé sur ce point. Il convient alors de déterminer en conséquence des termes de l'arrêt du 30 avril 2007 la date à laquelle le paiement de la somme due au titre de la garantie décennale doit être retenu comme effectif. C'est à juste titre que le juge de l'exécution a rappelé qu'aux termes de l'article 8 alinéa 2 du décret du 31 juillet 1992, il "ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution". La Cour statuant en l'espèce comme juge de l'exécution est soumise à la même contrainte. Cependant, il lui appartient de déterminer au vu des décisions exécutoires servant de fondement aux poursuites la date à laquelle le paiement effectif doit être pris en compte. C'est une question de fait et non une modification des décisions dont il s'agit d'assurer l'exécution. Il y a lieu de rappeler que la somme de 647.714,56 euros en principal a été payée une seule fois par AXA le 15 avril 1998 à un double titre ou en une double qualité, celle d'assureur dommage ouvrage et celle d'assureur garantie décennale de la société CHANTIERS MODERNES. La même et unique somme due en deux qualités distinctes mais à l'occasion du même fait générateur, à savoir les malfaçons dont la SCI MANAS a été victime, ne peut répondre à une prise en compte différente de la date du paiement sauf à créer un déséquilibre voire une inégalité non voulue par la décision. En effet la longueur de la procédure a entraîné un accroissement très important de la dette initiale par application des intérêts légaux sur plusieurs années. Le versement effectif de la même somme toujours due mais au seul titre de la garantie décennale est reporté au jour où le remboursement de ladite somme due au titre de la garantie dommages ouvrages a été ordonné. Les intérêts doivent être calculés selon les dispositions prises par les décisions qui les ont prévus. Ainsi le jugement du 18 novembre 2003 n'avait pas ordonné la capitalisation des intérêts légaux pour la somme due au titre de la garantie décennale alors que l'arrêt du 30 avril 2007 l'a expressément prévue pour la somme remboursée au titre de la garantie dommage ouvrage. Ceci explique la différence dans le décompte des intérêts sur la même et unique somme et entraîne un solde débiteur de la SCI MANAS après compensation des créances respectives. Il convient donc de faire droit à la demande de la SCI MANAS en ce qu'elle sollicite que le calcul des intérêts légaux sur la somme dont elle est créancière au titre de la garantie décennale soit effectué du 18 décembre 1997 jusqu'au 30 avril 2007. Aux termes des dernières écritures de la compagnie AXA, il n'y a plus de désaccord entre les parties sur la somme à prendre en compte au titre du principal, ni sur la créance de cette dernière à l'égard de la SCI MANAS pour le montant total de 866.266,92 euros. Le décompte de la créance de la SCI MANAS compte tenu de la date retenue pour les points de départ et d'arrêt des intérêts légaux définis ci-dessus s'établit comme suit :-Principal : 647.174,56 euros -Intérêts du 18 décembre 1997 au 30 avril 2007 : 187.216,62 euros -Article 700 avec intérêts à compter du 18 novembre 2003 : 3.233,63 euros -Dépens du jugement du 18 novembre 2003 déduction faite des frais d'expertise déjà versés lors de l'exécution du jugement : 2.776,44 euros Soit un total de : 840.401,24 euros.
Les parties s'accordent sur un règlement de leurs créances respectives par compensation. Au final, la SCI MANAS reste donc devoir à la compagnie AXA 866.266,92 euros – 840.401,24 euros soit la somme de 25.865,68 euros. Il résulte de ce qui précède que le commandement de saisie-vente délivré par AXA à la SCI MANAS porte certes sur une créance certaine mais dont le montant est considérablement inférieur. Il ne peut donc être validé que pour le montant correspondant à la dette résiduelle de la SCI MANAS à savoir la somme de 25.865,68 euros. La décision entreprise sera en conséquence infirmée. La SCI MANAS en cours de procédure a versé les sommes en principal qui lui étaient réclamées au titre du commandement de payer pour éviter l'accroissement de celle-ci compte tenu de la capitalisation des intérêts, la décision du juge de l'exécution étant exécutoire par provision. Elle justifie avoir versé le 6 août 2009 la somme de 208.642,18 euros à la compagnie AXA qui en a accusé réception le 11 août 2009. Il convient donc d'ordonner la restitution de cette somme par AXA à la SCI MANAS avec les intérêts au taux légal à compter du 11 août et jusqu'au complet versement ;
1°/ ALORS QUE le paiement est un mode d'extinction des obligations ; que la Cour d'appel a constaté que la société AXA avait été condamnée par le jugement du 18 novembre 2003, confirmé sur ce point par l'arrêt du 30 avril 2007, en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société LES CHANTIERS MODERNES, à payer à la SCI MANAS la somme de 647.174,56 euros avec intérêts au taux légal depuis le 18 décembre 1997 jusqu'au paiement ; que la Cour d'appel a constaté que cette somme avait été payée par la société AXA le 15 avril 1998 au tire de la garantie décennale ; qu'à cette date, la dette de la société AXA, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale, était donc éteinte et ne pouvait pas en conséquence produire d'intérêts ; que pour dire néanmoins que la créance de la SCI MANAS sur la société AXA devait produire des intérêts jusqu'au 30 avril 2007, la Cour d'appel a énoncé que le « versement effectif » de la somme due par la société AXA à la SCI MANAS au titre de la garantie décennale devait être reporté au jour où le remboursement des sommes versées à la SCI MANAS au titre de la garantie dommages ouvrage avait été ordonné à celle-ci ; qu'en statuant ainsi, sans dire en quoi le paiement effectué le 15 avril 1998 dont elle constatait pourtant qu'il avait été réalisé au titre de la garantie décennale n'avait pas eu d'effet extinctif de la dette de la société AXA prise en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1234 et 1153-1 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que la somme de 647.714,56 € en principal avait été payée par la société AXA le 15 avril 1998 en sa double qualité d'assureur garantie dommages ouvrage et d'assureur de responsabilité décennale ; qu'elle a ajouté que la même et unique somme due en deux qualités distinctes mais à l'occasion d'un même fait générateur « ne peut répondre à une prise en compte différente de la date du paiement » ; que l'arrêt constat que ce paiement est, dans les faits, intervenu le 15 avril 1998 ; qu'en énonçant cependant que le « versement effectif » de la même somme, toujours due, mais au seul titre de la garantie décennale, devait être reporté à une date ultérieure, soit au jour où le remboursement de la somme versée à la SCI MANAS au titre de la garantie dommages ouvrage avait été ordonné à celle-ci, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé en conséquence les articles 1234 et 1153-1 du Code civil ;
3°/ ET ALORS QUE l'équité n'est pas une source de droit ; que l'arrêt du 30 avril 2007, décision devenue irrévocable, avait d'une part, confirmé un précédent jugement ayant condamné la société AXA à verser à la SCI MANAS une somme de 647.174,56 euros assortie des intérêts jusqu'au complet paiement, paiement dont l'arrêt constate qu'il est survenu le 15 avril 1998 et, d'autre part, condamné la SCI MANAS à restituer à la société AXA toutes les sommes qu'elle avait perçues de cette dernière en sa qualité d'assureur dommage-ouvrage, au titre de la réparation des désordres en cause et ce, avec intérêts à compter de la date de leur versement, soit, en l'espèce, à compter du 15 avril 1998 ; que l'arrêt attaqué qui, au prétexte que l'application littérale de ces dispositions entraînerait au préjudice de la SCI MANAS un "déséquilibre", que l'auteur de l'arrêt du 30 avril 2007 n'a pu vouloir, en corrige les effets en reportant fictivement au 30 avril 2007 la date du paiement fait par la société AXA, paiement dont il constate pourtant qu'il a eu lieu le 15 avril 1998, méconnaît le principe selon lequel le juge ne peut écarter l'application de la règle de droit pour des considérations d'équité et viole l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble les articles 1234 et 1153-1 du Code civil.