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10/07/2012 | FRANCE | N°11-11062

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2012, 11-11062


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 21 octobre 2010), que l'earl de Pierrefitte (l'earl) constatant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre-Loire (la caisse) a exécuté, en février 2000, des virements pour un certain montant sur l'ordre de M. X..., a assigné la caisse en paiement de dommages-intérêts, en soutenant que ce dernier, qui n'en était pas le gérant, n'avait reçu aucun mandat pour donner de tels ordres ;
Attendu que l'earl fait grief à l'arrêt d'a

voir rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la caisse à lui ve...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 21 octobre 2010), que l'earl de Pierrefitte (l'earl) constatant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre-Loire (la caisse) a exécuté, en février 2000, des virements pour un certain montant sur l'ordre de M. X..., a assigné la caisse en paiement de dommages-intérêts, en soutenant que ce dernier, qui n'en était pas le gérant, n'avait reçu aucun mandat pour donner de tels ordres ;
Attendu que l'earl fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la caisse à lui verser diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier dépositaire ne doit restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir et que l'absence de protestation du client dans le délai d'un mois de la réception des relevés de compte n'emporte qu'une présomption d'accord du client sur les opérations y figurant, laquelle ne prive pas celui-ci de la faculté de rapporter, pendant la durée de prescription légale, la preuve d'éléments propres à l'écarter ; que la cour d'appel a elle-même relevé que les ordres écrits relatifs aux virements litigieux n'étaient pas signés de la seule personne ayant pouvoir de faire fonctionner le compte de l'earl ; d'où il suit qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1937 du code civil ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater le moindre lien de causalité entre l'absence de vérification du relevé de compte par l'earl et le préjudice résultant, pour elle, de la faute commise par la banque qui a procédé aux virements litigieux en vertu de l'ordre donné par un tiers dépourvu de pouvoirs, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel, qui a laissé sans réponse les conclusions d'appel par lesquelles l'earl faisait valoir que " M. X... n'avait pas hésité à faire rédiger de toute pièce " les procès-verbaux d'assemblée générale de l'earl pour " s'auto-décerner des autorisations qui naturellement n'avaient aucune valeur juridique " et que la caisse, qui les invoque, " sait pertinemment que la signature de Mme Y... ne figurait pas sur certaines et avait été falsifiée sur d'autres ", a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que, partant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et suivants du code civil ;
5°/ qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la caisse avait consenti un prêt expressément destiné à l'acquisition de matériel neuf à l'earl dûment représentée par sa gérante, seule habilitée à faire fonctionner son compte bancaire ; que la cour d'appel se devait donc de rechercher si, peu important que M. X... se soit comporté comme gérant de fait à l'égard des tiers en général, la caisse avait légitimement pu croire que M. X..., qui n'avait la qualité ni d'associé ni a fortiori celle de gérant de droit de la société et ne disposait d'aucune procuration sur le compte bancaire de l'earl avait qualité pour faire fonctionner ce compte ou à tout le moins avait reçu de l'earl mandat d'ordonner les trois virements litigieux à son seul profit et pour un montant considérable correspondant, à quelques francs près, à 1, 5 millions de francs, montant du prêt consenti à l'earl quatre jours plus tôt ; que faute de s'être interrogée sur ces circonstances dont il résultait que la caisse, qui connaissait le défaut de qualité de M. X..., ne pouvait pas de surcroît ne pas avoir eu au minimum des doutes graves et concordants quant à l'absence de tout mandat à son profit, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la caisse avait exécuté des virements sur l'ordre de M. X..., qui n'était titulaire d'aucun mandat ou procuration, du compte de l'earl sur son compte personnel et sur celui d'une société qu'il contrôlait, l'arrêt relève que les opérations effectuées entre le 1er et le 29 février 2000 n'ont fait l'objet d'un contrôle de l'earl que six ans plus tard, que cette dernière reconnaît dans ses écritures que sa gérante n'exerçait pas, à l'époque, ses fonctions sociales qu'elle avait confiées à son époux, M. X..., et qu'il apparaissait à l'égard des tiers, dont la caisse, que la gérante avait délégué la gestion de l'earl à M. X... ainsi que l'atteste son propre expert-comptable, la confusion fautive des rôles dans l'earl existant depuis des années ; qu'ayant, par ces constatations et appréciations, fait ressortir que le comportement de la gérante de l'earl n'était pas étranger à la création de l'apparence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations dépourvues d'offre de preuve ni au grief inopérant visé à la deuxième branche et qui ne s'est pas fondée sur le défaut de contestation des relevés de compte, a caractérisé la croyance légitime de la caisse en l'existence d'un mandat apparent et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société De Pierrefitte aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société De Pierrefitte.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE de ses demandes tendant à la condamnation de la CRCAM Centre Loire à lui verser diverses sommes.
AUX MOTIFS, EN SUBSTANCE, QUE la C. R. C. A. M. a effectué le 8 février 2000, à la demande de l'ex-époux de la gérante de l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE, qui n'était titulaire d'aucun mandat ou procuration, des virements du compte de l'E. A. R. L. à ceux de M. X... ou de l'E. U. R. L. AGRI-SYSTEM, société qu'il contrôle, pour un montant total de 228 673, 53 euros (1 500 000 F.) ; qu'il n'est pas discuté que la C. R. C. A. M. a adressé courant mars 2000 à l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE un relevé de compte mensuel reprenant toutes les opérations effectuées sur ce compte du 1er au 29 février 2000, dont les trois virements litigieux de 215 000 F., 442 600, 30 F. et 842 339, 70 F. ; que le défaut de contrôle des relevés constitue pour l'E. A. R. L. une négligence, faute justifiant que les conséquences dommageables d'un mauvais fonctionnement du compte soient mises à la charge de ce client, qui a attendu plus de six années avant de les constater ; que d'autant plus que l'E. A. R. L. reconnaît dans ses écritures que sa gérante n'exerçait pas à l'époque ses fonctions sociales, qu'elle avait confiées à son époux, ce qui est confirmé par M. Pierre Z..., expert-comptable, conseil de l'E. A. R. L., qui rappelle que « la gestion de l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE par M. Régis X... est amplement démontrée » ; qu'ainsi, il apparaissait aux tiers, dont la C. R. C. A. M., que la gérante de droit avait délégué la gestion de l'E. A. R. L. à son époux, lui-même propriétaire à titre personnel d'autres exploitations agricoles, comme le mentionne également ce technicien financier : « M. X... ne s'est pas comporté comme simple créancier de l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE mais en gérant de fait de cette société. Il a pris des initiatives et des décisions engageant la société vis-à-vis des tiers... Il est un autre élément significatif, les procès-verbaux d'assemblée générale ordinaire établis par l'organisme comptable, l'O. C. A. C. E. R. A la lecture de ceux-ci, M. X... est désigné Président de séance et, dès la première résolution, il lui appartient de présenter le rapport de gestion. Il est considéré comme gérant » ; que cette confusion fautive des rôles dans l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE existait ainsi depuis des années puisque figurent dans les procès-verbaux d'assemblées générales des 19 octobre 1995, 17 octobre 1996, 23 octobre 1998, 16 novembre 1999, 4 décembre 2000, 30 novembre 2001, 28 novembre 2002, 25 novembre 2003, les indications suivantes : « Première résolution : rapport du gérant sur l'exercice écoulé, L'assemblée après avoir entendu le rapport d'activité sur l'exercice clos le... présenté par M. Régis X..., déclare l'adopter à l'unanimité » ; que l'ensemble des fautes commises par la société intimée est seul à l'origine des opérations financières litigieuses du 8 février 2000 pour lesquelles la C. R. C. A. M. pouvait légitimement croire que M. X... avait reçu un mandat de son épouse ; qu'en conséquence, l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le banquier dépositaire ne doit restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir et que l'absence de protestation du client dans le délai d'un mois de la réception des relevés de compte n'emporte qu'une présomption d'accord du client sur les opérations y figurant, laquelle ne prive pas celui-ci de la faculté de rapporter, pendant la durée de prescription légale, la preuve d'éléments propres à l'écarter ; que la Cour d'appel a elle-même relevé que les ordres écrits relatifs aux virements litigieux n'étaient pas signés de la seule personne ayant pouvoir de faire fonctionner le compte de l'E. A. R. L. ; d'où il suit qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1937 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en statuant comme elle l'a fait sans constater le moindre lien de causalité entre l'absence de vérification du relevé de compte par l'E. A. R. L. et le préjudice résultant, pour elle, de la faute commise par la banque qui a procédé aux virements litigieux en vertu de l'ordre donné par un tiers dépourvu de pouvoirs, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, ENCORE, QUE la Cour d'appel, qui a laissé sans réponse les conclusions d'appel par lesquelles l'E. A. R. L. DE PIERREFITTE faisait valoir que « M. X... n'avait pas hésité à faire rédiger de toute pièce » les procès-verbaux d'assemblée générale de l'E. A. R. L. pour « s'auto-décerner des autorisations qui naturellement n'avaient aucune valeur juridique » et que la C. R. C. A. M., qui les invoque, « sait pertinemment que la signature de Mme Y... ne figurait pas sur certaines et avait été falsifiée sur d'autres », a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
QUE, PARTANT, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et suivants du Code civil ;
ET ALORS, ENFIN, QU'il résulte des constatations de la Cour d'appel que la C. R. C. A. M. avait consenti un prêt expressément destiné à l'acquisition de matériel neuf à l'E. A. R. L., dûment représentée par sa gérante, seule habilitée à faire fonctionner son compte bancaire ; que la Cour d'appel se devait donc de rechercher si, peu important que M. X... se soit comporté comme gérant de fait à l'égard des tiers en général, la C. R. C. A. M. avait légitimement pu croire que M. X..., qui n'avait la qualité ni d'associé ni a fortiori celle de gérant de droit de la société et ne disposait d'aucune procuration sur le compte bancaire de l'E. A. R. L., avait qualité pour faire fonctionner ce compte ou à tout le moins avait reçu de l'E. A. R. L. mandat d'ordonner les trois virements litigieux à son seul profit et pour un montant considérable correspondant, à quelques francs près, à 1, 5 millions de francs, montant du prêt consenti à l'E. A. R. L. quatre jours plus tôt ; que faute de s'être interrogée sur ces circonstances dont il résultait que la C. R. C. A. M., qui connaissait le défaut de qualité de M. X..., ne pouvait pas de surcroît ne pas avoir eu au minimum des doutes graves et concordants quant à l'absence de tout mandat à son profit, la Cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et suivants du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11062
Date de la décision : 10/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 21 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2012, pourvoi n°11-11062


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11062
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