LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 avril 2011), que Mme X... a été engagée par la société BHL en qualité d'agent d'opération puis de chef de groupe par contrat à durée indéterminée du 8 janvier 1996 ; qu'ayant été déclarée inapte à tout poste de l'entreprise elle a été licenciée le 3 mars 2008 pour inaptitude physique définitive et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour demander diverses indemnités et rappels de rémunération et faire valoir qu'elle avait été victime de harcèlement moral et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée pour inaptitude physique, celle-ci ayant été victime de harcèlement moral, et de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que si, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il lui appartient d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que dans la lettre adressée à son employeur le 14 février 2005, soit le jour même du début de son arrêt de travail prétendument motivé par les reproches et les mesures prises par son employeur à son encontre, lettre faisant suite à un échange de courriers depuis le début du mois de janvier 2005, Mme X... demandait à son employeur de ne pas voir en ces différents courriers des reproches mais tout simplement des constatations de faits réels ; que cette attitude de la salariée excluait toute dégradation de ses conditions de travail à la suite de la nomination d'un nouveau responsable d'agence ; qu'en décidant le contraire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, au vu des courriers qui avaient été adressés à son employeur par Mme X... en janvier et février 2005, ce n'était pas cette dernière qui adressait des reproches à son employeur remettant en cause la stratégie commerciale de l'entreprise ce qui excluait tout harcèlement moral, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié qui doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, doit démontrer la corrélation entre son état de santé et les agissements répréhensibles dont il aurait été victime sur le lieu de travail ; qu'en l'espèce, si Mme X... s'est trouvée en arrêt de travail dès le 14 février 2005, avec un traitement lourd par antidépresseurs et anxiolytiques et n'a pu reprendre son emploi, à aucun moment avant son arrêt de travail ni dans les mois qui ont suivi, elle n'a pas reproché à son employeur d'être à l'origine de cet état de santé ; qu'en décidant néanmoins le contraire sans répondre aux conclusions de la société BHL qui faisait valoir que les médecins qui avaient établi les certificats médicaux n'avaient rien constaté et ne faisaient que relater les affirmations de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que la salariée, qui exerçait depuis plusieurs années les fonctions de responsable d'agence, sans en avoir ni le statut ni la rémunération, s'était vue remplacée au retour d'un congé et contrainte de reprendre des fonctions subalternes sur le même plan que les salariés qu'elle encadrait auparavant et de modifier ses horaires de travail et que ce déclassement, concomitant au retrait, sans information préalable, de ses responsabilités au sein de l'agence avait entraîné la détérioration de ses conditions de travail et que ces faits étaient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et, d'autre part, que l'employeur ne justifiait pas que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision aurait été justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire, qu'en raison de ses fonctions, la salariée aurait dû bénéficier du statut d'agent de maîtrise échelon 20 du répertoire national des qualifications annexé à la convention collective services de l'automobile et de l'avoir, en conséquence, condamné à lui payer diverses sommes alors, selon le moyen que la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement au regard des définitions données par la convention collective applicable ; que dès lors, en se bornant à relever, pour accorder à Mme X... l'échelon 20 de la convention collective des services de l'automobile correspondant à un statut d'agent de maîtrise, que cette salariée assurait la gestion administrative de l'agence tant dans ses rapports avec les clients que dans l'organisation du travail des trois autres salariés composant l'effectif de celle-ci, sans rechercher si ces fonctions correspondaient à la définition donnée par la convention collective applicable, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base au regard du répertoire national des qualifications annexé à la convention collective des services de l'automobile ;
Mais attendu que la cour d'appel, en relevant qu'il résultait de la consultation des bulletins de paie de la salariée que la dénomination de son poste était celle de « chef de groupe opérations », qu'il n'était pas sérieusement contesté que celle-ci assurait la gestion administrative de l'agence tant dans ses rapports avec les clients que dans l'organisation du travail des trois autres salariés composant l'effectif de celle-ci et qu'il ressortait des courriers échangés entre les parties que l'employeur la considérait comme « responsable de l'agence » a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société BHL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BHL à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société BHL.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Madame Béatrice X..., salariée de la société BHL avait été victime de harcèlement moral et d'avoir, en conséquence, dit que son licenciement, pour inaptitude physique, était sans cause réelle et sérieuse et justifiait le versement d'une somme de 30. 000 euros de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la salariée reproche à son employeur de n'avoir cessé à compter de septembre 2003, de mettre en doute ses compétences et son investissement dans la gestion de l'agence de La Valette ; qu'il lui est reproché de n'avoir pas informé la direction du refus d'un salarié de travailler le samedi matin et de ne pas l'y avoir contraint ; que par un autre courrier il évoquait la baisse du chiffre d'affaires de l'agence, les plaintes d'un client important, au mépris des difficultés récurrentes auxquelles celle-ci était confrontée et qu'elle consignait dans un carnet de notes dès 2002 ; qu'il lui a été ainsi reproché à tort la baisse de chiffre d'affaires et de rentabilité de l'agence, son absence de participation active aux réunions, son manque d'initiative, son approche commerciale non professionnelle au téléphone, ainsi que l'absence de dispositions prises pour pourvoir au remplacement de l'agent de comptoir en congé de formation ; que Monsieur Y... a été nommé en qualité de responsable d'agence en janvier 2005 sans qu'elle en soit avisée au préalable, celui-ci lui demandant de venir dorénavant travailler tous les samedis, sans s'impliquer lui-même puisqu'il refusait de venir le samedi matin ; que l'employeur fait valoir que la salariée refusait tout reproche considérant toute remarque comme une offense personnelle, qu'elle connaissait de graves problèmes familiaux qui avaient une influence négative sur la qualité de son travail, qu'il ne faisait que répondre aux nombreux courriers dont l'abreuvait la salariée remettant en cause la stratégie salariale de l'entreprise, le contraignant pratiquement à justifier de sa politique, qu'elle n'a subi aucune rétrogradation ayant toujours exercé les mêmes fonctions ; que cependant il ressort des pièces et des débats, que celle-ci qui exerçait depuis plusieurs années les fonctions de responsable d'agence, sans en avoir ni le statut ni la rémunération, s'est vue remplacer au retour d'un congé et contrainte de reprendre des fonctions subalternes sur le même plan que les salariés qu'elle encadrait auparavant, contrainte également de modifier ses horaires de travail ; qu'il s'agit sans conteste d'un déclassement, l'employeur lui ayant au surplus retiré ses responsabilité au sein de l'agence pour les confier à un salarié récemment embauché sans même prendre le soin de l'en informer au préalable ; qu'en présence de ces éléments entraînant la détérioration des conditions de travail de la salariée et de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur ne justifie pas que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en effet, s'il aurait été possible de considérer que, par les courriers successifs adressés à la salariée, l'employeur ne faisait qu'user de son pouvoir de direction, il n'est pas justifié du bien fondé de ses reproches ; qu'au demeurant par courrier du 3 janvier 2005, il mettait en avant l'absence de motivation plutôt que l'incompétence de la salariée indiquant : « je constate d'ailleurs que vous revendiquez aujourd'hui cette fonction dont vous avez dit à plusieurs reprises qu'elle ne vous intéressait pas », ce qui est contesté et non justifié ;
ALORS D'UNE PART QUE si, aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il lui appartient d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que dans la lettre adressée à son employeur le 14 février 2005, soit le jour même du début de son arrêt de travail prétendument motivé par les reproches et les mesures prises par son employeur à son encontre, lettre faisant suite à un échange de courriers depuis le début du mois de janvier 2005, Madame X... demandait à son employeur de ne pas voir en ces différents courriers des reproches mais tout simplement des constatations de faits réels ; que cette attitude de la salariée excluait toute dégradation de ses conditions de travail à la suite de la nomination d'un nouveau responsable d'agence ; qu'en décidant le contraire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, au vu des courriers qui avaient été adressés à son employeur par Madame X... en janvier et février 2005, ce n'était pas cette dernière qui adressait des reproches à son employeur remettant en cause la stratégie commerciale de l'entreprise ce qui excluait tout harcèlement moral, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le salarié qui doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, doit démontrer la corrélation entre son état de santé et les agissements répréhensibles dont il aurait été victime sur le lieu de travail ; qu'en l'espèce, si Madame X... s'est trouvée en arrêt de travail dès le 14 février 2005, avec un traitement lourd par antidépresseurs et anxiolytiques et n'a pu reprendre son emploi, à aucun moment avant son arrêt de travail ni dans les mois qui ont suivi, elle n'a pas reproché à son employeur d'être à l'origine de cet état de santé ; qu'en décidant néanmoins le contraire sans répondre aux conclusions de la société BHL qui faisait valoir que les médecins qui avaient établi les certificats médicaux n'avaient rien constaté et ne faisaient que relater les affirmations de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit, qu'en raison de ses fonctions, la salariée aurait dû bénéficier du statut d'agent de maîtrise échelon 20 du répertoire national des qualifications annexé à la convention collective services de l'automobile et d'avoir, en conséquence, condamné son employeur à lui verser la somme de 2. 630, 39 euros à titre de rappel de salaire du 1er juin 2003 au 13 février 2005 ainsi que les compléments de salaire jusqu'au 30 mars 2005 et les indemnités complémentaires maladie jusqu'au 31 décembre 2007 ainsi qu'un solde d'indemnité de licenciement en considération de son salaire revalorisé en application de l'échelon 20 de la classification conventionnelle des emplois ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la consultation des bulletins de paie de la salariée que la dénomination de son poste était celle de « chef de groupe opérations » ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que celle-ci assurait la gestion administrative de l'agence tant dans ses rapports avec les clients que dans l'organisation du travail des trois autres salariés composant l'effectif de celle-ci ; qu'il ressort des courriers échangés entre les parties que l'employeur la considérait comme « responsable de l'agence » faisant sans cesse référence à « votre agence » ; que, selon le répertoire national des qualifications annexé à la convention collective « services de l'automobile », l'échelon de base applicable à ce poste est l'échelon 20 correspondant à un statut d'agent de maîtrise alors que son niveau de qualification est demeuré à l'échelon 4, statut employé ;
ALORS QUE la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement au regard des définitions données par la convention collective applicable ; que dès lors, en se bornant à relever, pour accorder à Madame X... l'échelon 20 de la convention collective des services de l'automobile correspondant à un statut d'agent de maîtrise, que cette salariée assurait la gestion administrative de l'agence tant dans ses rapports avec les clients que dans l'organisation du travail des trois autres salariés composant l'effectif de celle-ci, sans rechercher si ces fonctions correspondaient à la définition donnée par la convention collective applicable, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base au regard du répertoire national des qualifications annexé à la convention collective des services de l'automobile.