LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 465-3°du code civil, ensemble l'article 473 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant contrat du 10 janvier 1984, M. X... et sa mère ont donné à bail à M. Smaïl Y... des locaux à usage d'habitation, situés ..., moyennant un loyer mensuel de 500 francs ; que, suivant contrat du 21 août 1993, M. X... a donné à bail les mêmes locaux, outre un studio, à MM. Smaïl et Amédée Y..., moyennant un loyer mensuel de 922,50 francs ; que, par jugement du 2 octobre 1997 M. X... a été placé sous tutelle, dont la gérance a été confiée à l'UDAF du Val d'Oise le 18 décembre 2000 ; que le 1er août 2002, le juge des tutelles a déclaré la tutelle vacante et l'a déférée à l'Etat, l'UDAF étant désignée pour exercer la mesure ; que par acte du 17 juillet 2009, M. X..., représenté par l'UDAF du Val d'Oise, a fait assigner ses locataires en résiliation du bail et en paiement d'un arriéré de 11 361,89 euros arrêté en juillet 2009 ; qu'un jugement du tribunal d'instance de Sannois du 5 novembre 2009 a accueilli ces demandes ;
Attendu que pour déclarer nulles, en application du premier des textes susvisés, toutes les quittances de loyer produites depuis la fin 1997, soit postérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle, l'arrêt retient qu'elles sont toutes au nom de M. X... qui les a signées seul alors qu'il aurait dû être représenté ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en considération de la pratique qui avait été instituée en 1984 et s'était poursuivie avec l'accord implicite de l'UDAF jusqu'en avril 2008, le versement du loyer entre les mains de M. X..., ne pouvait être considéré comme un acte de la vie courante autorisé par l'usage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. Smaïl et Amédée Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de toutes leurs demandes, d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti par Monsieur X..., ordonné l'expulsion des consorts Y... et de les avoir condamnés à payer un arriéré, outre des dommages intérêts et une indemnité d'occupation,
AUX MOTIFS QUE M. X... a été placé sous tutelle le 2 décembre 1997 et tous les actes qu'il a donc passés seul postérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle sont nuls en application de l'article 465-3° du code civil puisqu'il aurait du être représenté ; qu'il s'en suit que toutes les quittances produites depuis la fin 1997 sont nulles et dépourvues de force probante ;
ALORS QUE tous les actes passés, postérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle, par la personne protégée, sont nuls de droit, à l'exception des actes de la vie courante autorisés par l'usage ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que les loyers ont toujours été remis directement au bailleur ; que dès lors la Cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que les actes que Monsieur X... avait passés seul depuis le jugement d'ouverture de la tutelle étaient nuls, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la perception de loyer et l'établissement de quittances ne constituaient pas un simple acte de la vie courante autorisé par l'usage ; que la Cour d'appel n'a pas justifié légalement au regard de l'article 465-3° du Code civil, anciennement 502, ensemble de l'article 473 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de toutes leurs demandes, d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti par Monsieur X..., ordonné l'expulsion des consorts Y... et de les avoir condamnés à payer un arriéré, outre des dommages intérêts et une indemnité d'occupation.
AUX MOTIFS QU'il ressort du dossier que (…) les consorts Y... (…) n'expliquent pas (…) pourquoi les loyers auraient été remis directement au majeur protégé ;
ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel en date du 4 janvier 2011, les consorts Y... produisaient les quittances de paiement du loyer depuis la fin 1997 et demandaient à la Cour de constater que l'UDAF ne s'était pas opposée au paiement direct des loyers jusqu'en mars 2008 alors qu'elle était parfaitement informée de la situation, ainsi que cela ressortait de plusieurs courriers ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.