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03/07/2012 | FRANCE | N°10-27386

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2012, 10-27386


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis-de-la-Réunion, 31 août 2010), que M. X... a été engagé par la Société agricole du Nord-Est (la société SANE) le 2 décembre 2002 en qualité de chauffeur ouvrier polyvalent atelier ; que, devenu ultérieurement délégué du personnel puis conseiller du salarié, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur le 11 août 2007 ; qu'il a saisi, le 25 octobre 2007, la juridiction prud'homale d'une demande au titre d'un harcèlement moral

et de discrimination syndicale ainsi qu'au titre de la prise d'acte ;
Sur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis-de-la-Réunion, 31 août 2010), que M. X... a été engagé par la Société agricole du Nord-Est (la société SANE) le 2 décembre 2002 en qualité de chauffeur ouvrier polyvalent atelier ; que, devenu ultérieurement délégué du personnel puis conseiller du salarié, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur le 11 août 2007 ; qu'il a saisi, le 25 octobre 2007, la juridiction prud'homale d'une demande au titre d'un harcèlement moral et de discrimination syndicale ainsi qu'au titre de la prise d'acte ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de la prise d'acte, alors, selon le moyen, que le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, imposé au salarié, constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles qui justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que la cour d'appel, qui, tout en constatant que la société SANE avait imposé à M. X... un planning horaire de 16 heures à 24 heures, a estimé qu'il n'y avait pas là une situation caractérisant la rupture imputable à l'employeur, a violé l'article L. 1221-1 et l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu retenir que, les autres griefs de harcèlement moral et de discrimination syndicale n'étant pas établis, le seul changement d'horaire effectué durant la campagne sucrière de 2005 durant quelques semaines, sans qu'il ait été suivi d'une réitération en 2006, ne constituait pas un manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations justifiant que le salarié prenne acte en août 2007 de la rupture de son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale dont il avait été l'objet.
AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement, l'appelant expose avoir fait l'objet de deux tentatives de licenciement au mois d'avril et juillet 2005, un délit d'entrave en août et avoir reçu un avertissement injustifié en octobre de la même année ; en réponse la SANE apporte plusieurs justifications, pleinement fondées, à ces allégations. En premier lieu, elle soutient justement que le licenciement économique concernait les douze salariés affectés au transport, dont faisait partie M. X... et que la réalité du motif économique avait été reconnue dans la décision du Ministre des transports, en dépit des réserves émises sur le licenciement du salarié et sa fonction de représentant du personnel. En ce qui concerne le licenciement pour motif personnel, l'intimée justifie exactement la mise en place de cette procédure par un abandon de poste du salarié. En effet, bien qu'un accord favorable ait été émis pour la formation de M. X..., ce dernier était conditionné par l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail. Le refus de l'inspecteur du 12 août 2005 rendait la formation sans objet. L'absence du salarié en pleine campagne sucrière perturbant le fonctionnement de l'entreprise, la SANE a, par lettre recommandée avec avis de réception des 16, 24 et 1er juillet 2005, mis en demeure M. X... de reprendre son poste. C'est dans ce contexte que l'intimée a pu légitimement initier une procédure de licenciement pour motif personnel. En deuxième lieu, s'agissant du délit d'entrave, non examiné par les premiers juges, il sera observé qu'un tel délit est constitué par une atteinte volontaire et directe à l'institution représentative, de l'un de ses membres ou dans l'exercice du droit syndical en tant que tel. A ce titre M. X... produit un courrier du 26 août 2005 dans lequel l'inspecteur du travail estimait que l'entrave à l'exercice des fonctions représentatives du salarié était constituée à raison d'une modification de son contrat de travail, suite à une non réintégration du poste précédemment occupé. La SANE répond exactement, d'une part, que les instructions transmises à M. X... correspondaient à ses attributions et qu'il n'y a pas eu modification du contrat de travail, puis d'autre part, que le délit d'entrave ne saurait être constitué en l'absence d'examen contradictoire. En effet, la production du courrier de l'inspecteur du travail ne saurait à elle seule matérialiser et caractériser le délit d'entrave, sachant que cette seule pièce non suivie d'un procès-verbal conforme aux dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale repose sur les seules déclarations du salarié, lesquelles n'ont pas été vérifiées par des constatations personnelles de ce fonctionnaire habilité à y pourvoir dans le cadre d'une enquête contradictoire inexistante en l'espèce. Quant à la discrimination syndicale qui, selon M. X..., trouverait sa cause dans le fait que suite à ses activités syndicales et le conflit l'ayant opposé à la direction sur les manquements aux contrôles de sécurité, objet de procédures pénales initiées ensuite en avril 2005 par la DDE pour des transports en surcharge (1914 infractions au Code de la route), les pièces produites ne révèlent pas l'existence d'actes de l'employeur subséquents à cet événement pouvant établir la réalité d'une mesure visant à porter atteinte à la liberté syndicale de l'appelant. En troisième lieu, sur le changement d'horaires, non examiné par les premiers juges, M. X... produit un planning horaire sur lequel il est possible d'observer qu'il était en fonction de 16H à 24H de la semaine 35 à la semaine 49, durant la campagne sucrière de 2005, et il affirme aussi avoir fait l'objet d'une suppression de sa prime de nuit. L'employeur qui l'invoque, ne justifie pas de la rotation des horaires de travail des chauffeurs au cours de la campagne sucrière. En revanche, la suppression de la prime de nuit au détriment de l'ensemble des salariés ne présente pas le caractère d'une sanction pécuniaire. Enfin, l'avertissement donné par la SANE le 6 octobre 2005 à la suite de l'absence non autorisée du salarié pendant trois jours consécutifs en faisant fi du pouvoir de direction de l'employeur, est justifié puisque celui-ci qui a effectué une demande écrite de congé le 12 septembre 2005 l'a remise en main propre à son responsable, dont il savait que la signature ne valait pas acceptation de sa demande s'agissant d'une requête faite en pleine campagne sucrière par un chauffeur déjà informé par son chef qu'aucune autorisation n'était alors possible pour les chauffeurs, ni n'avait été prise à son profit. L'application à l'appelant de cette règle commune à l'ensemble des chauffeurs et la sanction disciplinaire qui en résulte ne révèlent nullement un comportement de harcèlement de la part de l'employeur au détriment du salarié. Il s'ensuite que le changement d'horaire durant la campagne sucrière de 2005, ne peut suffire à lui seul à constituer des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de M. X..., et qui ont été susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter une demande sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale Monsieur X... avait produit et visé dans ses écritures d'appel l'avis exprimé tant par l'inspecteur du travail que par le Ministre des transports sur la discrimination dont il avait été l'objet à raison de ses activités syndicales ; que la cour d'appel qui a rejeté sa demande sans examiner ces éléments de preuve déterminants a privé méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X... doit s'analyser en une démission et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la prise d'acte : M. X... affirme dans sa lettre de prise d'acte du 11 août 2007, avoir subi d'une part des « pressions, brimades » et avoir reçu des « ordres contradictoires, une liste de travail impossible à réaliser, des changements d'horaires la veille pour le lendemain », d'autre part, avoir convenu lors d'un entretien ayant eu lieu le jeudi 09 août 2007, avec la responsable des ressources humaines et le directeur de l'usine du Gol d'un départ négocié prenant effet à partir de cette date. En matière de prise d'acte, il appartient au salarié d'établir les faits allégués à l'encontre de son employeur. A ce titre, M. X... produit seulement ses courriers des 29 juin et 05 juillet 2007, adressés à son employeur dans lesquels il dénonce les griefs susmentionnés. Par ailleurs, ces dénonciations ont donné lieu à une enquête interne menée par la SANE, à l'issue de laquelle, lors de la réunion du 09 août 2007, en présence des délégués du personnel, il a été constaté qu'aucun élément objectif ne venait étayer les griefs invoqués et c'est par lettre du 14 août 2007 que la SANE faisait part à M. X... des résultats de cette enquête ? Dans ce contexte, le salarié n'établit pas la réalité des griefs allégués. Il s'ensuit qu'alors que les autres griefs invoqués par M. X... y compris ceux basés sur les griefs de harcèlement moral et de discrimination syndicale de la part de l'employeur ne sont pas établis, le seul changement d'horaire effectué une unique fois en 2005 sans être suivi d'une réitération en 2006 ne constitue pas une situation révélant des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;
ALORS D'UNE PART QUE « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation ne pourra qu'entraîner, par voie de conséquence, celle du chef du présent moyen, les actes discriminatoires imputables à l'employeur étant de nature à justifier pleinement la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, imposé au salarié, constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles qui justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que la cour d'appel qui, tout en constatant que la société SANE avait imposé à Monsieur X... un planning horaire de 16 h à 24 h, a estimé qu'il n'y avait pas là une situation caractérisant la rupture imputable à l'employeur a violé l'article L 1221-1 et l'article L 1231- du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27386
Date de la décision : 03/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 31 août 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2012, pourvoi n°10-27386


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27386
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