LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause, sur sa demande, la société Wegener Music Group International BV ;
Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Emi Music France, du chef du second moyen du pourvoi principal, et Mme X..., du chef du premier moyen du pourvoi principal ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Emi Music France (Emi), prétendant être titulaire, en vertu d'un contrat conclu le 26 octobre 1987 avec la société Comotion musique, des droits de propriété corporelle et incorporelle sur les enregistrements phonographiques des chansons intitulées " Etienne " et " Un espoir ", a fait assigner la société Arcade Music Company France en contrefaçon et en concurrence parasitaire, lui reprochant d'avoir commercialisé une compilation intitulée " Les Années club " reproduisant l'enregistrement de la chanson " Etienne " interprétée par Mme X..., dite Y... ; que la société Editions du Félin, revendiquant la propriété des enregistrements litigieux en application d'un contrat d'enregistrement exclusif conclu le 31 janvier 1987 avec Mme X..., et la société Comotion musique sont intervenues volontairement à l'instance, aux côtés de la société Arcade Music Company France, pour voir constater le caractère contrefaisant et parasitaire de l'exploitation, par la société Emi, des titres " Etienne " et " Un espoir ", depuis le 26 octobre 1987, et ont assigné Mme X... en intervention forcée ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Emi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce opposition contre l'arrêt rendu le 15 avril 1999 par la 18e chambre sociale de la cour d'appel de Paris et de déclarer irrecevable son action en contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Emi faisait valoir, sur le fondement de l'article 1351 du code civil, que les différentes décisions, dont se prévalaient les sociétés appelantes pour établir qu'elle n'était pas titulaire des droits en cause, ne lui étaient pas opposables dès lors qu'elle n'avait pas été partie aux litiges aboutissant au prononcé desdites décisions ; qu'elle faisait à cet égard spécialement valoir que « l'arrêt du 15 avril 1999 n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard de Emi et ne peut donc lui être opposé » ; qu'en s'appuyant dès lors sur l'arrêt du 15 avril 1999 pour refuser de reconnaître à société Emi la titularité des droits en cause, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en déclarant irrecevable la tierce opposition de la société Emi dirigée contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, au motif inopérant « que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions et non contre les motifs », quand elle constatait qu'un chef de cet arrêt prononçait la résiliation du contrat conclu le 31 janvier 1987 entre la société Editions du Félin et Mme X..., en précisant que ce chef prononçant la résiliation était « loin de mettre rétroactivement à néant ce contrat initial comme le souhaitait la société Emi » avant d'en déduire que la société Emi n'avait pu acquérir les droits que la société Comotion musique et Mme X... n'avaient pu lui céder, l'arrêt du 15 avril 1999 faisant ainsi nécessairement grief à la société Emi, la cour d'appel a violé l'article 583 du code civil ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige tel qu'il est exposé dans les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Emi formait expressément tierce opposition incidente contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, ce dont il résulte qu'elle visait à la fois le dispositif et les motifs de l'arrêt qu'elle souhaitait remettre en cause à son égard ; qu'en déclarant irrecevable la tierce opposition de la société Emi dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, au motif que la société Emi n'aurait visé que les motifs de l'arrêt qualifiés de décisoires, la tierce opposition n'étant ouverte que contre le dispositif des décisions et non contre les motifs, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige tel qu'il était présenté dans les conclusions de la société Emi, en violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le producteur de phonogrammes est la personne qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que la société Editions du Félin était le producteur de l'artiste Y... aux termes d'un contrat antérieur à celui conclu entre l'artiste et la société Comotion musique, sans rechercher si la société Comotion musique, qui avait alors pour associés, M. Z..., manager de Y..., et M. A..., gérant des Editions du Félin, qui est reconnue comme producteur par l'artiste elle-même et dont il est établi qu'elle a participé à la production des enregistrements litigieux, n'avait pas eu, à tout le moins elle aussi, l'initiative et la responsabilité de la première fixation des séquences de son en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant justement énoncé que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions et non contre leurs motifs, la cour d'appel, qui a constaté que la société Emi sollicitait la réformation de l'arrêt du 15 avril 1999 " en ce qu'il a énoncé dans ses motifs décisoires qu'il résulte des éléments du dossier que le contrat du 31 janvier 1987 signé par Hervé Barrel par délégation de Cesare A..., gérant des Editions du Félin, a été exécuté, les enregistrements ayant été effectués en application de ce contrat et payés par le même Hervé Barrel pour les Editions du Félin et qu'aucun élément ne démontre que Y... ait enregistré ces titres sous la subordination de Marc Z...agissant en qualité de gérant de Comotion musique ", a, sans dénaturer ses écritures, retenu à bon droit que la tierce opposition formée par cette dernière était irrecevable ; que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé ;
Et attendu qu'après avoir relevé que les éléments versés aux débats démontrent que la société Comotion musique a participé financièrement à la production des enregistrements litigieux, l'arrêt retient que cette participation ne suffit pas à conférer à cette dernière la qualité de coproducteur dès lors qu'elle n'implique ni initiative ni responsabilité au sens de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle et qu'elle s'explique, d'une part, par le contexte d'imbrication financière entre les sociétés Editions du Félin et Comotion musique, d'autre part, en raison de la licence d'exploitation prétendument confiée par la première à la seconde ; qu'il en déduit que la société Comotion musique, qui n'était pas titulaire de droits sur les enregistrements litigieux, n'a pu valablement les céder à la société Emi, de sorte que cette dernière n'est pas recevable à agir en contrefaçon ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen tiré de l'absence, à l'égard de la société Emi, d'autorité de chose jugée de l'arrêt du 15 mars 1999, sur lequel elle ne s'est pas fondée, a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal, qui est recevable :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion musique de leurs demandes contre la société Emi, l'arrêt retient que s'il est acquis au débat que la société Emi a exploité les enregistrements intitulés " Etienne " et " Un espoir " sans y être autorisée par la société Editions du Félin, producteur de ces phonogrammes, c'est essentiellement le comportement des sociétés Editions du Félin et Comotion musique qui, pour avoir sciemment cultivé à l'égard des tiers la confusion de leurs rôles respectifs, est à l'origine du préjudice dont elles demandent ensemble et indistinctement réparation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la faute de la victime n'exclut totalement son droit à indemnisation que lorsqu'elle est la cause exclusive du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour débouter les sociétés Editions du Félin et Comotion musique de leurs demandes contre Mme X..., l'arrêt retient qu'en signant le 26 octobre 1987, aux côtés de la société Comotion musique, un contrat de cession de droits au profit de la société Emi, Mme X... n'a causé aux sociétés Editions du Félin et Comotion musique aucun autre préjudice que celui qu'elles se sont causé à elles-mêmes ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent pas une faute, commise par chacune de ces sociétés, qui serait la cause exclusive du préjudice qu'elles prétendent avoir subi du fait des actes de contrefaçon imputés à Mme X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Editions du Félin et la société Comotion musique de leurs demandes à l'encontre de la société Emi Music France et de Mme X..., l'arrêt rendu le 12 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Emi music France et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Editions du Félin et la société Comotion musique, demanderesses au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2003 en ce qu'il a débouté la société EDITIONS DU FELIN et la société COMOTION MUSIQUE de leurs demandes contre la société EMI MUSIC FRANCE et d'avoir rejeté toute demande contraire à la motivation ;
Aux motifs que, « par le contrat du 26 octobre 1987, Madame X... et la société COMOTION MUSIQUE n'avaient pu valablement céder à la société EMI MUSIC les droits sur les enregistrements litigieux dont ils n'étaient pas eux-mêmes titulaires ; qu'il suit de là que la société EMI MUSIC, qui n'a pas acquis régulièrement ces droits, d'une part, n'est pas recevable à agir en contrefaçon à l'encontre de la société ARCADE MUSIC et, d'autre part, doit répondre elle-même, à l'égard de la société EDITIONS DU FELIN, véritable titulaire des droits, de l'exploitation contrefaisante qu'elle a pu en faire ; que l'article L. 213-1, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l'article L. 214-1 » ; qu'il est acquis aux débats que la société EMI a exploité les enregistrements « Etienne » et « Un espoir » sans y être autorisée par la société EDITIONS DU FELIN, producteur de ces phonogrammes ; que la société EMI oppose vainement à la société EDITIONS DU FELIN des moyens tirés de sa prétendue bonne foi ou de la théorie de l'apparence qui, en toute hypothèse, ne sont pas de nature à valider la cession à son profit de droits dont la société COMOTION MUSIQUE, parce qu'elle n'en était pas titulaire, ne pouvait lui transmettre ; que, sur le préjudice, la société EDITIONS DU FELIN, qui a elle-même exploité les enregistrements litigieux, n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait perdu, du fait de la société EMI, les frais exposés pour la réalisation des enregistrements en cause, au demeurant supportés, pour une part importante, par la société COMOTION MUSIQUE ; que, au surplus, le préjudice dont se prétendent victimes les appelantes n'a été rendu possible que par le fait de la société COMOTION MUSIQUE qui, en se présentant à la société EMI, en fraude des droits de la société EDITIONS DU FELIN, comme le seul producteur des enregistrements en cause, a cédé à cette société EMI des droits qui ne lui appartenaient pas ; que, dans ce contexte, il est pour le moins surprenant que la société EDITIONS DU FELIN se trouve plaider à côté de la société COMOTION MUSIQUE pour demander réparation d'un prétendu préjudice commun dont la seconde est à l'origine ; qu'il est non moins étonnant que les appelantes n'hésitent pas à expliquer que leur préjudice s'analyserait, pour une part au demeurant non déterminée, en la privation (page 34 de leurs dernières conclusions) de la société COMOTION MUSIQUE « d'une activité de commercialisation des enregistrements en sa qualité de licenciée des EDITIONS DU FELIN » alors, d'une part, qu'une telle licence n'a jamais été produite aux débats et, d'autre part, que la société COMOTION MUSIQUE a elle-même successivement cédé cette prétendue licence, au cours de l'année 1987, à la société PATHE MARCONI puis à la société EMI ; que ces éléments, ajoutés aux circonstances relevées à juste titre par le jugement, conduisent la cour à approuver le tribunal en ce qu'il a estimé que c'est essentiellement le comportement des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE qui, pour avoir sciemment cultivé à l'égard des tiers, et jusque dans la procédure devant la cour, la confusion de leurs rôles respectifs, est à l'origine du préjudice dont elles demandent ensemble et indistinctement réparation ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre la société EMI, la société ARCADE MUSIC COMPANY » ;
1/ Alors que d'une part, en affirmant que c'est essentiellement le comportement des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE qui, pour avoir sciemment cultivé à l'égard des tiers la confusion de leurs rôles respectifs, était à l'origine du préjudice dont elles demandaient réparation, sans relever de circonstances de nature à caractériser une faute imputable en propre à la société EDITIONS DU FELIN, de nature à la priver de son droit à indemnisation, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
2/ Alors que d'autre part, la contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en relevant, d'un côté, que la société EDITIONS DU FELIN plaidait à côté de la société COMOTION MUSIQUE pour demander la réparation d'un préjudice commun dont la seconde était à l'origine et en retenant, de l'autre, que le comportement des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE était principalement à l'origine du préjudice dont elles demandaient ensemble réparation, la Cour d'appel s'est contredite sur le point de savoir si seule la société COMOTION MUSIQUE était à l'origine du préjudice ou si les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE l'étaient par leur comportement ensemble, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
3/ Alors que de troisième part, la faute de la victime ne la prive de son droit à indemnisation que si elle est à l'origine du préjudice dont elle demande réparation ; qu'en se bornant à affirmer que c'est essentiellement le comportement des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE qui, pour avoir sciemment cultivé à l'égard des tiers la confusion de leurs rôles respectifs, était à l'origine du préjudice dont elles demandaient réparation sans caractériser en quoi ce comportement imputé à la société EDITION DU FELIN était à l'origine du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis par la société EMI MUSIC FRANCE dont elle demandait réparation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble des articles L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
4/ Alors que de quatrième part, la faute de la victime ne la prive de son droit à indemnisation que si elle constitue la cause exclusive du préjudice qu'elle a subi ; qu'en constatant que c'est essentiellement le comportement des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE qui, pour avoir sciemment cultivé à l'égard des tiers la confusion de leurs rôles respectifs, était à l'origine du préjudice dont elles demandaient réparation, la Cour d'appel, qui a ainsi reconnu que ce comportement n'était pas la cause exclusive du préjudice causé par les actes de contrefaçon retenus à l'encontre de la société EMI MUSIC FRANCE, ne pouvait débouter les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE de leur demande en dommages et intérêts contre la société EMI MUSIC FRANCE sans violer les articles 1382 du Code civil et L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
5/ Alors que de cinquième part, subsidiairement, en retenant que le comportement de la société EDITIONS DU FELINS était à l'origine du préjudice dont elle poursuivait la réparation sans constater qu'il en était la cause exclusive, la Cour d'appel, en déboutant cette société de sa demande en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon commis par la société EMI MUSIC FRANCE, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
6/ Alors que de sixième part, en se fondant sur la considération que la société EDITIONS DU FELIN avait elle-même exploité les enregistrements litigieux pour juger qu'elle n'était pas fondée à soutenir qu'elle aurait perdu, par le fait de la société EMI MUSIC FRANCE, les frais exposés pour la réalisation des enregistrements en cause quand les sociétés EDITION DU FELIN et COMOTION MUSIQUE invoquaient, à titre de préjudice, le fait d'avoir réalisé infructueusement des investissements dont la société EMI MUSIC FRANCE avait indûment tiré profit, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
7/ Alors que enfin, après avoir constaté qu'il était acquis aux débats que la société EMI MUSIC avait exploité les enregistrements « Etienne » et « Un espoir » sans y être autorisée par la société EDITIONS DU FELIN, producteur de ces phonogrammes et seule véritable titulaire des droits sur ces enregistrements, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en rejetant les demandes des sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE tendant à faire interdiction sous astreinte à la société EMI MUSIC FRANCE de reproduire et de représenter les enregistrements des chansons « Etienne » et « Un espoir » ainsi que l'oeuvre audiovisuelle que constitue le vidéoclip du titre « Etienne », violant les articles L. 213-1 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2003 en ce qu'il avait débouté la société EDITIONS DU FELIN et la société COMOTION MUSIQUE de leurs demandes contre Madame X... et d'avoir rejeté toute demande contraire à la motivation ;
Aux motifs que, « selon les appelantes, Mme X... a pris part aux actes de contrefaçon pour avoir cédé à la société EMI, par contrat du 26 octobre 1987, des droits elle ne pouvait plus disposer pour les avoir antérieurement cédés à la société EDITIONS DU FELIN par le contrat du 31 janvier 1987 ; que cependant, en signant ce contrat à côté de la société COMOTION MUSIQUE, Mme X... n'a causé aux appelantes aucun autre préjudice que celui qu'elles se sont causé elles-mêmes, comme indiqué précédemment ; que la société EDITIONS DU FELIN et la société COMOTION MUSIQUE seront en conséquence déboutées de leurs prétentions contre Mme X... » ;
1/ Alors que d'une part, il s'infère nécessairement d'actes de contrefaçon l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral ; que, selon l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, le juge prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ; qu'en ne se prononçant pas sur les actes de contrefaçon qui étaient imputés à Madame X..., motif pris qu'elle n'avait causé aux sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE aucun autre préjudice que celui qu'elles s'étaient causé elles-mêmes, quand la commission d'actes de contrefaçon impliquait nécessairement l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
2/ Alors que d'autre part, en se fondant sur la considération que, en signant le contrat daté du 26 octobre 1987 aux côtés de la société COMOTION MUSIQUE, Madame X... n'avait causé aux sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE aucun autre préjudice que celui qu'elles s'étaient causé elles-mêmes, sans caractériser une faute commise respectivement par chacune de ces sociétés à l'origine du préjudice afférent aux actes de contrefaçon imputés à Madame X... dont elles demandaient réparation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble des articles L. 213-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Emi Music France, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la société EMI contre l'arrêt rendu le 15 avril 1999 par la 18ème chambre sociale de cette cour, d'avoir déclaré irrecevable l'action en contrefaçon de la société EMI et d'avoir rejeté toute demande contraire à la motivation ;
AUX MOTIFS QUE 2. Sur la tierce opposition incidente formée par la société EMI contre l'arrêt du 15, avril 1999 : Considérant qu'il y a lieu de rappeler que Mme X... a saisi en mai 1997 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir prononcer la caducité et subsidiairement la résiliation du contrat d'enregistrement exclusif et de cession de ses droits patrimoniaux qu'elle avait conclu le 31 janvier 1987 avec la société ÉDITIONS DU FELlN ; que la cour, après avoir confirmé le jugement qui avait rejeté l'exception d'incompétence, a évoqué le fond et prononcé la résiliation du contrat ; Considérant que la société EMI demande à la cour de réformer l'arrêt du 15 avril 1999 « en ce qu'il a énoncé dans ses motifs décisoires qu'" il résulte des éléments du dossier que le contrat du 31 janvier 1987 signé par Hervé Barrel par délégation de Cesare A..., gérant des ÉDITIONS DU FELIN, a été exécuté, les enregistrements ayant été effectués en application de ce contrat et payés par le même Hervé Barrel pour Les EDITlONS DU FELIN et qu'aucun élément ne démontre que Guesh Patti ait enregistré ces titres sous la subordination de Marc Z...agissant en qualité de gérant de COMOTION MUSIQUE " » ; Mais considérant que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice et non contre les motifs ; que la société EMI sera en conséquence déclarée irrecevable en sa tierce opposition incidente ; (…) ; 4 Sur la titularité des droits invoqués par la société EMI : Considérant que la société EMI se prétend titulaire des droits sur lesquels elle fonde son action en contrefaçon contre la société ARCADE MUSIQUE COMPANY pour les avoir acquis de la société COMOTION MUSIQUE par le contrat déjà évoqué du 26 octobre 1987 ; Considérant que, compte tenu de l'intervention des sociétés ÉDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE, qui revendiquent pour la première les droits cédés par la seconde, le succès des prétentions de la société EMI dépend du bien fondé de celles de la société ÉDITIONS DU FELIN qui affirme être la seule titulaire des droits de producteur des enregistrements en cause ; Considérant que l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « le producteur de phonogramme est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de sons » ; Considérant qu'il est constant que Mme X... a conclu le 31 janvier 1987 un contrat d'enregistrement exclusif avec la société ÉDITIONS MUSICALES CÉSAR, désignée comme « le producteur », dont il n'est pas contesté qu'elle est identifiée, dans cet acte, par la (ou l'un des) dénomination (s) commerciale (s) de la société ÉDITIONS DU FELIN ; Que Mme X... a par ailleurs concédé l'exclusivité de ses enregistrements à la société COMOTION MUSIQUE par un contrat date du 2 février 1987, en réalité postérieur selon ce qui résulte des éléments du débat ; Considérant qu'il n'est en tout cas nullement question d'un engagement de Mme X... antérieur à celui invoqué à son bénéfice par la société ÉDITIONS DU FELIN, ce qui conduit à conclure que c'est bien cette société qui a eu l'initiative de produire les enregistrements de Mme X..., et non la société COMOTION MUSIQUE ; Qu'il n'est pas davantage allégué que Mme X... aurait été déliée de son engagement initial par la société ÉDITIONS DU FELIN ; que, tout au contraire c'est cette artiste qui a pris l'initiative d'attaquer la validité du contrat du 31 janvier 1987 devant la juridiction prudhommale, invoquant, principalement, sa caducité pour avoir été remplacé par le contrat daté du 2 février 1987 et demandant subsidiairement sa résiliation pour inexécution ou exécution fautive de ses obligations par le producteur ; que la cour, par son arrêt du 15 avril 1999 déjà évoqué, loin de mettre rétroactivement à néant ce contrat initial comme le souhaitait la demanderesse, l'a résilié avec effet à la date de la décision ; Considérant que les éléments du débat démontrent que la société COMOTION MUSIQUE a participé financièrement à la production des enregistrements litigieux ; Mais considérant que cette participation, à quelque degré qu'elle s'établisse, ne suffit pas à conférer à cette société la qualité de coproducteur qu'elle ne revendique d'ailleurs pas ce qu'elle ne pourrait faire sans entrer en contradiction et en conflit d'intérêt avec la société ÉDITlONS DU FELIN au côté de qui elle plaide-mais que la société EMl lui attribue ; que cette participation n'implique en effet ni initiative, ni responsabilité au sens de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle et s'explique suffisamment, d'une part, par le contexte d'imbrication financière des sociétés en cause, la société COMOTlON MUSIQUE étant alors nouvellement créée entre les associés de la société ÉDITIONS DU FELIN et ceux de la société COMOTION pour remédier aux difficultés de cette dernière, d'autre part en raison de la licence d'exploitation (invoquée mais non produite au débat) par laquelle la société ÉDITIONS DU FELIN indique avoir confié à la société COMOTlON MUSIQUE la commercialisation des enregistrements en cause ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par le contrat du 26 octobre 1987, Mme X... et la société COMOTlON MUSIQUE n'ont pu valablement céder à la société EMI les droits sur les enregistrements litigieux puisqu'ils n'en étaient pas eux-mêmes titulaires ; qu'il suit de là que la société EMI, qui n'a pas acquis régulièrement ces mêmes droits, d'une part, n'est pas recevable à agir en contrefaçon à l'encontre de la société ARCADE MUSIC COMPANY, d'autre part doit répondre elle-même, à l'égard de leur véritable titulaire, la société EDITIONS DU FELIN, de l'exploitation contrefaisante qu'elle a pu en faire ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société EMI faisait valoir, sur le fondement de l'article 1351 du code civil, que les différentes décisions, dont se prévalaient les sociétés appelantes pour établir qu'elle n'était pas titulaire des droits en cause, ne lui étaient pas opposables dès lors qu'elle n'avait pas été partie aux litiges aboutissant au prononcé desdites décisions ; qu'elle faisait à cet égard spécialement valoir que « l'arrêt du 15 avril 1999 n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard de EMI et ne peut donc lui être opposé » (conclusions d'appel, p. 12) ; qu'en s'appuyant dès lors sur l'arrêt du 15 avril 1999 pour refuser de reconnaître à société EMI la titularité des droits en cause, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en déclarant irrecevable la tierce opposition de la société EMI dirigée contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, au motif inopérant « que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions et non contre les motifs », quand elle constatait qu'un chef de cet arrêt prononçait la résiliation du contrat conclu le 31 janvier 1987 entre la société Editions du Félin et Mme X..., en précisant que ce chef prononçant la résiliation était « loin de mettre rétroactivement à néant ce contrat initial comme le souhaitait la société EMI » (arrêt, p. 6, §. 2) avant d'en déduire que la société EMI n'avait pu acquérir les droits que la société Comotion Musique et Mme X... n'avaient pu lui céder, l'arrêt du 15 avril 1999 faisant ainsi nécessairement grief à la société EMI, la cour d'appel a violé l'article 583 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tel qu'il est exposé dans les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société EMI formait expressément tierce opposition incidente contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, ce dont il résulte qu'elle visait à la fois le dispositif et les motifs de l'arrêt qu'elle souhaitait remettre en cause à son égard ; qu'en déclarant irrecevable la tierce opposition de la société EMI dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 1999, au motif que la société EMI n'aurait visé que les motifs de l'arrêt qualifiés de décisoires, la tierce opposition n'étant ouverte que contre le dispositif des décisions et non contre les motifs, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige tel qu'il était présenté dans les conclusions de la société EMI, en violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le producteur de phonogrammes est la personne qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que la société Editions du Félin était le producteur de l'artiste Y... aux termes d'un contrat antérieur à celui conclu entre l'artiste et la société Comotion Musique, sans rechercher si la société Comotion Musique, qui avait alors pour associés, M. Z..., manager de Y..., et M. A..., gérant des Editions du Félin, qui est reconnue comme producteur par l'artiste elle-même et dont il est établi qu'elle a participé à la production des enregistrements litigieux, n'avait pas eu, à tout le moins elle aussi, l'initiative et la responsabilité de la première fixation des séquences de son en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle.