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27/06/2012 | FRANCE | N°11-85744

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juin 2012, 11-85744


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Victor X...,
- Mme Claudine Y..., épouse X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 juin 2011, qui, dans l'information suivie sur leur plainte, contre personne non dénommée, des chefs d'entrave à la liberté des enchères, abus de faiblesse et trafic d'influence, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le

premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvega...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Victor X...,
- Mme Claudine Y..., épouse X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 juin 2011, qui, dans l'information suivie sur leur plainte, contre personne non dénommée, des chefs d'entrave à la liberté des enchères, abus de faiblesse et trafic d'influence, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 80, 85, 86, 184, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté la demande des époux X... tendant à voir prononcer la nullité de l'ordonnance de non-lieu ;

"aux motifs que, s'agissant de la motivation de l'ordonnance de non-lieu, le réquisitoire définitif notifié aux parties civiles n'avait pas donné lieu à des observations de leur part et qu'ainsi, le juge d'instruction a pu avoir un avis identique sur l'absence de charges suffisantes, sans avoir à s'expliquer sur une contestation de la motivation du parquet ; qu'en tout état de cause, la chambre de l'instruction statuant en appel d'une ordonnance de non-lieu peut, le cas échéant, substituer ses propres motifs à ceux du juge d'instruction ; qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance de non- lieu ; que si le réquisitoire introductif ne vise que deux des trois infractions dénoncées par la plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction était saisi des trois infractions et qu'il convient de statuer sur l'existence ou non de charges suffisantes concernant ces trois infractions ;

"1) alors que, la motivation d'une décision doit établir l'impartialité de la juridiction ; qu'en l'espèce, il était constant que l'ordonnance de non-lieu n'était que la reproduction servile des réquisitions du parquet qui est l'une des parties à la procédure ; qu'en refusant, néanmoins, d'en prononcer la nullité, la chambre de l'instruction a violé l'article 6, § 1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"2) alors que, le juge d'instruction doit instruire à charge et à décharge et indiquer dans son ordonnance, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes ; qu'en l'espèce, il était constant que l'ordonnance de non-lieu n'était que la reproduction servile des réquisitions du parquet qui est l'une des parties à la procédure, de sorte qu'elle était impropre à établir que le juge d'instruction avait statué à charge et à décharge ; qu'en refusant, néanmoins, d'en prononcer la nullité, la chambre de l'instruction a violé l'article 184 du code de procédure pénale ;

"3) alors que, le juge d'instruction a le devoir d'instruire sur l'ensemble des faits dénoncés par la victime dans sa constitution de partie civile ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le juge d'instruction avait été saisi de trois chefs d'infraction, à savoir, l'entrave à la liberté des enchères, le trafic d'influence et l'abus frauduleux de situation de faiblesse, mais que l'information n'avait été ouverte que sur des seuls chefs d'entrave à la liberté des enchères et d'abus frauduleux de situation de faiblesse ; que le juge d'instruction avait ainsi omis de statuer sur le délit de trafic d'influence dont il était saisi ; que, dès lors, en confirmant l'ordonnance de non-lieu pourtant entachée de nullité, la chambre de l'instruction a violé les articles 85 et 86 du code de procédure pénale ;

Attendu que les parties civiles ne sauraient faire grief à l'arrêt de ne pas avoir annulé l'ordonnance entreprise pour avoir prononcé par des motifs repris du réquisitoire et omis de statuer sur le chef de trafic d'influence visé dans leur plainte avec constitution de partie civile dès lors qu'en cas d'annulation, la chambre de l'instruction aurait été tenue d'évoquer et de statuer au fond et qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction lui a substitué ses propres motifs ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-6, 433-2 et 223-15-2 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu du 8 novembre 2010 ;

"aux motifs que, le délit d'entrave à la liberté des enchères prévu à l'article 313-6 du code pénal, tel qu'il est visé par la plainte, consiste, dans une adjudication publique, à écarter ou tenter d'écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou les soumissions par dons, promesses, ententes ou tout autre moyen frauduleux ; que les époux X... ont fait état dans leur plainte de l'usage de moyens frauduleux pour limiter les enchères avant le jugement d'adjudication, des rumeurs, entretenues par Mme Z..., ayant laissé entendre que M. et Mme X... avaient accueilli l'huissier à coups de fusil et l'avaient séquestré deux ou trois fois, ce qui avait dissuadé quiconque de visiter leurs maisons ; que, cependant, l'enquête n'a pas permis de confirmer cette rumeur ni d'en attribuer la responsabilité à une personne déterminée ; que l'enquête n'a pas non plus apporté d'éléments sur une éventuelle entente entre les professionnels de l'immobilier pour que le prix d'adjudication soit faible ; qu'après l'adjudication, une surenchère était possible pendant un délai de dix jours, mais qu'aucune surenchère n'a eu lieu en dépit du faible prix ; que, si M. A... a déclaré avoir été démarché par Mme Z... qui lui a demandé de lui verser 100 000 francs pour ne pas surenchérir, ce qui serait constitutif du délit, les charges de ce délit sont insuffisantes dès lors que si cette dernière a déclaré qu'elle disposait d'une somme suffisante pour M. A... pour ne pas le faire, et qu'ainsi, seules les déclarations de ce dernier la mettent en cause, en l'absence de tout autre élément venant appuyer ces accusations ; qu'après l'adjudication, s'ouvrait parallèlement un délai de trente jours pendant lequel la commune pouvait exercer son droit de préemption sur le bien, notamment en application de l'article L. 616, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation ; qu'il ne s'agit cependant pas d'une surenchère, la préemption s'exerçant au prix de la dernière enchère ou de la surenchère ; que, dès lors, l'exercice de ce droit de préemption, qui n'opère qu'une substitution de la commune à l'adjudicataire sans modification du prix, ne peut entrer dans les prévisions de l'article 313-6 du code pénal, les éventuels dons ou promesses ne pouvant avoir pour effet d'écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou les soumissions ; que, dès lors, les charges du délit d'entrave à la liberté des enchères sont insuffisantes ; que le délit de trafic d'influence visé à la plainte et prévu à l'article 433-2, alinéa 2, du code pénal consiste dans le fait de céder aux sollicitations ou de proposer des dons, promesses ou avantages à une personne pour qu'elle use de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une décision favorable ; que si le document remis en copie par M. A..., par lequel il s'engageait à verser à Mlle Laetitia Z... la somme de 22 865 euros dès que la mairie de Saint-Martin-du-Tertre n'exercerait pas son droit de préemption sur la propriété des époux X..., pourrait, si son authenticité était avérée, laisser à penser qu'une offre a été faite à Mme Z... pour qu'elle use de son influence réelle ou supposée sur le maire de la commune, l'enquête, et, notamment, l'audition de M. A..., comme celle de Mme X..., a révélé que la proposition supposée faite par Mme Z... à M. A..., laissait entendre qu'elle avait de l'influence, réelle ou supposée, sur les époux X... pour qu'ils interviennent auprès du maire de la commune, non qu'elle pouvait user de son influence réelle ou supposée sur le maire de la commune lui-même ; qu'ainsi, que le document soit ou non authentique, les faits ne peuvent être constitutifs du délit de trafic d'influence, l'influence éventuellement monnayée devant s'exercer sur des particuliers ; que les charges du délit de trafic d'influence sont ainsi insuffisantes ; que, pour être constitué, le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne prévu à l'article 223-15-2 du code pénal, suppose que celle-ci soit un mineur ou une personne dont la particulière vulnérabilité était connue de l'auteur ou une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ; que les expertises et les contre-expertises ordonnées par le juge d'instruction afin de déterminer si l'une ou l'autre des parties civiles était en état de particulière vulnérabilité en 2003, ont conclu que ni M. X... ni Mme X... n'étaient en état de particulière vulnérabilité en 2003 ; que ces derniers n'invoquent pas un état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions ; que, dès lors, les charges du délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne sont insuffisamment caractérisées ; que les charges des délits d'entrave à la liberté des enchères, de trafic d'influence, d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne ou de toute autre infraction, sont insuffisamment caractérisées à l'encontre des mis en cause ou de quiconque ; qu'aucune autre investigation complémentaire ne saurait être de nature à pallier à cette insuffisance de charge ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"1) alors que, le fait de monnayer, par une entente avec l'adjudicataire, une renonciation à un projet de surenchère dont la réalisation eût entraîné une adjudication nouvelle caractérise le délit d'entrave à la liberté des enchères prévu à l'article 313-6 du code pénal ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. A..., adjudicataire à vil prix de la maison d'habitation des époux X..., avait reconnu avoir été démarché par Mme Z... après l'adjudication, laquelle lui avait demandé de lui verser 100 000 francs pour ne pas surenchérir, ce qui suffisait à caractériser l'infraction ; que, dès lors, en écartant le délit d'entrave, au motif inopérant que Mme Z... n'avait pas confirmé avoir demandé de l'argent à M. A... pour ne pas surenchérir, la chambre de l'instruction, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé ;

"2) alors que, les arrêts sont nuls quand ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire de conclusions ; qu'en l'espèce, dans leur mémoire en appel, les demandeurs soutenaient que Mme Z... avait usé de son influence auprès du maire de la commune de Saint-Martin-du-Tertre pour le convaincre de renoncer à exercer son droit de préemption, en se faisant passer auprès de lui pour le défenseur des époux X... et en lui demandant de ne pas préempter car elle allait faire en sorte de tout arranger pour cette famille qui conserverait son bien immobilier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que lors de son audition, M. B..., maire de la commune de Saint-Martin-du-Tertre, avait confirmé que sans l'intervention auprès de lui de Mme Z..., la mairie aurait certainement préempter, vu le faible prix de l'adjudication ; que, dès lors, en omettant de répondre à ce moyen, pourtant de nature à démontrer que l'influence monnayée s'était bien exercée sur le maire de la commune et, en conséquence, à caractériser le délit de trafic d'influence, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;

"3) alors, qu'en outre , dans leur mémoire en appel, les époux X... contestaient les conclusions des expertises et soutenaient que leur état de faiblesse au moment des faits résultait des documents communiqués en pièce n° 11 jointes à la plainte, à savoir les cartes d'invalidité à 80% de M. X..., gravement handicapé, depuis un accident de travail survenu en 1963, et épileptique, et de Mme X..., en état de fragilité physique et psychologique, les dossiers médicaux des époux X... révélant notamment des traitements lourds de nature à les fragiliser et les problèmes cardiaques et de dépression de Mme X..., hospitalisée à plusieurs reprises, ainsi que les documents attestant du traumatisme subi par les époux X... après la vente de leur maison ; qu'ils citaient également les propos tenus par Mme Z... lors de son audition, sur leur incapacité à apprécier la situation et leur état mental, « il s'agissait de propriétaires un peu fous les époux X... » ; que, dès lors, en s'abstenant de s'expliquer sur l'ensemble de ces documents, pourtant de nature à démontrer l'état de vulnérabilité dans lequel se trouvaient les époux X... au moment des faits, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 223-15-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits d'entrave à la liberté des enchères, trafic d'influence et abus de faiblesse, ni toute autre infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-85744
Date de la décision : 27/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 14 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jui. 2012, pourvoi n°11-85744


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.85744
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