LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2010), que M. X... a été engagé par la société Maîtres-Chiens télésurveillance parisiens en qualité d'agent d'exploitation, qualification IGH1 ; que l'employeur l'a informé par lettre en date du 3 janvier 2007, réitérée le 29 janvier, de son nouveau site d'affectation ; que le salarié a refusé de rejoindre ce poste au motif qu'il s'interrogeait sur la conformité de cet emploi avec sa qualification ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 5 mars 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié ; que la modification de l'affectation d'un salarié, lorsqu'elle n'entraîne ni rétrogradation, ni diminution de la rémunération, ne constitue qu'un simple changement des conditions de travail ; que, dès lors, la cour d'appel devait rechercher si l'affectation à des tâches de surveillance d'établissements recevant du public constituait une rétrogradation par rapport à l'affectation à la surveillance d'immeubles de grande hauteur et si la rémunération du salarié avait diminué ; que faute d'avoir effectué cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'un changement d'affectation caractérise une modification du contrat de travail dès lors qu'il concerne des fonctions de qualification différente ;
Et attendu, qu'après avoir relevé que l'employeur avait affecté le salarié à un travail ne comportant pas l'exercice effectif de la qualification d'agent d'exploitation 16 H 1 qui lui avait été contractuellement reconnue, la cour d'appel, n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maîtres-Chiens télésurveillance parisiens aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Maîtres-Chiens télé surveillance parisiens.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence alloué à M. X... diverses indemnités et des rappels de salaire ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces de la procédure que M. A. X... qui était affecté sur le site "Washington Plaza ", a été affecté à compter du 30 octobre 2006 sur le site "Washington Berri", qu'il a refusé de rejoindre au motif qu'il ne correspondait pas à sa qualification ; QU'il a été affecté par lettre du 3 janvier 2007, réitérée le 29 janvier 2007, sur le site de la faculté de Jussieu, sur lequel il refusait également de se rendre au motif, comme il le précisait dans son courrier du 2 février 2007, qu'il attendait des précisions sur la conformité de ce poste au regard de sa qualification IGH1 ; QU'alors que l'employeur lui adressait plusieurs mises en demeure de rejoindre son poste, ce que le salarié contestait en continuant à réclamer des précisions sur celui-ci, ainsi qu'un blâme pour absence injustifiée, M. A. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mars 2007 pour les motifs suivants, rappelant ses courriers précédents, notamment du 21 février 2007 par lesquels il demandait à l'employeur de respecter sa qualification contractuelle d'IHG1 et de lui régler ses salaires de novembre et décembre 2006, ainsi que janvier et février 2007 : "En effet, vous avez d'autorité cessé de verser mon salaire en me considérant en absence injustifiée, alors que je me suis toujours tenu à la disposition de l'entreprise pour effectuer un travail conforme à ma qualification d'agent IHG1 pour laquelle j'ai été contractuellement engagé. Pour autant, et alors que je vous ai mis en demeure à plusieurs reprises de m'adresser une affectation correspondant à mes fonctions et m'indiquant clairement si le poste auquel vous m'affectez correspond à la qualification d'agent IHG1, vous n'avez jamais daigné m'adresser une telle lettre d'affectation. Privé de ma rémunération et devant votre obstination à ne pas vouloir me confier un poste conforme à ma qualification actuelle, je me vois aujourd'hui contraint de prendre acte par la présente lettre de la rupture de mon contrat de travail de votre fait. Je vais donc saisir le conseil de prud'hommes afin de faire valoir mes droits et faire juger que la rupture du contrat de travail est intervenue à vos torts exclusifs. Je compte également et notamment réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées et qui n'ont pas été payées" ; QUE par la suite, M. A. X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2007 pour le motif suivant : "abandon de poste caractérisé depuis le 14 novembre 2006" ; QUE l'employeur lui reprochait dans ce courrier de "refuser de se présenter à son poste de travail depuis cette date, malgré l'envoi successifs de ses plannings de novembre, décembre 2006, janvier, février et mars 2006, l'envoi de courriers lui demandant de reprendre instamment le travail et les conséquences qui pourraient en découler." ; QUE l'employeur lui rappelait qu'il l'avait "sanctionné par un blâme le 8 janvier 2007 pour absences injustifiées et refus de travail, lui laissant une chance de se reprendre", mais constatait "qu'il n'avait toujours pas repris le travail à ce jour." ; QUE s'agissant d'une prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié, qui emporte en conséquence immédiatement rupture du contrat de travail, le licenciement ultérieur devenant dès lors inopérant, il convient d'apprécier si cette prise d'acte était fondée, de nature à produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou si elle était injustifiée, ce qui lui donnerait les effets d'une simple démission, QU'à l'appui de sa prise d'acte de rupture, M. A. X... invoque sa qualification d'agent d'exploitation IGH1, selon lui non compatible avec la nouvelle affectation que l'employeur lui a donnée à compter du 14 novembre 2006, ce dont il conclut que l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail, sans son accord préalable, ce qui lui donnait le droit de ne pas se présenter dans ces conditions à cette nouvelle affectation et justifiait selon lui sa prise d'acte de rupture ; QUE pour s'opposer aux demandes du salarié, l'employeur fait valoir que le refus de M. A. X... d'accepter ses nouvelles affectations était fautif dans la mesure où il était titulaire du diplôme d'agent des services de sécurité et incendie et assistance à personnes, dit SSIAP, qui englobait, depuis un arrêté du 2 mai 2005, celui d'agent de surveillance des immeubles de grande hauteur, dit IGH1 et celui des Etablissements recevant du public, dit ERP ; QU'en outre l'employeur fait valoir que la dernière affectation attribuée au salarié, à savoir la faculté de Jussieu, était composée d'immeubles de grande hauteur et permettait en conséquence au salarié d'exercer ses fonctions dans le cadre de la qualification qu'il revendique ; QUE la Sarl MCTS en conclut que les absences répétées du salarié à ces différentes affectations étaient fautives depuis le 14 novembre 2007 et que sa prise d'acte de rupture était à cet égard injustifiée ; QUE cependant, il n'est pas utilement contesté qu'aux termes du dernier contrat à durée indéterminée conclu entre les parties le 1er mai 2000, M. A. X... avait été embauché en qualité d'agent d'exploitation avec la qualification "IGH1", ce qui signifie qu'il était habilité à assurer la surveillance d'immeubles de grande hauteur, qualification particulière, notamment visée par l'arrêté du 18 octobre 1977 portant règlement de sécurité pour les immeubles de grande hauteur ; QUE c'est à cet égard en vain que l'employeur prétendu qu'étant détenteur d'un diplôme SSIAP, l'intéressé pouvait être affecté aussi bien à un IGH qu'à un ERP alors qu'il ne démontre pas que, du fait de ce diplôme, cette qualification particulière d'IGH1 avait été absorbée par celle d'ERP, distincte par la formation que ces deux qualifications impliquaient ; QU'en outre, aucun élément probant, notamment le "cahier des clauses techniques particulières" du campus de Jussieu, communiqué par l'employeur, n'établit que les fonctions confiées au salarié correspondaient à sa qualification IHG1 ou même SSIAP alors que la seule tour de la faculté de Jussieu qui correspondait à cette qualification n'était pas utilisée car en travaux, les autres bâtiments relevant de la qualification ERP ; QUE dès lors, en l'affectant à un travail ne comportant pas l'exercice effectif de la qualification d'agent d'exploitation IHG1 qui lui avait été contractuellement reconnue, l'employeur a modifié le contrat de travail de I'intéressé, ainsi que l'a retenu à bon droit le conseil de prud'hommes ; QU'il convient en outre de relever que si l'employeur invoque des raisons de nature disciplinaire à savoir une mésentente de l'intéressé avec certains de ses collègues de travail, pour justifier des nouvelles affectations litigieuses attribuées au salarié, force est de constater que les décisions d'affectation versées aux débats ne font état d'aucun motif ; QU'en tout état de cause, il revenait à l'employeur de respecter la qualification contractuelle de M. A. X... ou de recueillir son accord préalable ; QU'or il ressort des pièces de la procédure que le salarié a protesté au contraire à plusieurs reprises contre ces nouvelles affectations, notamment par lettre du 29 décembre 2006, dans laquelle il rappelait sa qualification, reprochant à l'employeur de ne lui donner plus que des postes de "portier ou simple gardien" ; QUE de même, par son courrier du 21 février 2007, le salarié demandait à nouveau à l'employeur de "respecter son contrat de travail" en l'affectant à un site compatible avec sa qualification lGH1 et de lui régler ses salaires des mois de novembre et décembre 2006, pendant lesquels il avait été considéré, à tort selon lui, comme étant en "absences injustifiées" ; QU'il convient de relever que l'employeur ne justifie pas avoir communiqué au salarié les précisions que celui-ci a sollicitées à plusieurs reprises, dans ses courriers précités, notamment des 2 et 21 janvier 2007, sur la qualification exacte du poste de Jussieu auquel il était en dernier lieu affecté par la Sarl MCTS à compter du 3 janvier 2007 ; QU'à cet égard, il convient de relever que la décision de l'employeur, en date du 2 janvier 2007, l'affectant à Jussieu, ne précise pas l'emploi exact auquel l'intéressé est affecté, se bornant à indiquer "vous êtes affecté sur le site de la faculté de Jussieu" ; QUE dans ces conditions, l'affectation du salarié à ce nouveau poste, ne correspondant pas à sa qualification contractuelle constituait une modification de son contrat de travail et caractérisait en conséquence un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles envers le salarié, ôtant tout caractère fautif à l'absence du salarié à ce nouveau poste à compter de cette affectation illicite ; QUE ce manquement grave justifiait dès lors à lui seul la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par le salarié le 5 mars 2007 aux torts de l'employeur, après plusieurs demandes de M. A. X... de voir respecter son contrat de travail ; QUE cette prise d'acte de rupture produit en conséquence les effets d'un licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il y ait lieu de s'attarder sur le fait que dès lors, c'est à tort que l'employeur ne lui a en outre pas réglé ses salaires depuis le mois de novembre 2006, en le considérant à tort comme en absence injustifiée ; QUE la prise d'acte de rupture par le salarié de son contrat de travail rend en conséquence inopérant le licenciement pour faute gravé prononcé ultérieurement, le 3 avril 2007, par l'employeur pour "abandon de poste caractérisé depuis le 14 novembre 2006", la rupture étant donc déjà intervenue du fait de la prise d'acte du salarié, le 5 mars précédent ;
ALORS QUE l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié ; que la modification de l'affectation d'un salarié, lorsqu'elle n'entraîne ni rétrogradation, ni diminution de la rémunération, ne constitue qu'un simple changement des conditions de travail ; que, dès lors, la cour d'appel devait rechercher si l'affectation à des tâches de surveillance d'établissements recevant du public constituait une rétrogradation par rapport à l'affectation à la surveillance d'immeubles de grande hauteur et si la rémunération du salarié avait diminué ; que faute d'avoir effectué cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.