COUR DE CASSATION12 CRD 002
Audience publique du 21 mai 2012
Prononcé au 25 juin 2012
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Vérité, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par Cédric X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 23 novembre 2011 qui lui a alloué une indemnité de 9 000 euros en réparation de son préjudice moral, 3 588 euros pour les honoraires d'avocat et 4 000 euros en réparation du préjudice professionnel sur le fondement de l'article 149 du code précité ; ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 21 mai 2012, l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Plouvier, avocat au barreau de Paris, représentant M.
X...
;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de Mme le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
M. Cédric X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Vejnar, substituant Me Plouvier conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Vérité, les observations de Me Vejnar, avocat substituant Me Plouvier représentant le demandeur et celles de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de Mme l'avocat général Valdès-Boulouque, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que par ordonnance du 23 novembre 2011, le premier président de la cour d'appel de Versailles, ayant rejeté les autres demandes, a alloué à M. Cédric X..., outre 3 588 euros au titre des honoraires d'avocat et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 9 000 euros en réparation du préjudice moral et 4 000 euros en réparation du " préjudice professionnel ", subis à raison d'une détention effectuée du 23 février 2000 au 15 septembre 2000, pour des faits pour lesquels il a été acquitté le 1er août 2010 ;
Que M.
X...
a formé un recours ; qu'il réitère les demandes qu'il avait initialement formées devant le premier président au titre du préjudice moral (30 900 euros), de la perte de salaires et points de retraite subie pendant huit mois et de la chance d'évoluer dans son emploi (22 400 euros au total) ; qu'il sollicite 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande de confirmer l'ordonnance du chef des sommes allouées au titre des honoraires d'avocat ;
Que l'agent judiciaire du Trésor, conclut au rejet du recours ;
Que l'avocat général conclut au rejet du recours formé au titre du préjudice matériel ;
Qu'il observe que la somme allouée au titre du préjudice moral, pourrait être réévaluée ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que le premier président a pris avec pertinence en considération la durée de la détention, et la circonstance que l'intéressé a été privé d'assister à la naissance de son enfant, intervenue au cours de la détention ;
Attendu qu'il ne résulte pas du casier judiciaire de M.
X...
que les courtes peines qui y sont mentionnées aient été exécutées et que dès lors M.
X...
ait eu une connaissance du milieu carcéral préalable à son placement en détention ;
Que M.
X...
a été détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, dont la vétusté et le taux d'occupation élevé ont été dénoncés dans le rapport remis au Sénat le 28 juin 2000 par la commission d'enquête sur " Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France ", et le rapport remis le 28 juin 2000 à l'Assemblée Nationale par la commission d'enquête sur " La situation dans les prisons françaises ", concomitants à la période de détention subie par M.
X...
;
Que ces conditions de détention, que M.
X...
a nécessairement subies à titre personnel, doivent être prises en considération dans l'appréciation du préjudice moral qu'elles ont incontestablement contribué à aggraver ;
Que le préjudice moral subi sera plus justement réparé par l'allocation de la somme de 15 000 euros ;
Sur le préjudice économique :
Attendu que M.
X...
n'exerçait pas d'activité professionnelle au moment de son incarcération, que cependant il avait travaillé régulièrement et recherchait un emploi ;
Que M.
X...
justifie exercer une activité salariée stable depuis le mois suivant son élargissement ;
Qu'il établit avoir subi une perte de chance d'exercer une activité professionnelle au cours de la période de détention ;
Que le premier président a fait une exacte évaluation de cette perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale aux salaires auxquels M.
X...
aurait pu prétendre s'il avait pu travailler, correspondant à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
Qu'il y a lieu de rejeter le recours de ce chef ;
Sur les frais de conseil :
Attendu que le recours ne portant pas sur les frais de conseil, ce chef de dispositif est définitif sans qu'il y ait lieu de le confirmer ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à M.
X...
la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE partiellement le recours de M. Cédric X..., et statuant à nouveau ;
ALLOUE à M. Cédric X... la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) au titre du préjudice moral ;
REJETTE le surplus du recours ;
ALLOUE à M. Cédric X... la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE le Trésor public aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 25 juin 2012 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.