LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 mars 2011), qu'à la suite d'un contrôle d'un cabinet médical de radiologie exploité par la SELARL Cabinet d'imagerie médicale de Cestas (la société), l'URSSAF de la Gironde (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales dues par cette société, au titre des années 2004 à 2006, les sommes versées aux médecins ayant effectué au sein de l'établissement des remplacements au motif que les sommes versées à ces derniers devaient être requalifiées en salaires ; qu'après rejet de son recours, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de la lettre d'observations du 14 septembre 2007 et de la mise en demeure du 7 novembre 2007, alors, selon le moyen, qu'à l'issue du contrôle mené par l'URSSAF en matière de cotisations, l'inspecteur du recouvrement communique à l'employeur un document daté et signé par lui mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, et s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés, dans le respect du principe du contradictoire ; que cette formalité substantielle, qui a pour but de donner un caractère contradictoire au contrôle et de sauvegarder les droits de la défense, est d'application stricte ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir, d'une part, que la lettre d'observations du 14 septembre 2007 procédait par affirmations sans qu'aucune constatation au cas par cas, ni aucun examen des conditions individuelles d'exercice pour chacun des médecins remplaçants concernés n'aient été effectués et, d'autre part, que, dans une lettre du 30 juin 2008 confirmant le redressement, l'URSSAF, pour la première fois, faisait référence à un questionnaire adressé aux médecins remplaçants, qui ne sera communiqué à la société dans le cadre de la procédure judiciaire qu'en mai 2009, en sorte que le respect du principe du contradictoire avait été méconnu ; qu'en refusant de prononcer la nullité de la lettre d'observations du 14 septembre 2007 et de la mise en demeure subséquente du 7 novembre 2007, sans s'expliquer, en l'absence d'examen de la situation personnelle de chacun des médecins remplaçants, sur la prise en compte par l'URSSAF d'éléments postérieurs au contrôle et non communiqués au cabinet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, dans sa lettre d'observations du 14 septembre 2007, l'inspecteur du recouvrement avait fait part de ses remarques à la société dans le respect de l'ensemble des préconisations réglementaires, en expliquant de façon contradictoire le fait qu'il fondait l'assujettissement des médecins remplaçants sur les conditions de leur exercice ; que tous les éléments du débat étaient alors en possession de la société, laquelle avait pu faire valoir contradictoirement et de manière très complète ses observations par courrier du 11 octobre 2007; qu'il en déduit que la lettre d'observations et la mise en demeure étaient valables ;
Qu'en l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui a constaté que les médecins, chargés par les associés de la société de les remplacer au cabinet médical pendant leurs absences, exerçaient leur activité de médecins radiologues dans le local professionnel de la société, avec mise à disposition des moyens techniques administratifs et humains de cette dernière, dans le cadre des horaires d'ouverture du cabinet, en contrepartie d'une rémunération garantie sous forme de rétrocessions d'une partie des honoraires, sans supporter le risque de l'exploitation temporaire, qu'ils rendaient compte verbalement de l'activité du cabinet à la société, et qui n'a pas réfuté les faits constatés par l'inspecteur du recouvrement relatifs à l'absence de clientèle propre des médecins remplaçants qui traitaient les patients du cabinet et à l'absence d'immatriculation des intéressés en qualité de travailleurs indépendants, ce dont il s'évinçait l'existence d'un lien de subordination dont l'indépendance dont ils bénéficiaient dans l'exercice de leur art n'était pas exclusive, a, en écartant un tel lien pour le motif tiré du fait que "de par la nature même de la relation contractuelle établie avec leurs remplaçants", les associés de la société n'étaient pas en mesure d'exercer un quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de discipline, violé les articles L. 331-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si les médecins remplaçants pouvaient dépendre dans l'organisation de leur travail de la nécessité de respecter le droit du travail applicable aux personnels salariés, tels que les manipulateurs radio et les secrétaires, mais aussi des besoins des patients, ils restaient libres d'organiser leur activité dans le cadre des horaires d'ouverture de la structure, sans avoir à en référer à cette dernière; que les associés de la société n'étaient pas en mesure d'exercer le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements, et ce en raison même de la nature de la relation contractuelle avec les médecins remplaçants; que ces derniers confirmaient que, s'ils rendaient compte verbalement à la société de l'activité du cabinet de radiologie, ils étaient libres de leur organisation et de leurs décisions et exerçaient sous leur seule responsabilité; que l'URSSAF ne démontrait donc pas que la société donnait des ordres et des directives aux médecins remplaçants et exerçait un pouvoir disciplinaire sur ces derniers ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire qu'en l'absence de lien de subordination entre la société et les médecins remplaçants, il n'y avait pas lieu de soumettre la société à l'obligation d'affilier ces derniers aux assurance sociales du régime général ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne l'URSSAF de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF de la Gironde ; la condamne à payer à la SELARL Cabinet d'imagerie médicale de Cestas la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de la Gironde (demanderesse au pourvoi principal)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le redressement opéré par l'URSSAF de la Gironde, portant réintégration dans l'assiette des cotisations de la SELARL CABINET D'IMAGERIE MEDICALE DE CESTAS des rémunérat ions versées à des médecins remplaçant s pour la période du 1e r janvier 2004 au 31 décembre 2006
AUX MOTIFS QUE l'existence d'un lien de subordination envers un employeur est une condition d'affiliation au régime général, lien qui est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des direct ives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquement s de son subordonné, que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en l'espèce, l'URSSAF démontrait que les médecins remplaçants exerçaient dans le local professionnel de la SELARL Cabinet d'Imagerie Médicale de CESTAS, avec mise à disposition de moyens techniques, administratifs et humains de la SELARL, et ce sans contrepartie financière, en bénéficiant d'une rémunération garantie sous forme de rétrocession d'une partie des honoraires, ne supportant donc pas le risque de l'exploitation temporaire ; que cependant, la SELARL démontrait par la production d'attestations que si les médecins remplaçant s pouvaient dépendre dans l'organisation de leur travail de la nécessité de respecter le droit du travail applicable aux personnels salariés tels que les manipulateurs radio et les secrétaires mais aussi des besoins des patients, ils étaient libres d'organiser leur activité dans le cadre des horaires d'ouverture de la structure, sans avoir à lui en référer ; que les associés de la SELARL démontraient qu'ils n'étaient pas en mesure d'exercer le pouvoir de donner des ordres et des direct ives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements , et ce de par la nature même de la relation contractuelle établie avec leurs remplaçants ; que les deux médecins interrogés par l'URSSAF confirmaient que, s'ils rendaient compte verbalement à la SELARL Cabinet d'Imagerie Médicale de CESTAS de l'activité du cabinet de radiologie, ils étaient libres de leur organisation et de leurs décisions, que de plus il était démontré qu'ils exerçaient sous leur seule responsabilité ; qu'ainsi l'URSSAF de la Gironde ne démontrait pas que la SELARL Cabinet d'Imagerie Médicale de CESTAS donnait des ordres et des directives aux médecins remplaçants, alors que celle-ci affirmait et démontrait par des attestations que ceux-ci organisaient seuls leur activité et étaient totalement indépendant s dans leur décisions médicales ; que de même l'URSSAF de la Gironde ne parvenait pas à faire état d'un quelconque pouvoir disciplinaire sur les remplaçants à qui le cabinet était confié ; qu'il en résultait que le lien de subordination entre la SELARL Cabinet d'Imagerie Médicale de CESTAS et les médecins remplaçants n'était pas établi, et qu'en conséquence il n'y avait pas lieu de soumettre la SELARL à l'obligation de les affilier au régime général
ALORS QUE la cour d'appel qui a constaté que les médecins, chargés par les associés de la SELARL de les remplacer au cabinet médical pendant leurs absences, exerçaient leur activité de médecins radiologues dans le local professionnel de la SELARL, avec mise à disposition des moyens techniques administratifs et humains de la SELARL, dans le cadre des horaires d'ouverture du cabinet, en contrepartie d'une rémunération garant ie sous forme de rétrocessions d'une partie des honoraires, sans supporter le risque de l'exploitation temporaire, qu' il s rendaient compte verbalement de l'activité du cabinet à la SELARL, et qui n'a pas réfuté les fait s constatés par l'inspecteur du recouvrement relatif s à l'absence de clientèle propre des médecins remplaçants qui traitaient les patients du cabinet et à l'absence d'immatriculation des intéressés en qualité de travailleurs indépendants, ce dont il s'évinçait l'existence d'un lien de subordination dont l'indépendance dont ils bénéficiaient dans l'exercice de leur art n'était pas exclusive, a, en écartant un tel lien pour le motif inopérant tiré que du fait que "de par la nature même de la relation contractuel le établie avec leurs remplaçants», les associés de la SELARL n'étaient pas en mesure d'exercer un quelconque pouvoir de direct ion, de contrôle et de discipline, violé les articles L.331-2 et L.242-1 du Code de la sécurité sociale
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet d'imagerie médicale de Cestats (demanderesse au pourvoi incident)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde en date du 11 mars 2010 en ce qu'il a prononcé la nullité de la lettre d'observation du 14 septembre 2007 et la mise en demeure subséquente du 7 novembre 2007 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale que, à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle ; que ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faîtes au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ; que, dans sa lettre d'observation en date du 14 septembre 2007, l'inspecteur de l'URSSAF a fait part de ses observations à La SELARL Cabinet d'imagerie médicale de Cestas dans le respect de l'ensemble des préconisations réglementaires ; qu'il a notamment expliqué contradictoirement le fait qu'il basait l'assujettissement des médecins remplaçants sur les conditions de leur exercice ; que tous les éléments du débat étaient alors en possession de La SELARL Cabinet d'imagerie médicale de Cestas qui a pu faire valoir contradictoirement et de manière très complète ses observations par courrier du 11 octobre 2007 ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la lettre d'observation du 14 septembre 2007 et la mise en demeure subséquente du 7 novembre 2007 ;
ALORS QU'à l'issue du contrôle mené par l'URSSAF en matière de cotisations, l'inspecteur du recouvrement communique à l'employeur un document daté et signé par lui mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, et s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés, dans le respect du principe du contradictoire ; que cette formalité substantielle, qui a pour but de donner un caractère contradictoire au contrôle et de sauvegarder les droits de la défense, est d'application stricte ;qu'en l'espèce, la SELARL faisait valoir, d'une part, que la lettre d'observations du 14 septembre 2007 procédait par affirmations sans qu'aucune constatation au cas par cas, ni aucun examen des conditions individuelles d'exercice pour chacun des médecins remplaçants concernés n'aient été effectués et, d'autre part, que, dans une lettre du 30 juin 2008 confirmant le redressement, l'URSSAF, pour la première fois, faisait référence à une questionnaire adressé aux médecins remplaçants, qui ne sera communiqué à l'exposante dans le cadre de la procédure judiciaire qu'en mai 2009, en sorte que le respect du principe du contradictoire avait été méconnu ; qu'en refusant de prononcer la nullité de la lettre d'observations du 14 septembre 2007 et de la mise en demeure subséquente du 7 novembre 2007, sans s'expliquer, en l'absence d'examen de la situation personnelle de chacun des médecins remplaçants, sur la prise en compte par l'URSSAF d'éléments postérieurs au contrôle et non communiqués au cabinet, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.243-59 du Code de la Sécurité Sociale.