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20/06/2012 | FRANCE | N°11-12490

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 juin 2012, 11-12490


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 août 1996, Jean X... a souscrit auprès de la société La Mondiale, devenue AG2R La Mondiale, un contrat d'assurance sur la vie désignant comme bénéficiaires ses quatre enfants, François à hauteur de 43,75 %, Bernadette, Marguerite et Cécile à hauteur de 18,75 % chacune ; que Jean X... est décédé le 5 décembre 1997, laissant ces enfants pour lui succéder ; que Bernadette et Cécile X... ont fait assigner leur frère François X... et la société La Mondi

ale en nullité du contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est pr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 août 1996, Jean X... a souscrit auprès de la société La Mondiale, devenue AG2R La Mondiale, un contrat d'assurance sur la vie désignant comme bénéficiaires ses quatre enfants, François à hauteur de 43,75 %, Bernadette, Marguerite et Cécile à hauteur de 18,75 % chacune ; que Jean X... est décédé le 5 décembre 1997, laissant ces enfants pour lui succéder ; que Bernadette et Cécile X... ont fait assigner leur frère François X... et la société La Mondiale en nullité du contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :
Attendu que la société AG2R La Mondiale fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de prescription, alors, selon le moyen, "que la prescription quinquennale constitue, dans tous les cas où l'action n'est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d'action en nullité relative pour vice du consentement ; que l'action en nullité du contrat d'assurance-vie pour insanité du souscripteur, qui ne dérive pas du contrat d'assurance, n'est soumise qu'à la prescription de cinq ans prévue à l'article 1304 du code civil auquel renvoie l'article 414-2 (489 ancien) du code civil ; qu'en retenant, pour en déduire que l'action exercée le 12 janvier 2006 et tendant au prononcé de la nullité du contrat d'assurance-vie souscrit le 9 août 1996 pour insanité d'esprit et vice du consentement n'était pas prescrite, que la prescription décennale de l'article L. 114-1 du code des assurances devait s'appliquer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 114-1 du code des assurances et refus d'application l'article 1304 du code civil" ;
Mais attendu que, fût-il de pur droit, le moyen est irrecevable dès lors qu'il repose sur une argumentation incompatible avec celle que la société AG2R La Mondiale avait développée devant la cour d'appel en prétendant que l'action en nullité du contrat d'assurance litigieux dérivait de celui-ci ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter l'action en annulation du contrat d'assurance pour insanité d'esprit de son souscripteur, l'arrêt énonce que, sur le bulletin de souscription, la mention du montant du capital investi, absente en chiffres, est bien précisée par le visa explicite à l'ensemble du patrimoine de Jean X... et, qu'en conséquence, il ne saurait être déduit de l'absence alléguée de toute somme l'existence d'un trouble mental chez lui ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun des deux exemplaires du bulletin de souscription, régulièrement produits aux débats, ne porte de mention relative à l'ensemble du patrimoine de Jean X..., l'arrêt, dénaturant ces pièces, a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mmes Cécile et Bernadette X... en annulation du contrat d'assurance pour vice du consentement de son souscripteur, et en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. François X..., l'arrêt énonce que la nullité pour défaut de consentement dû à un trouble mental ne peut être invoquée par les ayants droit du défunt que dans les cas énumérés à l'article 489-1 ancien du code civil ;

Qu'en s'abstenant de répondre au moyen selon lequel Mmes Cécile et Bernadette X... faisaient valoir que le contrat d'assurance était entaché de nullité en raison de l'abus de faiblesse commis à l'égard de son souscripteur par François X..., lequel avait ainsi engagé sa responsabilité à leur endroit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Erol et la société AG2R La Mondiale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Erol et la société AG2R La Mondiale à payer la somme totale de 2 500 euros à Mme Cécile X... ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme Cécile X..., épouse Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit irrecevable l'action en nullité fondée sur l'article 489-1 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE la compagnie LA MONDIALE et Madame EROL soutiennent que la demande sur le fondement de l'article 489-1 du Code civil est irrecevable faute de pouvoir justifier d'un des cas d'ouverture de l'action tels que prévu par ce texte ; que Mesdames B et C X... répliquent qu'ainsi que les premiers juges l'ont relevé, l'acte litigieux porte en lui-même la preuve du trouble mental de son auteur, tant au vu de l'écriture de celui-ci, telle qu'analysée par l'expert judiciaire que par l'absence de mention du capital investi ; qu'il ne saurait être déduit de la seule mention « lu et approuvoir » qui figure de la main de Jean X... sur l'acte de souscription que celle-ci apporte la preuve que son auteur était atteint d'un trouble mental ; que la mention du montant du capital investi, absente en chiffres, est bien précisée par le visa explicite à l'ensemble du patrimoine de Jean X... ; qu'en conséquence, il ne saurait être déduit de l'absence alléguée de toute somme l'existence d'un trouble mental chez Jean X... ; qu'aucune pièce n'établit, par ailleurs, que la souscription a été faite dans un temps où Jean X... était placé sous sauvegarde de justice ou qu'une action avait été introduite avant son décès aux fins de faire ouvrir sa tutelle ou sa curatelle, qu'il s'ensuit que l'action est irrecevable sur le fondement de l'article 489-1 ancien du Code civil ;
1°- ALORS QUE Cécile et Bernadette X... soutenaient que la souscription d'un contrat d'assurance susceptible de dépouiller le souscripteur de l'essentiel de son patrimoine et portant au surplus révocation de dispositions testamentaires devait s'analyser en donation au sens de l'article 414-2 du Code civil ; qu'en ne recherchant pas si la souscription du bulletin d'adhésion au contrat d'assurance vie ne constituait pas une donation indirecte entre vifs autorisant qu'il soit attaqué en dehors des trois cas d'ouverture visés par l'article 489-1 ancien du Code civil, tout en retenant que le souscripteur aurait explicitement placé sur ce contrat l'ensemble de son patrimoine la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
2°- ALORS QUE le bulletin de souscription au contrat d'assurance vie signé le 9 août 1996, ne porte aucune mention relative au montant du capital investi ou même à son importance ; qu'en affirmant que cette absence de mention était supplée par « le visa explicite à l'ensemble du patrimoine de Jean X... », quand ne figure sur ce bulletin aucune référence, ni explicite, ni même implicite, à l'ensemble du patrimoine du souscripteur, la cour d'appel a dénaturé ce document contractuel et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué débouté Mesdames Cécile et Bernadette X... de leurs demandes en nullité du contrat d'assurance vie et en dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE la compagnie LA MONDIALE et Madame EROL estiment qu'aucune clause de nullité, tant relevant du droit commun des contrats (article 1109 du code civil) que du trouble des facultés mentales, n'est caractérisée, que la compagnie précise qu'aucune des conditions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'est susceptible d'être accomplie dans la mesure où la faculté de renonciation appartient personnellement au souscripteur ; que Mesdames Cécile et Bernadette X... soutiennent au contraire que le bulletin de souscription est nul pour insanité d'esprit, vice du consentement ou absence d'objet et que le contrat n'a pas té formé dès lors que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'ont pas été respectées ; que la nullité pour défaut de consentement dû à un trouble mental ne peut être invoquée par les ayants-droit du défunt que dans les cas énumérés à l'article 489-1 ancien du code civil ; que par ailleurs, le défaut d'objet du contrat n'est pas caractérisé dès lors que celui-ci, ainsi qu'il y est précisé, visait à souscrire une assurance vie répartie entre deux supports nommés pour la totalité du patrimoine et au bénéfice des ayants droit du défunt (…) ; que la mention du montant du capital investi, absente en chiffres, est bien précisée par le visa explicite à l'ensemble du patrimoine de Jean X... ;
1° ALORS QUE le contrat d'assurance vie qui ne mentionne pas le montant des primes versées ou exigibles est nul ; qu'en refusant de prononcer la nullité du contrat après avoir elle-même constaté que faisait défaut la mention du capital investi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 112-4, L. 131-1 L. 132-5 et R. 132-4 du code des assurances ;
2°- ALORS QUE le bulletin de souscription au contrat d'assurance vie signé le 9 août 1996, ne porte aucune mention relative au montant du capital investi ou même à son importance ; qu'en affirmant que cette absence de mention était supplée par « le visa explicite à l'ensemble du patrimoine de Jean X... », quand ne figure sur ce bulletin aucune référence, ni explicite, ni même implicite, à l'ensemble du patrimoine du souscripteur, la cour d'appel a dénaturé ce document contractuel et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;
3°- ALORS QUE Cécile et Bernadette X... soutenaient qu'abstraction même faite de toute insanité d'esprit, le contrat était nul à raison de l'abus de faiblesse dont ce dernier François X... s'était rendu coupable et qui engageait sa responsabilité et celle de ses ayants cause ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°- ALORS enfin QUE Cécile et Bernadette X... soutenaient que la compagnie La Mondiale avait engagé sa responsabilité en s'abstenant de notifier à Jean X... d'exercer la faculté de rétractation prévue par la loi et en falsifiant le bulletin de souscription, notamment dans ses mentions relatives à la répartition des avoirs ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mesdames Cécile et Bernadette X... de leurs demandes tendant à ce qu'il soit dit que François X... s'est rendu coupable de recel successoral et que sa succession n'aura aucune part sur le capital investi dans le contrat d'assurance vie litigieux, à ce que ses héritiers soient condamnés à payer des dommages-intérêts à la succession de Jean X...,
AUX MOTIFS QUE la non-révélation d'un contrat d'assurance vie, dont la validité ne peut être attaquée et qui ne fait que disposer, conformément à la volonté du de cujus, de la quotité disponible au profit d'un des héritiers, n'est pas en soi constitutive d'un recel successoral, que cet acte ne constitue, en effet, pas une donation déguisée illicite dès lors que les héritiers réservataires sont préservés dans leur droit et que la compagnie d'assurance les a informés du contrat dont ils sont les bénéficiaires ;
ALORS QUE la non-révélation d'un contrat d'assurance vie est constitutive d'un recel successoral si les primes étaient manifestement exagérées et devaient donner lieu à rapport à la succession, peu important que le bénéfice du contrat pour l'un des attributaires n'eût pas excédé la quotité disponible ; que pour débouter Mesdames Cécile et Bernadette X... de leur action en recel successoral, la cour d'appel s'est bornée à constater que les droits des héritiers réservataires étaient préservés et que la compagnie d'assurance les avait informés du contrat dont ils étaient bénéficiaires ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si les primes n'étaient pas manifestement exagérées et ne devaient pas dès lors donner lieu à un rapport à la succession, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 ancien du Code civil ;Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société AG2R La Mondiale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de prescription ;
AUX MOTIFS QUE « il résulte des termes de l'article L 114-1 du code des assurances que la prescription est portée à 10 ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur, que cette disposition trouve à s'appliquer sans qu'il y ait lieu de distinguer si le bénéficiaire est ou non l'ayant droit du souscripteur, qu'il convient de rejeter l'exception et de confirmer le jugement de ce chef » ;
ALORS QUE la prescription quinquennale constitue, dans tous les cas où l'action n'est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d'action en nullité relative pour vice du consentement ; que l'action en nullité du contrat d'assurance-vie pour insanité du souscripteur, qui ne dérive pas du contrat d'assurance, n'est soumise qu'à la prescription de cinq ans prévue à l'article 1304 du code civil auquel renvoie l'article 414-2 (489 ancien) du code civil ; qu'en retenant, pour en déduire que l'action exercée le 12 janvier 2006 et tendant au prononcé de la nullité du contrat d'assurance-vie souscrit le 9 août 1996 pour insanité d'esprit et vice du consentement n'était pas prescrite, que la prescription décennale de l'article L 114-1 du code des assurance devait s'appliquer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 114-1 du code des assurances et refus d'application l'article 1304 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-12490
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 jui. 2012, pourvoi n°11-12490


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Bénabent, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12490
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