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20/06/2012 | FRANCE | N°10-21375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 juin 2012, 10-21375


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2010), que la société de droit français Chaudronnerie mécanique ariégeoise (la société CMA) a, le 24 novembre 2000, conclu avec la société de droit iranien Adjor Sofal Nemoneh Pars (la société ASNP) un contrat portant sur l'étude, la conception, la fabrication, la mise au point technique et l'assemblage de machines pour l'équipement en Iran d'une usine de production de briques et de tuiles selon un procédé dit SBF ; que

ce contrat comportait une clause compromissoire confiant l'organisation de l'...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2010), que la société de droit français Chaudronnerie mécanique ariégeoise (la société CMA) a, le 24 novembre 2000, conclu avec la société de droit iranien Adjor Sofal Nemoneh Pars (la société ASNP) un contrat portant sur l'étude, la conception, la fabrication, la mise au point technique et l'assemblage de machines pour l'équipement en Iran d'une usine de production de briques et de tuiles selon un procédé dit SBF ; que ce contrat comportait une clause compromissoire confiant l'organisation de l'arbitrage à la Chambre de commerce internationale ; qu'un différend étant né sur la mise en oeuvre de la chaîne de production, la société ASNP a, le 5 mars 2008, saisi la Cour internationale d'arbitrage ; que, par sentence rendue en France le 14 août 2009, un arbitre unique a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société CMA et l'a condamnée à payer à la société ASNP plusieurs sommes ;

Attendu que la société CMA fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation contre cette sentence, alors, selon le moyen :

1°/ que l'arbitre doit, lorsqu'il se prononce sur un litige, se conformer à la mission qui lui a été confiée par les parties, telle qu'elle résulte de l'acte de mission et des prétentions des parties; que l'acte de mission de l'arbitre en date du 15 octobre 2008 n'évoquant nullement, dans sa partie consacrée aux «points litigieux à résoudre par le tribunal arbitral» (points 8.1 à 8.4), le procédé de fabrication SBF, l'arbitre ne pouvait se prononcer sur la conformité de ce procédé pour lequel la société CMA n'avait pris aucun engagement ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont violé l'article 1502-3° du code de procédure civile ;

2°/ que l'arbitre est tenu de respecter le principe de la contradiction, qui implique la possibilité pour une partie de répliquer aux écritures de la partie adverse tant que l'instruction demeure ouverte ; qu'après avoir constaté que l'arbitre avait refusé de tenir compte du mémoire déposé le 21 avril 2009 par la société CMA en réplique au mémoire final de la société ASNP, quand la clôture des débats, seule de nature à justifier l'exclusion des écritures produites par une partie, n'avait été prononcée que le 13 mai 2009, la cour d'appel devait nécessairement en déduire la violation du principe de la contradiction, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'existence d'un consentement des parties quant au choix opéré par l'arbitre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1502-4° du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la mission de l'arbitre, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties, sans qu'il y ait lieu de s'attacher au seul énoncé des questions litigieuses dans l'acte de mission ; qu'ayant relevé, d'abord, qu'il n'est pas contesté qu'il appartenait à l'arbitre de déterminer si la société CMA avait exécuté ses obligations en livrant des machines propres à produire la quantité et la qualité requises de tuiles et de briques, ensuite, que l'arbitre avait constaté que cette société s'était portée garante du procédé SBF et s'était engagée à livrer une usine de briqueterie fonctionnant selon ce procédé, ce que le président, directeur général de ladite société n'avait pas contesté, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'arbitre n'avait pas méconnu le périmètre de sa mission en concluant que la société CMA avait failli à ses obligations contractuelles au titre desquelles celle-ci garantissait la fiabilité dudit procédé ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les parties avaient convenu de ne déposer qu'une seule écriture, qu'aucune réplique aux mémoires finaux n'était prévue par le calendrier prévisionnel, largement discuté et amendé à la demande des parties, et qu'aucun accord n'était intervenu entre elles sur une telle réplique, la cour d'appel en a exactement déduit que l'arbitre, à qui il appartenait de contrôler la procédure, n'avait pas méconnu le principe de la contradiction en mettant fin aux débats qu'il estimait complets ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Chaudronnerie mécanique ariègeoise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour la société Chaudronnerie mécanique ariégeoise

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation introduit par la SOCIETE CMA à l'encontre de la sentence arbitrale en date du 14 août 2009,

AUX MOTIFS QUE

« Sur le premier moyen d'annulation : l'arbitre unique a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conféré (article 1502 3° du CPC) :

La société CMA dit que l'arbitre avait pour mission de déterminer si les parties avaient respecté les obligations mises à leur charge par le contrat ; qu'il ne lui appartenait pas, alors que les machines fonctionnaient parfaitement et que la concluante avait dès lors satisfait à ses obligations, de se prononcer sur la conformité du procédé de fabrication SBF dont il n'était pas le promoteur et qui avait été choisi par la seule société ASNP ; qu 'en application de l'article 19 du règlement de la CCI, l'arbitre ne pouvait étendre sa mission à l'examen de ce procédé que si une requête avait été déposée à cette fin et avec l'accord des deux parties ; qu 'en outre, il a fondé sa position sur une conviction, sans référence à une norme et sans ordonner d'expertise et n'a donc pas motivé sa décision qui, au total, néglige de répondre aux questions fondamentales de l'acte de mission, à savoir si les parties avaient respecté leurs obligations contractuelles.

Considérant que la mission de l'arbitre définie par la convention d'arbitrage est délimitée principalement par l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties ; qu'il n 'est pas contesté qu 'à ce titre il appartenait à l'arbitre, notamment, de déterminer si la société CMA avait exécuté ses obligations en livrant des machines propres à produire la quantité et la qualité requises de tuiles et de briques ;

Considérant que l'arbitre rappelant (§ 283) « que l'obligation contractuelle principale et essentielle de CMA était la livraison d'une usine équipée de machines permettant d'utiliser le procédé SBF pour la fabrication de briques et de tuiles en quantité et qualité définies par le crédit documentaire (articles 1.1 et 7 du contrat)» a nécessairement été amené à se prononcer, d'une part, sur la quantité produite, d'autre part, sur la qualité de cette production et partant sur la viabilité du procédé SBF ; qu 'il a pu établir, sans avoir à recourir à une mesure d'instruction dont au demeurant il n'est pas établi qu 'elle aurait été demandée, après avoir procédé à l'audition de plusieurs témoins et notamment de Monsieur X... qui a développé le procédé SBF, que cette technique n'a jamais été maîtrisée ; qu'enfin, constatant que la société CMA s 'est portée garante du procédé SBF et s'est engagée à livrer une usine de briqueterie fonctionnant selon ce procédé, ce que M Y..., PDG de la société CMA, n 'a pas contesté (§ 305 et 306), il a pu, sans méconnaître le périmètre de sa mission, conclure que la société CMA avait failli à ses obligations contractuelles au titre desquelles elle garantissait la fiabilité dudit procédé.

Qu 'en réalité, la société CMA, en soutenant ce premier moyen qui manque en fait, invite la cour à examiner la pertinence des motifs de la sentence, ce qui est interdit au juge de l'annulation ;

Que le premier moyen est donc rejeté ;

Sur le second moyen d'annulation : le principe de la contradiction n'a pas été respecté (article 1502 4° du CPC) :

La société CMA reproche à l'arbitre d'avoir écarté son mémoire en réplique au mémoire final de la société ASNP, alors que la clôture des débats n'était pas encore intervenue, et d'avoir entendu les témoins en audioconférence, et non comme prévu en vidéoconférence, ce qui n 'aurait pas permis de s'assurer de leur identité. Elle dit encore que le traducteur fourni par la société ASNP n'était pas à la hauteur de sa tâche et s'est contenté de faire un résumé « à sa façon », que le constat effectué par le Bureau Méritas sur place en Iran n 'a pas été contradictoire et qu 'elle n 'a jamais été invitée à assister au procès-verbal d'état des équipements livrés alors que le contrat prévoyait la présence des parties.

Considérant qu 'il ressort du rappel dans la sentence de la procédure suivie, rappel non contesté par les parties, que (§ 202), le 5 mars 2009, 1 'arbitre et les parties ont déposé une seule écriture, que (§ 203), par courrier du même jour, l'arbitre a signifié aux parties un calendrier prévisionnel n° 4, que (§ 205), par courriel du 20 mars 2009, les parties ont requis une extension de délai d'une semaine pour déposer leurs mémoires finaux, que (§ 209) l'arbitre a étendu au 1er avril 2009 le délai pour le dépôt des écritures finales, que (§ 210) les parties ont signé à cette date leurs mémoires finaux à l'arbitre qui en a accusé réception le 7 avril 2009 en indiquant qu 'à défaut d'objection des parties les pièces complémentaires versées jusqu'au 15 avril 2009 seraient reconnues comme valablement versées aux débats (§ 211), que, par courrier du 21 avril 2009, la défenderesse (CMA) a soumis des observations suite au mémoire final de la demanderesse (§ 213), que le 27 avril 20091 'arbitre a tenu une conférence téléphonique entre les parties durant laquelle la demanderesse s'est opposée au dépôt de ces observations (§ 214), que celle-ci, par courriel du 28 avril 2009, a complété ses objections (§ 215) et que, par courrier du même jour, l'arbitre a pris acte de l'opposition de la demanderesse et conclu que « faute d'accord des parties sur la possibilité de répliquer au mémoire final de l'autre partie et afin
d'assurer l'efficacité et le contrôle de la procédure, I'arbitre unique décide qu'il ne sera pas tenu compte de cette écriture complémentaire de la défenderesse du 21 avril 2009 » (§ 216) ;

Qu'aucune réplique aux mémoires finaux n 'étant prévue par le calendrier prévisionnel largement discuté et amendé à la demande des parties, à défaut d'accord entre elles sur une telle réplique et alors qu'elles avaient déjà longuement débattu, l'arbitre unique à qui il appartient de contrôler la procédure, ainsi que le souligne la société ASNP, a, sans méconnaître le principe de la contradiction, mis fin aux débats qu 'il estimait complets ;

Considérant, par ailleurs, que tout grief invoqué à l'encontre d'une sentence au titre de l'article 1502 du CPC doit, pour être recevable devant le juge de l'annulation, avoir été soulevé, autant qu 'il est possible, devant le tribunal arbitral lui-même ;

Qu'en l'espèce, si, pour des raisons techniques, l'audition des témoins a été conduite selon un procédé d'audioconférence, et non de vidéo-conférence, la société ASNP relève qu 'à la fin de l'audience, à la question posée par l'arbitre d'éventuels griefs à formuler, le conseil de la société CMA s 'est borné à répondre « on ne fera des griefs qu'après la sentence » ; qu 'ainsi, faute d'avoir protesté quant au déroulement de l'audition des témoins, que ce soit en raison de l'abandon de la vidéoconférence ou du manque de compétence du traducteur, d'ailleurs nullement démontrée, la société CMA est irrecevable à soulever ces griefs devant le juge du contrôle ;

Considérant, en ce qui concerne le rapport d 'inspection du Bureau Véritas, qu'il n 'est pas contesté que la société CMA, bien que parfaitement informée des date et heure des opérations n'était pas représentée ; que cette absence lui est imputable, la seule circonstance qu 'elle invoque d'un retard de son mandataire n 'étant pas de nature à l'exonérer des conséquences de cette négligence qui lui incombe ; qu'au demeurant elle n'a pas fait, au cours de la procédure d'arbitrage, valoir de critiques sur le contenu de ce constat.

Qu'enfin, s 'agissant de la livraison des équipements, elle invoque ici vainement l'absence de procès-verbal contradictoire dès lors que ces livraisons sont bien antérieures à l'ouverture de la procédure arbitrale ;

Qu'ainsi le second moyen d'annulation est rejeté, comme le recours ; »

ALORS, D'UNE PART, QUE l'arbitre doit, lorsqu'il se prononce sur un litige, se conformer à la mission qui lui a été confiée par les parties, telle qu'elle résulte de l'acte de mission et des prétentions des parties ; que l'acte de mission de l'arbitre en date du 15 octobre 2008 n'évoquant nullement, clans sa partie consacrée aux « points litigieux à résoudre par le Tribunal arbitral » (points 8.1 à 8.4), le procédé de fabrication SBF, l'arbitre ne pouvait se prononcer sur la conformité de ce procédé pour lequel la SOCIETE CMA n'avait pris aucun engagement ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont violé l'article 1502 3° du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'arbitre est tenu de respecter le principe de la contradiction, qui implique la possibilité pour une partie de répliquer aux écritures de la partie adverse tant que l'instruction demeure ouverte ; qu'après avoir constaté que l'arbitre avait refusé de tenir compte du mémoire déposé le 21 avril 2009 par la SOCIETE CMA en réplique au mémoire final de la SOCIETE ASNP, quand la clôture des débats, seule de nature à justifier l'exclusion des écritures produites par une partie, n'avait été prononcée que le 13 mai 2009, la cour d'appel devait nécessairement en déduire la violation du principe de la contradiction, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'existence d'un consentement des parties quant au choix opéré par l'arbitre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1502, 4°, du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-21375
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 jui. 2012, pourvoi n°10-21375


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, Me Jacoupy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21375
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