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12/06/2012 | FRANCE | N°11-20971

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juin 2012, 11-20971


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que la Safer s'était engagée à vendre une parcelle à M. X... et qu'en sa qualité de propriétaire du fond il lui appartenait de faire procéder à la publication de l'arrêt du 25 novembre 1998 qui confirmait son titre de propriété sur cette parcelle et de s'opposer à la vente de celle-ci réalisée le 19 octobre 2001, la cour d'appel, qui n'a pas exigé de la Safer qu'elle accomplisse elle-même les formalités de publication de l'arrêt

ni constaté la renonciation de la Safer à un droit et qui n'avait pas à re...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que la Safer s'était engagée à vendre une parcelle à M. X... et qu'en sa qualité de propriétaire du fond il lui appartenait de faire procéder à la publication de l'arrêt du 25 novembre 1998 qui confirmait son titre de propriété sur cette parcelle et de s'opposer à la vente de celle-ci réalisée le 19 octobre 2001, la cour d'appel, qui n'a pas exigé de la Safer qu'elle accomplisse elle-même les formalités de publication de l'arrêt ni constaté la renonciation de la Safer à un droit et qui n'avait pas à rechercher si une mise en demeure avait préalablement été délivrée par M. X..., a pu, sans violer le principe de la contradiction, en déduire que la Safer avait manqué à son obligation de délivrance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que la Safer n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que la perte de plus-value n'était pas un dommage prévisible, ni que l'indemnisation était impossible avant 1989, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, sans être tenue de suivre la Safer dans le détail de son argumentation, a, sans dénaturation, souverainement évalué le préjudice subi par M. X... ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Safer de Picardie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Safer de Picardie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la Safer de Picardie. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par Mme le président en l'audience publique du douze juin deux mille douze, signé par Mme Fossaert, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Safer de Picardie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que la Safer de Picardie a manqué à son obligation de délivrance de la parcelle dont elle était propriétaire et qu'elle s'était engagée, le 28 juin 1985, à rétrocéder à M. X... et de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à M. X... la somme de 451 647, 09 € en réparation du préjudice que lui a causé son manquement à son obligation contractuelle ;
AUX MOTIFS QUE (…) la cour observe que l'acte de rétrocession du 28 juin 1985 comporte les mentions suivantes : « notre société a décidé de vous attribuer la propriété désignée ci-dessus aux conditions indiquées ». La lettre précitée du 8 août 1985 de la Safer à M. X... exposant l'opposition des consorts Y... et la nécessité d'engager une procédure de validation concluait : « ainsi la vente par la Safer à votre profit sera retardée de quelques mois » ; qu'il se déduit de ces deux documents que la Safer s'était engagée à vendre cette parcelle à M. X... et qu'elle était donc, en application des articles 1603 et suivants du code civil, tenue à son obligation de délivrance de cette parcelle ; que la Safer expose que suite à la vente intervenue le 19 octobre 2001 à MM. François et Jean-Luc Y..., il lui a été impossible de satisfaire cette obligation de délivrance, cette vente ayant été régulièrement publiée le 12 décembre 2001 ; que la cour observe qu'en sa qualité de propriétaire du fonds suite à sa préemption réalisée le 4 avril 1985, nonobstant la contestation judiciaire dont elle a fait l'objet, et compte tenu de l'engagement qu'elle avait pris le 28 juin 1985, en sa qualité de propriétaire, de céder ce bien à M. X..., il lui appartenait de satisfaire aux diligences nécessaires à l'acquittement de son obligation de délivrance ; que ces diligences consistaient d'une part à faire procéder à la publication de l'arrêt du 25 novembre 1988 qui confirmait son titre de propriété ; que la Safer se borne à exposer (concl. p. 4) que cet arrêt « curieusement ne faisait pas l'objet d'une publication » ; que la cour relève que cette curiosité relève pour l'essentiel d'une négligence de la Safer puisque c'est elle seule propriétaire du bien qui pouvait procéder à cette publicité ; que cette publicité était compte tenu de son obligation de délivrance envers M. X... non seulement un droit mais une obligation ; que d'autre part il appartenait à la Safer de s'opposer à la vente réalisée le 19 octobre 2001 à MM. François et Jean-Luc Y... ; que la Safer invoque que cette vente ne lui a jamais été notifiée (concl. p. 5) ; que la cour ne saurait être convaincue par cette affirmation ; qu'en effet, son titre de propriété ayant été régulièrement inscrit, le 17 septembre 1985, à la conservation des hypothèques, le notaire ne pouvait sans engager gravement sa responsabilité professionnelle, acter la cession de cette parcelle à un tiers sans lui en référer ; que cette obligation s'imposait à lui alors même comme l'invoque la Safer qu'il s'agissait d'une vente de famille échappant à son droit de préemption ; qu'en effet, d'une part le notaire n'a pas à se faire juge de cette situation et surtout les droits de la Safer dûment enregistrés, étaient sans lien avec son droit ou non d'exercer son droit de préemption dans le cadre de cette vente ; qu'au surplus, si tant est que le notaire, par négligence ou sciemment avait omis de lui faire connaître la cession à MM. François et Jean-Luc Y..., la Safer n'aurait pas manqué de l'appeler en garantie dans le cadre de la présente instance ; que la Safer bien qu'elle se garde bien d'apporter la moindre précision sur ce point n'a pu qu'être informée de cette cession par la lettre recommandée habituelle en pareille circonstance ou par tout autre moyen ; que ce ne peut être que par négligence ou abstention délibérée qu'elle n'a pas fait valoir ses droits lorsqu'elle a été mise en demeure de se manifester avant la cession d'octobre 2001 ; qu'enfin, la Safer titulaire d'un droit publié antérieurement à cette vente, est à ce jour encore en droit de faire déclarer que cette vente lui est inopposable en application de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ; que force est de constater cependant qu'elle n'a engagé aucune procédure en ce sens ni proposé M. X... de régulariser la cession qu'elle lui a promis comme il lui aurait été possible ; qu'ainsi, cette succession d'abstentions est directement à l'origine de son manquement à son obligation de délivrance ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE (…) la Safer invoque que la non réalisation de la rétrocession à M. X... ne résulte que de « l'inertie » (concl. p. 9), voire de la « turpitude » (concl. p. 8) de ce dernier qui pendant plusieurs années n'a pas agi pour la reconnaissance de son droit ; que conformément aux observations de M. X..., la cour observe qu'il n'est nullement invoqué par la Safer que l'action de M. X... soit couverte par une quelconque prescription, de sorte qu'on ne peut l'estimer tardive ; qu'au surplus, il ne pouvait, son droit n'ayant pu être officialisé par un acte authentique, ni publier l'arrêt du 25 novembre 1988, auquel il n'était par ailleurs pas partie, à la conservation des hypothèques, ni faire opposition à la vente réalisée le 19 octobre 2001, n'ayant aucun moyen d'en être informé ; qu'enfin, M. X... justifie, notamment par une sommation interpellative du 22 mars 2010 à M. André Z... employé (retraité) de la Safer, avoir régulièrement pendant ces treize années, relancé cet organisme ; que de l'ensemble des documents et observations des parties, il résulte que dans un premier temps la Safer l'a fait patienter jusqu'à la reddition de l'arrêt de 1988 ; qu'une fois celui-ci rendu, elle lui faisait connaître que la réalisation de ses droits était en l'état inopportune compte tenu de l'occupation de cette parcelle par un certain M. Georges Y..., fort âgé, qu'il eût été inconvenant de déloger ; qu'il résulte de tout cela que c'est la Safer qui a sciemment entretenu M. X... dans la vaine attente de la réalisation des ses droits de sorte que son « inertie » ne saurait constituer pour elle une cause étrangère à sa propre carence ou un motif de responsabilité même partielle de M. X... susceptible de le contraindre à supporter une partie de son préjudice ;
1°/ ALORS QUE le juge ne peut, sans méconnaître le principe de la contradiction, se fonder, pour accueillir une demande dont il est saisi, sur un acte dont il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions, ni des bordereaux de communication de pièces, qu'il a été régulièrement versé aux débats et débattu contradictoirement ; qu'en se fondant, pour exclure toute faute de M. X..., sur une sommation interpellative du 22 mars 2010 censée établir que la Safer aurait sciemment fait patienter ce dernier pendant près de 20 ans, bien qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni des bordereaux de communication des pièces, ni même des conclusions échangées entre les parties que cette sommation ait été régulièrement communiquée et ait fait l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE si aucun délai de délivrance n'a été contractuellement prévu, le vendeur ne peut être condamné au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de délivrance qu'après avoir été mis en demeure par l'acheteur de satisfaire à son obligation contractuelle ; qu'en affirmant au contraire, que la Safer de Picardie est entièrement responsable de l'absence de régularisation de la vente et du manquement à son obligation de délivrance de l'immeuble nonobstant l'absence de mise en demeure adressée par M. X... pendant plus de 20 ans, la cour d'appel a violé les articles 1146 et 1603 du code civil ;
3°/ ALORS QUE la publication d'une décision de justice valant titre de propriété incombe de plein droit aux seuls greffiers, avoués ou avocats et ne dépend donc pas de la volonté des parties ; qu'en affirmant que seule la Safer pouvait procéder à la publication de l'arrêt de la cour d'Amiens la titrant et ordonnant la publication à la conservation des hypothèques, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière dans sa rédaction applicable en la cause ;
4°/ ALORS QUE la renonciation à un droit qui ne se présume pas, doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté d'abdiquer celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la Safer de Picardie « n'a pu qu'être informée de la cession du 19 octobre 2001, par la lettre recommandée habituelle en pareille circonstance ou par tout autre moyen et que ce ne peut être que par négligence ou abstention délibérée qu'elle n'a pas fait valoir ses droits lorsqu'elle a été mise en demeure de se manifester avant ladite cession » ; qu'en présumant ainsi la renonciation de la Safer de Picardie à faire valoir son droit de propriété sur le bien qu'elle avait préempté, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Safer de Picardie à payer à M. X... la somme de 451 647, 09 € en réparation du préjudice que lui a causé son manquement à son obligation contractuelle ;
AUX MOTIFS QUE (…) comme indemnisation de son préjudice, M. X... demande la somme de 451 647, 09 € (…) ; que M. X... estime que la valeur de cette terre est à ce jour de 949 752 € l'hectare soit pour les 2634 m ² qu'il avait envisagé d'acheter 250 164, 68 € ; que la Safer conteste cette évaluation invoquant (conclusions page 11) que M. X... ne produit même pas d'éléments permettant de considérer qu'il aurait pu valablement trouver acquéreur au prix dont il excipe ; que la cour observe cependant que M. X... justifie d'une vente le 20 septembre 2007 à la société Moët et Chandon d'une parcelle de vignes située dans le même secteur sur la commune voisine de Tréloux sur Marne (02) pour la somme qu'il invoque de 949 752 € l'hectare (pièces 35) ; que la cour retiendra donc cette évaluation ; que M. X... demande la perte de cette plus-value qu'il n'a pu réaliser faute d'avoir acquis cette propriété ; que le prix d'acquisition convenu en juillet 1985 étant de 81 000 F soit 12 348, 37 €, il demande à titre de son indemnisation de ce chef la somme de 237 816, 31 € ; qu'il sera donc fait droit à sa demande qui correspond à la plus-value dont il a été privé ; qu'au titre de la perte des revenus que lui aurait procurés cette parcelle pendant la période 1987 à 2006 M. X..., se fondant sur un rendement moyen des parcelles de vigne occupant la même situation dans le voisinage invoque qu'elle lui aurait rapporté une marge bénéficiaire de 209 480, 50 € ; que cette estimation est tenue pour excessive, fantaisiste même un par la Safer qui invoque les rendements plus mesurés de l'exploitation de M. Georges Y... en 1985 et 1986 ; que la cour observe cependant que le calcul produit par M. X... dans ses conclusions est étayé par les pièces qu'il produit notamment un récapitulatif émanant du comité interprofessionnel des vins de Champagne que la Safer n'offre pas de critiquer ; qu'il n'apparaît donc pas contestable ; qu'il sera donc fait droit à cette demande (…) ; qu'invoquant qu'aux termes de l'article 1150 du code civil qu'elle ne cite pas elle n'est tenue qu'à la réparation des dommages prévisibles lors du contrat, la Safer sollicite implicitement la réduction de son obligation à indemnisation ; que la cour observe que la Safer n'expose pas en quoi la perte des revenus d'une exploitation viticole pendant plusieurs années due à l'inexécution prolongée pendant toutes ces années par le vendeur de son obligation de délivrance présenterait un caractère imprévisible ; qu'elle ne sera donc pas suivie sur ce moyen ; qu'ainsi le préjudice total de M. X... s'élève à la somme de 451 647, 09 € soit la totalité des sommes qu'il réclame ;

1°/ ALORS QUE le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts prévisibles ; qu'en se bornant à affirmer que la perte de revenus de M. X... était prévisible, sans vérifier si l'indemnisation de la plus value exceptionnelle réalisée ne présentait pas, par son ampleur et sa durée, un caractère imprévisible pour la Safer de Picardie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du code civil ;

2°/ ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la Safer de Picardie avait expressément contesté le contenu du tableau récapitulatif émanant du comité interprofessionnel des vins de Champagne en soulignant que l'on ne pouvait pas raisonner sur la base de ses indications car cela revenait à considérer que M. X... aurait obtenu une production constante insusceptible d'aléa de quelque nature que ce soit sur une période de 19 ans et cela tenait pas non plus compte des structures mises en place ; qu'en retenant, au contraire, que la Safer n'offrait pas de critiquer le récapitulatif émanant du comité interprofessionnel des vins de Champagne produit par M. X... de sorte que le calcul effectué par ce dernier n'apparaissait donc pas contestable, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions de la Safer, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QU'en faisant droit en totalité à la demande indemnitaire de M. X... présentée au titre d'une perte de revenus faute d'avoir pu exploiter la parcelle litigieuse entre 1987 et 2006, sans rechercher comme elle y avait été invitée, si M. X... aurait pu valablement bénéficier des droits de plantation nécessaires à la production de raisins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ ALORS en toute état de cause QU'en faisant droit à l'intégralité de la demande indemnitaire de M. X... « au titre de la perte des revenus que lui aurait procurés cette parcelle pendant la période 1987 à 2006 », bien que la Safer n'ait été définitivement titrée que par l'arrêt de la cour d'Amiens du 25 novembre 1988, ce qui démontrait que ladite parcelle n'aurait en tout état de cause pas pu être rétrocédée à M. X... avant 1989 et que celui-ci n'aurait pas pu l'exploiter avant cette date, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-20971
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2012, pourvoi n°11-20971


Composition du Tribunal
Président : Mme Fossaert (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.20971
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