LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société TFE Eurofriscfracht logistics (la société TFE), qui organise des transports internationaux de denrées alimentaires sous température dirigée, a conclu avec la société de droit espagnol Grupo Trans Onuba (la société GTO), une convention selon laquelle cette dernière s'engageait à mettre à sa disposition un certain nombre de camions moyennant un prix déterminé ; que n'ayant obtenu qu'un règlement partiel de ses factures, la société GTO a assigné en paiement la société TFE, qui, reconventionnellement, a demandé des dommages-intérêts pour manquement de son cocontractant à ses obligations ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande reconventionnelle, l'arrêt retient que la convention des parties, qui prévoit un nombre défini de rotations par la route entre la péninsule ibérique et Strasbourg moyennant un tarif préétabli, s'analyse en un marché de transport et que l'action en responsabilité exercée par la société TFE est soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les parties s'étaient bornées à conclure une convention de mise à disposition d'un certain nombre de camions selon certaines périodes et pour divers prix sans préciser les marchandises à livrer ni les points de départ et d'arrivée de ces dernières, de sorte que le contrat de transport n'était pas caractérisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Condamne la société Grupo trans onuba aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société TFE Eurofriscfracht logistics.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société TFE EUROFRISCFRACHT LOGISTICS à payer à la société GRUPO TRANS ONUBA SL la somme de 65.947,66 € avec intérêts légaux à compter du 29 septembre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE « la société TFE oppose une contre-créance de 69.512,96 € correspondant à due concurrence de 2.577,96 € au coût d'un sinistre survenu lors d'un transport exécuté le 25 juillet 2005 et à due concurrence de 66.935 € au surcoût généré par l'inexécution du contrat de coopération qui liait les parties ; que n'ayant pas poursuivi en justice l'indemnisation de son préjudice dans l'année qui a suivi la remise de la marchandise endommagée (25 juillet 2005) et ne démontrant pas que la société GTO avait reconnu son droit à obtenir réparation, la société TFE est irrecevable à réclamer le paiement de 2.577,96 € en réparation d'avaries, conformément à l'article L.133-6 du Code de commerce ; qu'il résulte des télécopies des 29 décembre 2004 et 21 janvier 2005 échangées par les parties que la société GTO s'était engagée à mettre à la disposition de la société TFE : 35 camions par semaine pour la période 01/01/2005 au 30/06/2005 (hiver) ; 25 camions par semaine pour la période 01/07/2005 au 31/10/2005 (été) ; 35 camions par semaine pour la période 01/11/2005 au 30/12/2005 (hiver), pour un prix convenu en période hivernale de Montcada : 990 € ; Valencia : 1.065 € ; Pinto : 1.295 € ; Sevilla : 1.650 € ; Porto ou Lisbonne : 1.800 €, augmenté de 150 € en période estivale ; que cet accord par lequel la société GTO s'était engagée à assurer durant l'année 2005 un nombre défini de rotations par la route entre la péninsule ibérique et Strasbourg, moyennant un tarif préétabli, s'analyse en un marché de transport ; que l'action en responsabilité exercée par la société TFE est soumise à la prescription annale de l'article L.133-6 du Code de commerce dès lors qu'elle est fondée sur la violation d'un contrat de transport ; que la société TFE a présenté sa demande reconventionnelle fondée sur la mauvaise exécution du marché selon conclusions déposées le 11 octobre 2007 alors que les manquements dénoncés ont été éprouvés avant le 17 septembre 2005, plus de deux ans auparavant ; que ce chef de demande est également prescrit ; que la société TFE ne détient aucune contre créance » ;
ALORS QUE le contrat par lequel un transporteur s'engage à mettre à la disposition d'une personne un certain nombre de moyens de transport, pour une période donnée et moyennant un prix déterminé suivant les périodes et les destinations, ne saurait s'analyser en un contrat de transport à défaut de détermination de la marchandise à transporter pour chacun des envois envisagés par les parties au contrat ; qu'un tel contrat ne donne lieu qu'à la conclusion de contrats de transport ultérieurs ; que, pour décider que les parties avaient conclu un marché de transport soumis à la prescription annale de l'article L.133-6 du Code de commerce, la Cour d'appel a retenu qu'il résulte des télécopies des 29 décembre 2004 et 21 janvier 2005 échangées par les parties que la société GTO s'était engagée au cours de l'année 2005 à mettre à la disposition de la société TFE, un certain nombre de camions par semaine, suivant diverses périodes et pour divers prix, selon les destinations, ce dont elle a déduit que cet accord par lequel la société GTO s'était engagée à assurer durant l'année 2005 un nombre défini de rotations par la route entre la péninsule ibérique et Strasbourg, moyennant un tarif préétabli, s'analyse en un marché de transport ; qu'il ressort pourtant de ces constatations que les parties étaient seulement convenues de la réalisation de divers transports futurs et donc avaient conclu un contrat cadre ou contrat de coopération qui ne donnait lieu à la conclusion de contrats de transport qu'autant que les parties se soient entendues, pour chaque envoi, sur la marchandise à transporter et sa destination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a donc violé l'article 1134 du Code civil.