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05/06/2012 | FRANCE | N°11-10953

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2012, 11-10953


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société PAC promotion en qualité de promoteur des ventes à compter du 9 septembre 1996 ; qu'après transfert de son contrat de travail à la société Peugeot Citroën automobiles, il a occupé à compter du 1er octobre 2004 le poste de chef de produits ; qu'il a été licencié pour faute le 18 avril 2007 ;
Attendu que p

our débouter le salarié de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société PAC promotion en qualité de promoteur des ventes à compter du 9 septembre 1996 ; qu'après transfert de son contrat de travail à la société Peugeot Citroën automobiles, il a occupé à compter du 1er octobre 2004 le poste de chef de produits ; qu'il a été licencié pour faute le 18 avril 2007 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1152-2 du code du travail et en conséquence de le débouter de ses demandes d'indemnisation pour licenciement nul, la cour d'appel retient que le salarié n'apporte aucune preuve de harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dénonciation des faits de harcèlement moral ne constituait pas la cause véritable de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions qui rejettent les demandes de M. X... au titre d'un rappel de salaires, d'une indemnité pour violation de la procédure de licenciement et de remise de documents sociaux, l'arrêt rendu le 27 octobre 2011 entre les parties, par la cour d'appel de Versailles; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoi devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée;
Condamne la société Peugeot Citroën automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Peugeot Citroën automobiles et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement sur le fondement de l'article L.1152-3 du Code du travail et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes d'indemnisation pour licenciement nul et de réparation du préjudice causé par cette exécution déloyale de son contrat de travail
AUX MOTIFS QUE M. Eric X... est entré au service de la société PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILES à compter du 1er avril 2000, après transfert de son contrat de travail initial conclu à effet au 9 septembre 1996 auprès de la filiale, la société PAC PROMOTION, poursuivant ainsi son activité professionnelle dans le département pneumatiques et sous la responsabilité de M. Bernard Y..., de Mme Anne Z... et enfin de M. Antoine A... ; qu'à compter du 1er octobre 2004 il a été promu cadre (cadre au forfait jours) au poste de chef de produits en charge de l'activité pneumatiques et roues tôles ; que M. Eric X... fait valoir que postérieurement à la diffusion d'un rapport révélant des dysfonctionnements dans la commercialisation des pneumatiques et plus particulièrement dans les relations entre la société PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILES et certains fournisseurs, des cadres de l'entreprise auraient peu apprécié de telles révélations et fait obstacle en conséquence à la poursuite normale de activité professionnelle en le privant de la participation à des réunions importantes avec justement les fournisseurs visés par son rapport, en le privant d'augmentations générales et individuelles de salaires puis en orchestrant une véritable mise à l'écart avec rétrogradation de fonction, envois de reproches incessants, obligation de justifier de ses absences et de menues dépenses, privation d'un téléphone portable et même interdiction faite aux autres collaborateurs d'entrer en contact avec lui ; qu'en procédant à l'analyse des très nombreux documents - essentiellement des courriels échangés avec ses supérieurs hiérarchiques - communiqués par M. Eric X... au soutien de ses accusations de harcèlement moral et de discriminations salariales, il convient de constater qu'étant placé dans un lien hiérarchique au sein d'une importante société fortement hiérarchisée, M. Eric X... était soumis, en sa qualité de cadre non dirigeant, à des directives et instructions données dont le bien fondé relevait de l'appréciation de ses supérieurs hiérarchiques, les juges ne pouvant, sauf abus caractérisés dûment démontrés, se substituer à l'employeur pour définir les tâches confiées ou non à un salarié en fonction d'une qualification reconnue, dire qui doit participer aux réunions organisées au sein d'un département ou direction et sous quelle forme doivent être adressés les reproches et observations décidés dans le cadre normal de l'activité et de l'évaluation des salariés ; qu'ainsi M. Eric X... ne pouvait exiger de participer à toutes les réunions organisées à l'intérieur de l'activité pneumatiques, M. Antoine A..., son dernier supérieur hiérarchique, ayant ainsi pu valablement l'écarter de certaines réunions en estimant que sa présence n'était pas indispensable ou n'était pas nécessaire en fonction des sujets abordés, étant observé que M Eric X... a pu participer à de nombreuses réunions avec des fournisseurs et a été placé dans la même situation que M. Bernard Y..., autre chef de produits, privé lui aussi de la participation à certaines réunions ; qu'en sa qualité de cadre, M. Eric X... n'était pas bénéficiaire des augmentations salariales accordées systématiquement aux ouvriers et ETAM et plus particulièrement aux salariés dont les salaires étaient les plus bas, la seule augmentation générale organisée en début d'année 2007 n'ayant pu être appliquée en raison de son départ de l'entreprise ; que M. Eric X... a fait l'objet d'entretiens d'évaluation en 2005 et 2006 et a pu, à ces occasions, formuler ses critiques à l'encontre des mauvaises appréciations (insuffisances notées dans le travail et le comportement) détaillées par ses supérieurs hiérarchiques (Mme Z... et M. Antoine A...) qui seules ont empêché l'application d'augmentations individuelles au mérite (la tardiveté des entretiens réalisés à ces deux périodes ayant été en conséquence sans incidence sur le montant de la rémunération restée stable du fait des reproches adressées) ; que M. Eric X..., qui a toujours été considéré comme chef de produits, n'a pas fait l'objet d'une rétrogradation, mais d'une redéfinition de ses objectifs et de son rapport hiérarchique en fonction des résultats atteints et des appréciations formulées au cours des années écoulées (les mentions erronées et rectifiées sur les organigrammes ne traduisant pas une volonté de rétrogradation) ; que M. Eric X... a bénéficié de formations jusqu'à la rupture de son contrat de travail, lui-même ne démontrant nullement l'existence d'un refus opposé à l'une quelconque de ses demandes ; que les attestations rédigées en termes généraux et non circonstanciés n'établissent pas que des consignes ont été données ou que des incitations ont été formulées pour priver M. Eric X... de relations dans l'entreprise, les conseils tendant à l'absence de divulgation d'informations relevant par contre du pouvoir de direction de la société ; qu'enfin il appartenait à la direction de l'entreprise de décider de l'attribution d'un téléphone portable en fonction des besoins de chacun ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que M. Eric X... n'apporte aucune preuve de harcèlement moral et de discriminations salariales ;
Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés des premiers juges, QU'il appartient au juge, au vu des pièces produites au débat, de qualifier ou non l'attitude de la Société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES à l'égard de Monsieur X... de harcèlement moral ; que le Conseil a pris le temps d'examiner l'ensemble des pièces produites par Monsieur X... soit plus de 150 ; qu'il en résulte que les faits rapportés par Monsieur X... ne sauraient constituer les éléments exigés par l'article L.1152-1 du Code du Travail pour qualifier le harcèlement moral ; qu'en effet, ces faits constituent dans leur quasi-totalité une correspondance professionnelle propre à la vie d'une grande entreprise telle que la Société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES même si elle relève parfois d'une certaine tension entre un salarié et sa hiérarchie dans un domaine commercial complexe et évolutif ; qu'à aucun moment il n'est rapporté un élément objectif sur l'évolution de l'état de santé physique ou moral de Monsieur X... ; que Monsieur X..., en application de l'article L.1152-3 du Code du Travail, sollicite le paiement par la Société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES de l'ensemble de ses échéances de salaires de la date de licenciement jusqu'à la date de son indemnisation effective ; que l'article L.1152-3 du Code du Travail est ainsi rédigé : « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul » ; que les dispositions de l'article L. 1152-1 sont relatives aux actes de harcèlement moral et celles de l'article L. 1152-2 aux mesures discriminatoires ; que Monsieur X... a été débouté des ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination salariale ; qu'en conséquence, la demande de Monsieur X... n'est pas causée et il en sera débouté ;
ALORS, d'une part, QUE s'il appartient au salarié qui se prétend victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral, d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement, il incombe à l'employeur de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en affirmant dès lors que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve du harcèlement moral dont il prétendait avoir été la victime, quand il lui incombait de rechercher si les faits invoqués par le salarié étaient de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement dont celui-ci aurait été la victime, la Cour d'appel a partiellement inversé la charge de la preuve au regard de l'article L.1154-1, ainsi violé ;
ALORS, d'autre part, QU'en présence d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES avait pu refuser à Monsieur X... toute augmentation individuelle pendant plusieurs années et redéfinir aussi bien ses objectifs que sa position hiérarchique, la Cour d'appel s'est fondée sur les appréciations défavorables dont Monsieur X... avait fait l'objet dans le cadre de ses entretiens annuels d'évaluation ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les appréciations ainsi portées sur les qualités professionnelles de Monsieur X... étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail ;
QU'en affirmant en outre que Monsieur X... n'avait pu se voir appliquer l'augmentation générale organisée en début d'année 2007 en raison de son départ de l'entreprise, alors que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue le 18 avril 2007, la Cour d'appel a statué par voie de motif inopérant au regard des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail, ainsi méconnus ;
QU'en affirmant également que les attestations versées aux débats par Monsieur X... n'établissaient pas que des consignes avaient été données ou que des incitations avaient été formulées pour le priver de relations dans l'entreprise, quand il résultait au contraire de l'attestation de Monsieur B... qu'il avait été « fermement conseillé de ne plus entretenir de propos avec Monsieur X... afin de sécuriser son avenir professionnel », la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce document, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
ALORS encore QU'en s'abstenant de rechercher si le licenciement de Monsieur X... était étranger à tout harcèlement subi par le salarié, après avoir pourtant constaté que les motifs avancés à l'appui de cette mesure disciplinaire n'étaient, soit pas sérieux, soit pas établis, la Cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail ;
Et ALORS encore QU'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel (pp. 26 et suivantes), Monsieur X... rappelait avoir alerté la direction de la société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES les faits de harcèlement moral dont il estimait avoir été l'objet et alléguait que son licenciement, survenu moins d'un mois après cette dénonciation, lui était en réalité consécutif ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dénonciation des faits de harcèlement moral ne constituait pas la cause exacte de son licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-2 et L.1152-3 du Code du travail ;
QU'en retenant que le salarié devait être débouté de sa demande, dès lors que les faits de harcèlement moral qu'il avait dénoncés n'étaient pas caractérisés, sans constater la mauvaise foi de Monsieur X..., la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10953
Date de la décision : 05/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2012, pourvoi n°11-10953


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10953
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