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30/05/2012 | FRANCE | N°11-16944

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mai 2012, 11-16944


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y...et la société CFE ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 février 2011), que par acte sous seing privé établi avec le concours de M. Z..., avocat associé au sein de la société Logos, M. et Mmes A...ont cédé aux époux X... l'ensemble des parts représentatives du capital de la société Holding GIE, elle-même associée unique de la soci

été Cecaubar, opération initialement conclue sous la condition suspensive que M. A...ob...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y...et la société CFE ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 février 2011), que par acte sous seing privé établi avec le concours de M. Z..., avocat associé au sein de la société Logos, M. et Mmes A...ont cédé aux époux X... l'ensemble des parts représentatives du capital de la société Holding GIE, elle-même associée unique de la société Cecaubar, opération initialement conclue sous la condition suspensive que M. A...obtienne des banques ayant consenti des prêts à ces sociétés dont il était le dirigeant d'être libéré de ses engagements de caution par une substitution des acquéreurs comme garants ; que la cession a été réitérée après renonciation de M. A...au bénéfice de cette condition défaillante en raison du refus opposé par les banques ; qu'après plusieurs années d'exploitation, les sociétés GIE et Cecaubar ont été placées en redressement judiciaire, puis en liquidation ; que les époux X... ont, alors, engagé une action en responsabilité contre l'avocat, lui reprochant d'avoir occulté des fautes de gestion commises par l'ancien dirigeant et de ne pas avoir fait procéder à un audit des deux sociétés endettées, manquements à l'origine, selon eux, de la perte de leur investissement ;

Attendu que M. et Mme X... reprochent à l'arrêt de les débouter de leur demande indemnitaire, alors, selon le moyen :

1°/ que l'avocat rédacteur d'acte est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de l'acte auquel il prête son concours ; qu'il n'est pas déchargé de cette obligation par les compétences personnelles de l'une des parties à l'acte qu'il dresse ou la présence aux côtés de cette dernière de conseillers personnels ; que la cour d'appel a dispensé M. Z...de toute obligation particulière d'information et de conseil sur la situation comptable de la société Cecaubar, grevée par le remboursement d'un emprunt ayant pour objet de permettre au gérant, cédant des parts sociales, d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé dans la société holding de la société Cecaubar et d'acquérir un nouveau fonds de commerce, au motif que les époux X..., cessionnaires, avaient sollicité le concours d'experts-comptables pour procéder à l'analyse de la situation ; qu'en statuant ainsi, tandis que la présence de ces professionnels et la mise à disposition de données comptables ne dispensaient pas l'avocat rédacteur de l'acte de cession des parts sociales de conseiller particulièrement les époux X..., de manière complète et circonstanciée, sur les conséquences de ce prêt et de l'endettement inhérent dont il connaissait l'existence et les causes, pour la viabilité de l'opération projetée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, directement ou par un mandataire ; qu'en se fondant sur les attestations et lettres de MM. B..., C...et D...pour retenir la réalité d'un exemplaire original de la lettre du 27 janvier 1992 adressée par M. Z...à M. A...qui aurait porté les paraphes des époux X..., tandis que les documents qui émanaient d'avocats mandataires de M. Z...constituaient pour ce dernier une preuve faite à lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ qu'en se fondant sur les seuls paraphes qui auraient été apposés par les époux X... sur une copie de la lettre du 27 janvier 1992 de M. Z...à M. A..., pour juger que l'avocat avait satisfait à son devoir de conseil au moment de la conclusion des actes dont il était le rédacteur, tandis que la simple connaissance de cette lettre, qui ne figurait pas en annexe des actes de vente des parts sociales, ne suffisait pas à caractériser la délivrance par M. Z...d'un conseil complet et circonstancié aux époux X... sur les conséquences des agissements de M. A...relevés dans cette lettre pour la pérennité de la société Cecaubar dont la rentabilité avait été grevée pendant plusieurs années après la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté, d'une part, qu'en vertu du mandat qui lui avait été confié et dont elle a souverainement apprécié l'étendue, l'avocat avait été chargé d'une mission exclusivement juridique ne couvrant pas les aspects économiques et financiers de l'opération, d'autre part, que l'endettement des sociétés était parfaitement connu des cessionnaires, néanmoins décidés à conclure eu égard à la rentabilité habituelle de l'entreprise, comme le démontrait les échanges épistolaires avec leur expert-comptable, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que le professionnel du droit, qui n'avait pas à se prononcer sur la viabilité du projet, n'avait pas commis de faute en ne mettant pas en garde ses clients sur ce point ; qu'ensuite, le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à lui-même n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques, en sorte que la délivrance d'une information comme le caractère fidèle de la copie d'un document peuvent être établis par tous moyens ; qu'enfin, le juge du fond a souverainement estimé qu'il était établi, au vu de la copie d'une correspondance dont l'original avait été perdu, mais dont l'authenticité n'était pas sérieusement contestable, que l'avocat avait spécialement appelé l'attention de ses clients sur l'utilisation critiquable qu'avait fait l'ancien dirigeant d'une partie des fonds empruntés ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer à M. Z...et à la SEL Logos la somme globale de 3 500 € ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...,

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté monsieur et madame X... de leur demande en responsabilité dirigée contre M. Patrick Z..., avocat, et la SELARL Logos ;

AUX MOTIFS QUE les époux X... ne sauraient reprocher à M. Z...de n'avoir pas fait réaliser un audit des sociétés GIE et Cecaubar avant de rédiger les actes de cession de ces sociétés ; qu'une telle analyse financière ne relevait pas de sa mission mais incombait à la société Delehaye Audit et Conseil, expert comptable chargé de l'établissement des bilans des sociétés Cecaubar et GIE à l'occasion de la cession par M. A...aux époux X... ; que les époux X... avaient en outre pris la précaution de demander son avis à M. Y...qui leur a facturé des honoraires pour cette assistance ; que le fait que M. Z...ait été informé de la reprise par M. A...de partie de son compte courant et de l'utilisation des fonds en provenant pour acquérir une autre société à Valenciennes, par la réception d'une copie de la lettre que ce dernier a adressée à M. E...le 12 octobre 1992 lui demandant de « rectifier les écritures de Cecaubar en conséquence », ne saurait lui imposer davantage un tel audit, alors que la diminution du montant du compte courant apparaissait à la simple lecture et comparaison des bilans de la société Cecaubar des 31 mars 1992 et 30 décembre 1990 ; que pour l'utilisation du prêt de 2 500 000 francs consenti par la BNP pour l'achat d'un autre fonds de commerce aux lieu et place des investissements prévus dans la société Cecaubar, le 27 janvier 1992, M. Z...avait attiré l'attention de M. A...sur « l'utilisation très critiquable du crédit et du patrimoine de la société Cecaubar » ; que M. Z...a pris la précaution de leur donner connaissance de ce courrier comme en attestent les initiales portées sur ladite lettre ; que M. Z...ne produit qu'une photocopie de cette lettre, mais en cas de perte de l'original, l'article 1348 alinéa 2 du code civil permet de recourir à une copie qui en est la reproduction fidèle et durable ; qu'il n'existe aucune raison de mettre en doute l'intégrité des avocats attestant avoir eu en mains l'original ; que le 10 avril 2006 M. B..., ignorant que l'original allait être perdu et n'ayant pu établir ce courrier pour les besoins de la cause, prenait la précaution d'adresser l'original par lettre recommandée avec avis de réception à son correspondant, avocat postulant au tribunal de grande instance de Béthune ; qu'il soulignait que cette pièce était essentielle et qu'il fallait préciser son caractère original sur le bordereau ; que ce courrier est parvenu à Me C..., avocat à Béthune ainsi qu'en atteste la signature sur l'accusé de réception ; que les avocats de M. Z...sont des tiers par rapport à cette lettre et leur témoignage peut être reçu pour justifier de la disparition de ladite pièce ; que Me D..., associée de Me C..., atteste avoir reçu la pièce en cause et l'avoir fait signifier au postulant adverse par voie d'huissier de justice ; que les époux X... ne peuvent se contenter de jeter la suspicion sur ces attestations complétées par le courrier du 10 avril 2006, sans élément de nature à démontrer que ces témoignages seraient des faux ; que le caractère frauduleux de ces témoignages et du document litigieux ne résulte pas du fait que la production de ce dernier est intervenue 5 ans après le début de la procédure ; que la fraude ne résulte pas du fait que cette lettre du 27 janvier 1992 paraphée par monsieur A...et les époux X... n'avait pas été annexée aux actes de cession ; que si cette annexion aurait rendu la preuve du respect de l'obligation d'information plus facile, M. Z...ne pouvait imaginer que quelques années plus tard les époux X... viendraient chercher sa responsabilité ; que le fait que l'exemplaire de la lettre du 27 janvier 1992 en possession des époux X... ne comporte aucun paraphe ne suffit pas à faire déclarer la copie produite par M. Z...non fidèle ; que les époux X... ont reçu de M. A...tous les documents afférents aux sociétés GIE et Cecaubar et parmi ceux-ci ladite lettre ; que l'exemplaire reçu par M. A...ne pouvait comporter ni le paraphe des époux X..., apposé plus tard lorsqu'ils ont négocié l'acquisition, ni le paraphe de M. A...qui n'avait aucune raison de signer son propre exemplaire ; que les époux X... avaient été avertis des difficultés résultant de l'utilisation par M. A...à d'autres fins que l'intérêt de la société Cecaubar des fonds prêtés à cette dernière ; que l'existence des emprunts contractés par la société GIE auprès de la Société Générale et par la société Cecaubar auprès de la BNP figurait dans le compte prévisionnel ; que les époux X..., qui avaient fait examiner les comptes étaient avertis de la charge que représentaient ces emprunts, sans que M. Z...ait à particulièrement attirer leur attention sur celle-ci ; que les deux actes de prêts ont été rappelés dans l'acte de vente de parts sociales sous condition suspensive du 22 décembre 1992 ; que dans l'acte de vente définitif du 12 mars 1993, M. A...a renoncé à la double condition suspensive prévue dans le premier acte, notamment de substitution de la garantie des époux X... à la sienne auprès de la BNP et a consenti à maintenir sa garantie ; que les époux X... ne peuvent soutenir ne pas avoir été informés suffisamment des conséquences et risques de l'emprunt contracté auprès de la BNP ; que c'est compte tenu de l'important passif des sociétés GIE et Cecaubar que le prix de cession de la société GIE a été fixé à 528 726 francs et que les époux X... pensaient faire une bonne affaire ; que M. Z...n'avait aucune raison d'être alarmiste et d'attirer plus avant l'attention des époux X... sur les difficultés que la société Cecaubar pouvait rencontrer, alors que les époux X... étaient conscients que la dernière exploitation de cette société par M. A...était déficitaire ; que les trois premières années, ils ont fait remonter le chiffre d'affaires et dégagé un bénéfice plus élevé ; que les difficultés rencontrées ensuite s'expliquent par la concurrence et une orientation différente de l'activité ; que Mme X... a indiqué dans son rapport de gestion du 31 mars 1996 que la diminution du chiffre d'affaires était due à une basse de l'activité dans la zone commerciale Auchan Englos et à une concurrence accrue ; que seize mois plus tard, l'administrateur judiciaire indiquait dans son rapport que « si indiscutablement les échéances d'emprunt de la BNP viennent grever le compte d'exploitation, la période d'observation a mis en évidence une activité intrinsèquement déficitaire, malgré une mesure de restructuration qui n'a pas porté ses pleins effets » ; que s'est ajouté le redressement fiscal dont la société Cecaubar a fait l'objet en février 1997, ce qui était sans rapport avec le remboursement du prêt BNP ; que les époux X... ne sauraient soutenir que les dettes existant au moment de la cession caractérisaient un état de cessation des paiements dès avant le 31 mars 1992 dont M. Z...aurait dû les avertir ; qu'il ne peut être affirmé que le remboursement de l'emprunt à la BNP a entraîné des charges plus importantes que ne l'aurait fait le remboursement du compte courant de M. A..., car les intérêts payés pour ce compte auraient été plus importants que les intérêts d'emprunts ; que l'avis de l'avocat consulté par les époux X... indiquant la possibilité de ne pas rémunérer un compte courant d'associé, ne permet pas de présumer que monsieur A...aurait renoncé au bénéfice des intérêts ; que devant ces contradictions, il ne peut être reproché à M. Z...de ne pas avoir alerté les époux X... des conséquences de la diminution du compte courant et de la nécessité de rembourser l'emprunt autrement que par la notification de la lettre précitée du 27 janvier 1992 et les mentions de l'acte de cession ;

1°/ ALORS QUE l'avocat rédacteur d'acte est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de l'acte auquel il prête son concours ; qu'il n'est pas déchargé de cette obligation par les compétences personnelles de l'une des parties à l'acte qu'il dresse ou la présence aux côtés de cette dernière de conseillers personnels ; que la cour d'appel a dispensé M. Z...de toute obligation particulière d'information et de conseil sur la situation comptable de la société Cecaubar, grevée par le remboursement d'un emprunt ayant pour objet de permettre au gérant, cédant des parts sociales, d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé dans la société holding de la société Cecaubar et d'acquérir un nouveau fonds de commerce, au motif que les époux X..., cessionnaires, avaient sollicité le concours d'experts-comptables pour procéder à l'analyse de la situation ; qu'en statuant ainsi, tandis que la présence de ces professionnels et la mise à disposition de données comptables ne dispensaient pas l'avocat rédacteur de l'acte de cession des parts sociales de conseiller particulièrement les époux X..., de manière complète et circonstanciée, sur les conséquences de ce prêt et de l'endettement inhérent dont il connaissait l'existence et les causes, pour la viabilité de l'opération projetée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, directement ou par un mandataire ; qu'en se fondant sur les attestations et lettres de Mes B..., C...et D...pour retenir la réalité d'un exemplaire original de la lettre du 27 janvier 1992 adressée par M. Z...à M. A...qui aurait porté les paraphes des époux X..., tandis que les documents qui émanaient d'avocats mandataires de M. Z...constituaient pour ce dernier une preuve faite à lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en se fondant sur les seuls paraphes qui auraient été apposés par les époux X... sur une copie de la lettre du 27 janvier 1992 de M. Z...à M. A..., pour juger que l'avocat avait satisfait à son devoir de conseil au moment de la conclusion des actes dont il était le rédacteur, tandis que la simple connaissance de cette lettre, qui ne figurait pas en annexe des actes de vente des parts sociales, ne suffisait pas à caractériser la délivrance par M. Z...d'un conseil complet et circonstancié aux époux X... sur les conséquences des agissements de M. A...relevés dans cette lettre pour la pérennité de la société Cecaubar dont la rentabilité avait été grevée pendant plusieurs années après la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-16944
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mai. 2012, pourvoi n°11-16944


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16944
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