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30/05/2012 | FRANCE | N°11-14045

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mai 2012, 11-14045


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 janvier 2011), que prétendant qu'un article publié le 14 août 2009 dans le journal l'Union contenait des imputations diffamatoires à son égard, M. X... a, le 29 octobre 2009, assigné M. Y... directeur de la publication du journal et la société Journal l'Union, éditeur de celui-ci, en réparation de son préjudice ; qu'après que le jugement du 20 avril 2010 accueillant cette demande eut été frappé d'appel, le 11 mai 2010 par M. Y... et la société Journal l

'Union, M. X... l'a signifié à ceux-ci le 1er juin 2010, puis a constitué ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 janvier 2011), que prétendant qu'un article publié le 14 août 2009 dans le journal l'Union contenait des imputations diffamatoires à son égard, M. X... a, le 29 octobre 2009, assigné M. Y... directeur de la publication du journal et la société Journal l'Union, éditeur de celui-ci, en réparation de son préjudice ; qu'après que le jugement du 20 avril 2010 accueillant cette demande eut été frappé d'appel, le 11 mai 2010 par M. Y... et la société Journal l'Union, M. X... l'a signifié à ceux-ci le 1er juin 2010, puis a constitué avoué le 7 juin 2010 et leur a notifié des conclusions le 31 août 2010 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action alors, selon le moyen que dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, seul un acte manifestant l'intention de la partie poursuivante de continuer l'action engagée est susceptible d'interrompre la prescription de l'article 65 de ladite loi ; que ne constitue pas un tel acte de poursuite au sens de ce texte la signification à partie opérée par la partie poursuivante aux seules fins d'exécution forcée de la décision entreprise, postérieurement à la fois à la signification de la décision à avocat et à l'appel des prévenus ; qu'en décidant que la signification à partie du jugement rendu le 20 avril 2010 par le tribunal de grande instance de Reims, opérée le 1er juin 2010, avait interrompu le délai de prescription ayant commencé à courir le 11 mai 2010, date de l'appel formé par les prévenus, la cour d'appel a violé l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'acte de signification par la partie poursuivante à ses adversaires du jugement que ceux-ci avaient frappé d'appel s'analysait en un acte de poursuite interruptif de la prescription ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les imputations à l'égard de M. X... contenues dans l'article du Journal l'Union du 14 août 2009 sont diffamatoires alors, selon le moyen :

1°/ que l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; que M. X... n'avait relevé le terme de « fripouille » que pour en déduire qu'il lui était imputé d'être un « entrepreneur indélicat », celui d'« arnaqueur » n'étant pas spécifiquement relevé mais seulement évoqué allusivement en soutenant qu'il lui était imputé d'être une personne « menteuse, malhonnête, faisant de l'arnaque et des procédures douteuses son mode de fonctionnement », que l'expression « vaste escroquerie » n'était pas relevée pour elle-même mais au sein d'un entier paragraphe censé achever « la description d'un homme d'affaires véreux, dont on ne connaîtrait même pas le domicile et dont on pourrait légitimement se demander si contrairement à ses affirmations, il a jamais produit de l'huile d'olive au Maroc » ; qu'en relevant pourtant, par motifs propres et adoptés, les trois expressions « fripouille », « arnaqueur », et « vaste escroquerie » pour considérer qu'elles suggéraient que M. X... se serait rendu coupable de faits susceptibles de poursuites pénales, cependant qu'aucun fait précis ni aucune imputation de commission de délit n'étaient articulés au regard de ces trois expressions dans l'assignation du 29 octobre 2009, la cour d'appel a méconnu sa saisine et excédé ses pouvoirs, violant l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que tel n'est pas le cas de l'emploi, pour désigner un jeune entrepreneur dont les méthodes sont discutées, des mots « fripouille », « arnaqueur » ou encore « vaste escroquerie » sans plus de précision ; qu'en décidant que l'emploi de ces termes au sujet de M. X... constituait des imputations diffamatoires cependant que leur imprécision rendait impossible toute preuve et tout débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°/ que la bonne foi n'est pas nécessairement subordonnée à la prudence dans l'expression, s'agissant tout spécialement de faire entendre des points de vue différents sur un même sujet ; qu'en décidant que la société Journal l'Union et M. Y..., ès qualités, ne pouvaient bénéficier de la bonne foi au titre des propos publiés dans l'édition du 14 août 2009 de l'Union édition Marne en raison de la violence des termes employés, quand ceux-ci devaient être rapprochés et mis en balance avec les termes élogieux utilisés pour brosser le portrait de M. X... dans le même journal le 29 juin précédent, ce dont il résultait que les propos tenus, qui relevaient du devoir d'information des journalistes, devaient être appréciés globalement et ne pouvaient être considérés comme outranciers et partant exclusifs de bonne foi, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue pour apprécier l'exception de bonne foi de rapprocher l'article litigieux publié le 14 août 2009 de celui du 24 juin 2009 qui lui était antérieur et contraire, a relevé qu'étaient rapportés des propos relatifs à la réalité de l'entreprise de M.
X...
, aux pratiques professionnelles de ce dernier ainsi qu'aux diverses sommes dont il serait redevable, de nature à mettre gravement en cause son honnêteté ou à suggérer qu'il se serait rendu coupable d'infractions pouvant relever de poursuites pénales ; qu'elle a pu en déduire que de tels propos qui étaient en outre suffisamment précis pour être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire étaient constitutifs de diffamation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Journal l'Union et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Journal l'Union et de M. Y..., ès qualités ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Journal L'Union et M. Y..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l'action, soulevée par Monsieur Jacques Y... en qualité de directeur de publication du journal L'UNION et de la société JOURNAL L'UNION ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... ès qualités et la SA JOURNAL L'UNION ont relevé appel du jugement déféré par déclaration du 11 mai 2010 ; que Monsieur X... a constitué avoué le 7 juin suivant ; que la signification du jugement à partie a été effectuée le 1er juin 2010 et que Monsieur X... a pris ses premières conclusions le 31 août 2010 ; que Monsieur Y... et la SA JOURNAL L'UNION soutiennent à titre principal que l'action engagée par Youssef X... serait prescrite, motif pris qu'aucun des actes accomplis par l'intéressé antérieurement à la notification de ses écritures au fond le 31 août 2010 ne serait interruptif de la prescription de trois mois érigée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 fondant ladite action ; que s'il n'est pas contesté que la déclaration d'appel est quant à elle interruptive de prescription, quelle que soit la partie en ayant pris l'initiative, il en va de même, contrairement à ce que soutiennent Monsieur Y... et la SA JOURNAL L'UNION, de la signification du jugement opérée par la partie poursuivante à l'action, soit celle qui s'estime diffamée, et qui, ayant en l'espèce obtenu gain de cause au moins dans le principe, manifeste par cette signification, de manière non équivoque, qu'elle entend se prévaloir du bénéfice de la décision querellée par l'autre ; que cette signification étant en l'espèce intervenue le 1er juin 2010, la prescription a bien été utilement interrompue à cette date et le délai de trois mois n'était pas expiré lorsque Monsieur X... a pris des écritures au fond le 31 août suivant (arrêt, p. 3) ;

ALORS QUE dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, seul un acte manifestant l'intention de la partie poursuivante de continuer l'action engagée est susceptible d'interrompre la prescription de l'article 65 de ladite loi ; que ne constitue pas un tel acte de poursuite au sens de ce texte la signification à partie opérée par la partie poursuivante aux seules fins d'exécution forcée de la décision entreprise, postérieurement à la fois à la signification de la décision à avocat et à l'appel des prévenus ; qu'en décidant que la signification à partie du jugement rendu le 20 avril 2010 par le Tribunal de grande instance de REIMS, opérée le 1er juin 2010, avait interrompu le délai de prescription ayant commencé à courir le 11 mai 2010, date de l'appel formé par les prévenus, la Cour d'appel a violé l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les imputations à l'égard de Monsieur Youssef X... contenues dans l'article du JOURNAL L'UNION du 14 août 2009 sont diffamatoires, et d'avoir en conséquence, condamné Monsieur Jacques Y..., en sa qualité de Directeur de la Publication du journal l'UNION et la SA JOURNAL L'UNION, en tant que civilement responsable de ce dernier, à payer à Monsieur Youssef X... la somme de 50. 000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi et ordonné la publication de la décision dans la prochaine édition de L'UNION MARNE, dans les trois jours de la signification de la décision sous peine d'astreinte de 2000 € par jour de retard ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 précité définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ; que les appelants, qui n'ont pas fait d'offre de preuve en temps utile, arguent de leur bonne foi quant à la teneur de l'article de presse incriminé (…) ; qu'il est constant que Monsieur X... a fait l'objet d'un article très élogieux dans le journal L'UNION du 24 juin 2009 vantant les mérites et légitimes ambitions de ce jeune chef d'entreprise sous le titre « la réussite d'un sparnacien au MAROC » ; qu'il était notamment indiqué que l'intéressé envisageait d'acheter à Monsieur Olivier Z..., fondateur d'OLIVIERS et CO et de l'OCCITANE, la licence de première pression, d'ouvrir dès le mois de septembre un magasin à Paris, et que dès sa première année d'activité, son huile d'olive venue du Maroc avait été placée parmi les meilleures au monde ; qu'en revanche le journal l'UNION devait dans son édition du 14 août 2009 évoquer à nouveau la situation de Monsieur X... en des termes radicalement différents puisque apparaissait à la une un encadré annonçant un article de fond en page 12 et intitulé « Épernay : l'huile d'olive sentait le mensonge », surplombant une photographie de Youssef X... tenant dans sa main une bouteille huile d'olive ; que l'article annoncé occupait effectivement une demi-page du journal, sous le titre suivant : « Le brillant entrepreneur sparnacien au Maroc n'est-il qu'une fripouille ? » Suivi en caractères gras et de grande dimension du sous-titre : « Mensonges et huile d'olive » et immédiatement, au-dessous, à nouveau d'une photographie représentant Monsieur X... ; qu'étaient rapportés les propos suivants : « Son histoire avait tout d'une success story. En apparence seulement, car, à en croire différentes personnes qui ont soutenu Youssef X... dans ses ambitions, les méthodes de ce sparnacien s'apparentent davantage à celles d'une fripouille qu'à celles d'un brillant entrepreneur » ; « Des artisans fidèles à Oliviers et Co s'en chargent dans l'urgence. « Tout allait si vite qu'aucun acompte n'était versé aux artisans. De grosses sommes qui n'auraient toujours pas été acquittées. Et c'est d'ailleurs lorsqu'il a fallu payer les factures que le temps a changées. Et l'« entrepreneur » s'est finalement retiré » ; ou encore, sous une forme interrogative : « D'ailleurs, où Youssef X... est-il réellement domicilié ? A-t-il jamais réellement produit de l'huile d'olive au Maroc ? Rien n'est moins sûr. D'autant que les images diffusées sur France 2 n'en montrent rien. Cette histoire ne serait-elle donc qu'une vaste escroquerie ? Peut-être. Car Olivier Z... et les artisans ne sont pas les seules victimes. Dans le secteur d'ÉPERNAY, une autre personne s'est manifestée après la médiatisation de Youssef X... L et sa famille espère toujours le remboursement d'une très grosse somme-plus de 100 000 euros qu'elle dit avoir prêtée au jeune homme. La justice est saisie du dossier » ; que Monsieur Y... et la SA JOURNAL L'UNION font valoir que les éléments en leur possession étaient de nature à les conduire en toute bonne foi à faire état des interrogations légitimes que l'on pouvait avoir sur les pratiques professionnelles de Monsieur X..., passé l'enthousiasme que l'intéressé avait su communiquer à ses interlocuteurs ; qu'ils soulignent que la diffamation doit s'apprécier dans une acception globale et un contexte donné ; qu'en l'espèce, Monsieur X... qui se plaint du discrédit jeté sur son entreprise, ne justifie pas selon eux de la réalité de celle-ci et se contente d'affirmations en la matière alors même que les statuts de la SARL à associé unique qu'il aurait créée en 2003 ne sont pas complets et ne portent la mention d'aucune signature, que depuis l'inscription de la société LES TERROIRS DE VOLUBILIS, aux rôles des impôts de la patente de ICHATAZALCANE, au Maroc, il ne justifie d'aucune démarche prouvant la réalité de son entreprise ; qu'il ne justifie finalement ni d'une activité d'entrepreneur, ni de celle de producteur, a fortiori sur un domaine familial au Maroc ; qu'il résulte encore des différentes sommations interpellatives adressées aux magasins ou personnalités du monde de la gastronomie (Alain A...) avec lesquels Monsieur X... prétendait entretenir des relations, qu'il n'en est rien ; qu'il doit être observé sur ce dernier point que lesdites sommations ont été délivrées courant novembre 2010, soit postérieurement à la parution de l'article incriminé, et ne sauraient donc contredire les accusations de légèreté et d'absence d'investigation sérieuse avant publication, retenues par les premiers juges ; que les appelants relèvent encore qu'il résulte sans équivoque d'un mail de Monsieur B... aux époux C..., demeurant dans la région d'ÉPERNAY, que ce dernier est débiteur à leur égard d'une somme de 100 000 euros objet d'une reconnaissance de dette du mois de janvier 2007 et d'un chèque sans provision rejeté au Maroc au mois d'août 2007 ; qu'il est de même prouvé que Monsieur Bruno D..., entrepreneur en menuiserie, se trouve créancier de Monsieur X... à hauteur de 25 000 euros pour des meubles commandés dans le cadre d'une exposition au Maroc, mais jamais payés ; qu'enfin les engagements pris envers Monsieur Z... n'auraient pas été tenus, justifiant la saisine par ce dernier du tribunal de commerce de MANOSQUE ; que Monsieur Y... et la SA JOURNAL L'UNION considèrent ainsi que les questions posées par l'article paru le 14 août et les doutes exprimés répondaient à leur devoir d'information à l'égard d'éventuels partenaires et clients de Monsieur X... et ne sauraient être assimilées à de la diffamation ; mais qu'ainsi que l'a justement retenu le tribunal, l'article de presse litigieux, par la virulence des termes employés, fût-ce sous une forme habilement interrogative, est de nature à mettre gravement en cause l'honnêteté de Monsieur X... voir à suggérer que l'intéressé se serait rendu coupable d'infractions pouvant relever de poursuites pénales ; que les mots de « fripouille » ou « arnaqueur », sont particulièrement vexatoires et de nature à porter atteint à l'honneur de celui qu'ils prétendent désigner ; que la considération des dettes dont au demeurant Monsieur X... ne nie pas l'existence, au moins pour partie, ne saurait justifier la violence verbale utilisée par le journal l'UNION pour caractériser la situation de l'intéressé, alors même qu'il est produit aux débats, dans le même temps, un certain nombre d'articles de la presse périodique française et marocaine, dont le sérieux n'est a priori pas remis en cause à ce jour, faisant état de la réalité de l'entreprise de Youssef X... et des premiers succès rencontrés par le jeune homme ; que Monsieur Y... ne saurait se retrancher derrière le devoir d'information qu'il invoque pour justifier les accusations portées avec légèreté et dans des termes définitifs qui lui sont reprochées ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la bonne foi ne pouvait être retenue au bénéfice de Monsieur Y... ès qualités et de la SA JOURNAL L'UNION, et considéré que la diffamation était suffisamment démontrée en l'espèce ; que compte tenu des accusations graves dont il a fait l'objet au travers de l'article du 14 août 2009, mais aussi de leur relais sur le site Internet du journal, attestée par huissier, Monsieur X..., qui justifie par ailleurs qu'il commençait à se faire connaître dans le milieu nécessairement étroit de la production d'huile olive, est fondé à invoquer un préjudice résultant à la fois de la blessure d'amour-propre justement ressentie et de l'obstacle mis à la poursuite de son activité ; que la somme de 50 000 euros alloués en première instance apparaît à cet égard satisfactoire et sera confirmée par le présent arrêt ; que de même seront confirmées les dispositions relatives à la publication de la décision (arrêt, p. 4 à 6).

ET AUX MOTIFS SUPPOSÉS ADOPTES QU'on ne saurait considérer que c'est de bonne foi que le JOURNAL L'UNION a pu faire état dans son article incriminé du 14 août 2009 d'une prétendue escroquerie susceptible d'avoir été commise par Monsieur Youssef X... ; que les investigations menées à cet égard étaient en effet nettement insuffisantes, voire quasi inexistantes ; que les conséquences tirées des éléments susvisés ont été exemptes de la prudence la plus élémentaire qui s'impose avant la publication d'un article de presse mettant en cause la probité de Monsieur Youssef X... ; que les qualificatifs utilisés pour désigner Monsieur Youssef X... et son activité, à savoir « fripouille », « arnaqueur », « vaste escroquerie », « mensonges », de par leur caractère outrancier et vexatoire, sont également exclusifs de toute bonne foi ; qu'enfin, le JOURNAL L'UNION a failli à son obligation d'objectivité à l'encontre de Monsieur Youssef X... en le mettant aussi gravement en cause, au vu de seules déclarations de tiers en litige avec lui, sans justifier lui avoir donné la possibilité, avant la publication de l'article, de s'exprimer ;
qu'en l'espèce, cette omission est d'autant plus regrettable que Monsieur Youssef X... produit, dans le cadre de la présente procédure, de multiples éléments sur ses activités professionnelles dans le domaine de huile d'olive marocaine, notamment : des articles de presse dans des magazines français et marocains présentant des garanties de sérieux (L'ÉCONOMISTE MAGAZINE de CASABLANCA de septembre 2008, L'EXPRESS INTERNATIONAL n° 3009 de mars 2009, l'hebdomadaire JEUNE AFRIQUE n° 2509 de février 2009, le magazine culinaire CUISINE DU MAROC d'octobre 2005, le POINT n° 1953 de février 2010 dans la rubrique tendances gastronomiques de Gilles E...), le catalogue des grands crus d'huile d'olive, récolte 2007, édité par Oliviers et Co et mentionnant, dans sa partie intitulée « LES FLORALES », les Terroirs de Volubilis de Monsieur Youssef X... « Au coeur du triangle Marrakech-Essaouira-Safi, Maroc », un certificat d'enregistrement de la marque « « les Terroirs de Volubilis » par l'Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale en date du 1er juillet 2005, un dépôt légal au registre du commerce de SAFI attestant de l'inscription de la SARL HUILE D'OLIVES X... BEN SALEM, les statuts enregistrés de cette société ; qu'il y a lieu par conséquent de juger diffamatoires à l'encontre de Monsieur Youssef X... les imputations contenues dans l'article publié par le JOURNAL L'UNION dans son édition du 14 août 2009 ; que l'article en cause a incontestablement causé à Monsieur Youssef X... un préjudice méritant indemnisation ; qu'au-delà du préjudice moral résultant pour Monsieur Youssef X... de la lecture de l'article litigieux le présentant comme une personne malhonnête, l'atteinte à sa personne en découlant est de nature, compte tenu de l'importance, de la forme et de la diffusion de l'article dans le quotidien régional local, à le déconsidérer, lui et sa famille, au sein de son environnement immédiat, tant personnel que professionnel ; que par ailleurs, la large diffusion sur Internet de l'article en cause, attestée par le procès-verbal de constat (…) en date du 3 septembre 2009 est de nature à porter atteinte de manière durable, voire irrémédiable à la réputation professionnelle de Monsieur Youssef X... et à mettre en péril ses projets dans le domaine de l'huile d'olive ; qu'en tout état de cause, elle l'expose à devoir dorénavant s'expliquer et se justifier aux yeux des tiers qui auraient lu l'article incriminé, situation particulièrement inconfortable au regard des exigences de la vie des affaires ; que les dommages et intérêts dus à Monsieur Youssef X... seront par conséquent fixés à la somme de 50 000 euros ;

1) ALORS QUE l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; que Monsieur X... n'avait relevé le terme de « fripouille » que pour en déduire qu'il lui était imputé d'être un « entrepreneur indélicat », celui d'« arnaqueur » n'étant pas spécifiquement relevé mais seulement évoqué allusivement en soutenant qu'il lui était imputé d'être une personne « menteuse, malhonnête, faisant de l'arnaque et des procédures douteuses son mode de fonctionnement », que l'expression « vaste escroquerie » n'était pas relevée pour elle-même mais au sein d'un entier paragraphe sensé achever « la description d'un homme d'affaires véreux, dont on ne connaîtrait même pas le domicile et dont on pourrait légitimement se demander si contrairement à ses affirmations, il a jamais produit de l'huile d'olive au Maroc » ; qu'en relevant pourtant, par motifs propres et adoptés, les trois expressions « fripouille », « arnaqueur », et « vaste escroquerie » pour considérer qu'elles suggéraient que Monsieur X... se serait rendu coupable de faits susceptibles de poursuites pénales, cependant qu'aucun fait précis ni aucune imputation de commission de délit n'étaient articulés au regard de ces trois expressions dans l'assignation du 29 octobre 2009, la Cour d'appel a méconnu sa saisine et excédé ses pouvoirs, violant l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que tel n'est pas le cas de l'emploi, pour désigner un jeune entrepreneur dont les méthodes sont discutées, des mots « fripouille », « arnaqueur » ou encore « vaste escroquerie » sans plus de précision ; qu'en décidant que l'emploi de ces termes au sujet de Monsieur X... constituait des imputations diffamatoires cependant que leur imprécision rendait impossible toute preuve et tout débat contradictoire, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT ENCORE, la bonne foi n'est pas nécessairement subordonnée à la prudence dans l'expression, s'agissant tout spécialement de faire entendre des points de vue différents sur un même sujet ; qu'en décidant que les exposants ne pouvaient bénéficier de la bonne foi au titre des propos publiés dans l'édition du 14 août 2009 de l'UNION édition MARNE en raison de la violence des termes employés, quand ceux-ci devaient être rapprochés et mis en balance avec les termes élogieux utilisés pour brosser le portrait de Monsieur X... dans le même journal le 29 juin précédent, ce dont il résultait que les propos tenus, qui relevaient du devoir d'information des journalistes, devaient être appréciés globalement et ne pouvaient être considérés comme outranciers et partant exclusifs de bonne foi, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-14045
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 03 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mai. 2012, pourvoi n°11-14045


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14045
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