La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2012 | FRANCE | N°10-22720

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2012, 10-22720


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 juin 2010), statuant sur renvoi après cassation (Soc. 10 décembre 2008 n° 07-42.116) que dans le cadre de la fusion, le 1er avril 1997, des sociétés Air France et Air France Europe anciennement dénommée Air Inter, un accord d'entreprise signé le 29 janvier 1997 a prévu l'aménagement de la grille des qualifications afin de faciliter l'intégration des salariés d'Air France Europe en préservant les perspectives de carrière des salariés d'

Air France ; que l'article 7 de cet accord relatif à la situation particul...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 juin 2010), statuant sur renvoi après cassation (Soc. 10 décembre 2008 n° 07-42.116) que dans le cadre de la fusion, le 1er avril 1997, des sociétés Air France et Air France Europe anciennement dénommée Air Inter, un accord d'entreprise signé le 29 janvier 1997 a prévu l'aménagement de la grille des qualifications afin de faciliter l'intégration des salariés d'Air France Europe en préservant les perspectives de carrière des salariés d'Air France ; que l'article 7 de cet accord relatif à la situation particulière du service d'entretien dont faisait partie M. X..., a prévu la création d'une commission paritaire afin de tenir compte des problèmes de grille propres aux secteurs de l'industrie et de la maintenance ; que selon un relevé de conclusions du 6 mars 1997, afin de revaloriser de manière significative le passage de technicien lié à la réussite de l'examen, les mécaniciens ayant vocation à accéder à un emploi de technicien bénéficiaient de dix points supplémentaires depuis le 1er février 1997 et de dix autres points après obtention de l'examen de technicien tandis que les salariés déjà détenteurs de cet examen pouvaient prétendre à l'octroi de 7 points ; que M. X... engagé, le 27 novembre 1972, par la société Air France en qualité d'ajusteur et titulaire du diplôme de technicien depuis 1982, a été reclassé, le 23 mai 1997 au niveau B01 et a bénéficié d'un avancement de sept points ; qu'estimant être en droit de bénéficier des dix points supplémentaires lié à l'obtention de l'examen de technicien, et être victime d'une inégalité de traitement par rapport aux collègues de son service qui, bien que n'ayant pas encore obtenu l'examen de technicien, avaient bénéficié d'une situation plus favorable que la sienne, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaires et de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer un rappel de salaires au titre des dix points d'indice du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2002 outre les congés payés afférents ainsi qu'une somme au titre du reclassement pour les années 2003 à 2005, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", dès lors qu'elle est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination qu'il appartient aux juges du fond de rechercher ; que n'est pas discriminatoire la volonté des partenaires sociaux d'inciter les salariés qui ne possèdent pas encore de diplôme à l'obtenir afin de réduire le décalage salarial existant dans l'entreprise ; que pour condamner la société Air France à verser au salarié un rappel de salaire, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la différence de traitement du salarié n'était justifiée par aucun élément objectif puisqu'à travail égal, celui qui avait réussi l'examen de technicien depuis plusieurs années, avait reçu un traitement moins favorable que ceux qui, à la date de la fusion, n'avaient pas encore réussi cet examen ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si la volonté des partenaires sociaux de revaloriser de manière significative le passage de l'examen de technicien afin de réduire le décalage salarial existant, lors de la fusion, entre les sociétés Air France et Air France Europe pour des métiers équivalents d'entretien sur avion, n'était pas de nature à justifier la différence de traitement instaurée par l'accord collectif du 29 janvier 1997 et le relevé de conclusions du 6 mars 1997, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe "à travail égal, salaire égal" ;
2°/ que le paragraphe C du relevé des conclusions du 6 mars 1997 relatif à la situation des personnels ex metteurs au point dispose que "dans un souci de cohérence avec les mesures revalorisant le passage de l'examen de technicien, il a été décidé d'attribuer 7 points aux techniciens ayant réussi l'essai MAP prévu dans la grille des emplois antérieure à 1992 et maintenue jusqu'au 30 juin 1992" ; que pour condamner la société Air France au paiement de rappels de salaire au titre des 10 points d'indice du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2005, outre les congés payés afférents, la cour d'appel s'est fondée sur le paragraphe B du relevé des conclusions du 6 mars 1997 ; qu'en faisant application de ces dispositions, bien que le paragraphe C du relevé des conclusions du 6 mars 1997, relatif à la situation du personnel ex metteurs au point, était seul applicable au salarié qui avait réussi l'examen de metteur au point fonction maintenance le 6 janvier 1982, la cour d'appel a violé les paragraphes B et C du relevé des conclusions du 6 mars 1997 et l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'à supposer même que le salarié puisse prétendre à un rappel de salaire au titre des 10 points d'indice dus du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2005, outre les congés payés afférents, la cour d'appel a affirmé que la société Air France ne discutait pas le calcul effectué par le salarié au titre de la réactualisation pour les années 2003 à 2005 ; qu'en statuant ainsi, bien que dans ses conclusions sur renvoi après cassation, soutenues oralement à l'audience (page 6 de l'arrêt), la société Air France faisait valoir que le salarié procédait à un calcul sur la base du versement par l'employeur pendant la durée de la période de préretraite progressive d'une somme de 80 % de son dernier salaire, bien que le taux de contribution financière de la société Air France soit de 50 %, en sorte que l'employeur discutait dûment les sommes réclamées de ce chef, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord qu'au regard du respect du principe "à travail égal, salaire égal", la seule circonstance que des salariés aient obtenu un diplôme avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux, sauf à l'employeur à démontrer que ces différences entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, repose sur des raisons objectives et pertinentes qu'il revient au juge de vérifier ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'accord du 29 janvier 1997 et les conclusions de la commission paritaire avaient réservé aux mécaniciens ayant vocation à accéder à un emploi de technicien le bénéfice de dix points supplémentaires depuis le 1er février 1997 et de dix autres points après obtention de l'examen de technicien, tandis que les salariés qui, comme M. X..., étaient déjà détenteurs de cet examen ne pouvaient prétendre qu'à l'octroi de sept points, la cour d'appel a pu en déduire que la date d'obtention du diplôme ne pouvait constituer une raison pertinente justifiant la disparité de traitement ;
Attendu ensuite que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre explicitement à des allégations dépourvues de précision et d'offre de preuve, a fixé comme elle a fait le montant des sommes dues au salarié au titre du reclassement pour les années 2003 à 2005, après avoir relevé que l'employeur ne les avait pas sérieusement contestées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Air France.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société Air France à verser au salarié les sommes de 4.139,91 € au titre des 10 points d'indice dus du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2002, outre 413,99 € au titre des congés payés afférents et la somme de 2.303,42 € pour les années 2003 à 2005, et ordonné la remise de bulletins de salaire rectifiés ;
AUX MOTIFS QUE « que (le salarié) fait exactement observer que le paragraphe B du relevé de conclusions du 6 mars 1997 précise que les techniciens déjà promus B01 après la réussite de l'examen, en application des règles d'emploi de la grille d'avril 1992, bénéficieront d'un rattrapage de 10 points prenant effet au 1er février 1997 et un versement complémentaire de 10 points effectués en deux fois sur 1998 et 1999, faisant observé que, bien qu'il soit titulaire du diplôme de technicien depuis 1982, il n'a jamais bénéficié de l'avance de 20 points prévue par l'accord social du 29 janvier 1997 ; que c'est à juste titre, dans ces conditions, que les premiers juges, après avoir exactement relevé que la différence de traitement entre Monsieur X... qui avait passé avec succès l'examen de technicien et des salariés exerçant les mêmes fonctions que lui, mais n'ayant pas encore passé cet examen de technicien en faisant bénéficier Monsieur X... de 10 points supplémentaires et les autres salariés de 20 points supplémentaires, n'était justifiée par aucun élément objectif puisqu'à travail égal celui qui avait réussi l'examen depuis plusieurs années a reçu un traitement moins favorable que ceux qui, à la date de la fusion, n'avaient pas encore réussi l'examen de technicien ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Air France à payer à Monsieur X... la somme de 4.139,91 € ; que Monsieur X... produit un tableau récapitulatif au titre des années 2003 à 2005 concernant les 10 points supplémentaires au titre de son reclassement en B2 et sollicite, à ce titre, la condamnation de la société Air France à lui payer une somme de 2.303,52 € ; que la société Air France ne discute pas le calcul de Monsieur X... qu'il sera donc fait droit ; que la société Air France sera condamnée à remettre à Monsieur X... des bulletins conformes aux dispositions du présent arrêt ; que la société Air France, qui succombe dans ses prétentions sera condamnée à payer à Monsieur X... une indemnité de procédure dont le montant sera précisé au dispositif » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « suite à la fusion et en vertu de l'accord du 29 janvier 1997 et des conclusions de la commission paritaire, les salariés qui n'avaient pas encore obtenu l'examen de technicien ont bénéficié de 20 points supplémentaires (10 à compter du 1er février 1997 plus 10 après obtention de l'examen). Pour ceux qui, comme Monsieur X..., détenaient déjà cet examen, il a simplement été prévu l'octroi de 7 points, M. X... ayant en réalité bénéficié de 10 points supplémentaires. Cette différence de traitement n'est justifiée par aucun élément objectif puisque au contraire, les salariés qui tels M. X... avaient obtenu l'examen depuis plusieurs années ont reçu un traitement moins favorables que ceux qui n'avaient pas encore obtenu cet examen à la date de la fusion. Monsieur X... est par conséquent fondé à réclamer le rétablissement de l'égalité de traitement. En conséquence, la société Air France sera condamnée à lui payer la somme de 4.139,91 €, outre 413,99 € au titre des congés payés afférents » ;
ALORS QU'une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal », dès lors qu'elle est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination qu'il appartient aux juges du fond de rechercher ; que n'est pas discriminatoire la volonté des partenaires sociaux d'inciter les salariés qui ne possèdent pas encore de diplôme à l'obtenir afin de réduire le décalage salarial existant dans l'entreprise; que pour condamner la société Air France à verser au salarié un rappel de salaire, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que la différence de traitement du salarié n'était justifiée par aucun élément objectif puisqu'à travail égal, celui qui avait réussi l'examen de technicien depuis plusieurs années, avait reçu un traitement moins favorable que ceux qui, à la date de la fusion, n'avaient pas encore réussi cet examen; que la Cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si la volonté des partenaires sociaux de revaloriser de manière significative le passage de l'examen de technicien afin de réduire le décalage salarial existant, lors de la fusion, entre les sociétés Air France et Air France Europe pour des métiers équivalents d'entretien sur avion, n'était pas de nature à justifier la différence de traitement instaurée par l'accord collectif du 29 janvier 1997 et le relevé de conclusions du 6 mars 1997, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe « à travail égal, salaire égal ».
ET ALORS QUE le paragraphe C du relevé des conclusions du 6 mars 1997 relatif à la situation des personnels ex metteurs au point dispose que «dans un souci de cohérence avec les mesures revalorisant le passage de l'examen de technicien, il a été décidé d'attribuer 7 points aux techniciens ayant réussi l'essai MAP prévu dans la grille des emplois antérieure à 1992 et maintenue jusqu'au 30 juin 1992 » ; que pour condamner la société Air France au paiement de rappels de salaire au titre des 10 points d'indice du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2005, outre les congés payés afférents, la Cour d'appel s'est fondée sur le paragraphe B du relevé des conclusions du 6 mars 1997 ; qu'en faisant application de ces dispositions, bien que le paragraphe C du relevé des conclusions du 6 mars 1997, relatif à la situation du personnel ex metteurs au point, était seul applicable au salarié qui avait réussi l'examen de metteur au point fonction maintenance le 6 janvier 1982, la Cour d'appel a violé les paragraphes B et C du relevé des conclusions du 6 mars 1997 et l'article 1134 du Code civil ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'aux termes de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'à supposer même que le salarié puisse prétendre à un rappel de salaire au titre des 10 points d'indice dus du 1er novembre 1997 au 31 décembre 2005, outre les congés payés afférents, la Cour d'appel a affirmé que la société Air France ne discutait pas le calcul effectué par le salarié au titre de la réactualisation pour les années 2003 à 2005 ; qu'en statuant ainsi, bien que dans ses conclusions sur renvoi après cassation, soutenues oralement à l'audience (page 6 de l'arrêt), la société Air France faisait valoir que le salarié procédait à un calcul sur la base du versement par l'employeur pendant la durée de la période de préretraite progressive d'une somme de 80 % de son dernier salaire, bien que le taux de contribution financière de la société Air France soit de 50 %, en sorte que l'employeur discutait dûment les sommes réclamées de ce chef, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur et, partant, a violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-22720
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2012, pourvoi n°10-22720


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.22720
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award