LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que le 14 octobre 2003, Mme X..., épouse Y..., a déposé contre M. Z... une plainte pour viol qui a été classée sans suite par le procureur de la République ; qu'elle a ensuite déposé une plainte identique avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction, qui, après avoir entendu M. Z... comme témoin assisté, a rendu une ordonnance de non-lieu devenue définitive ; que M. Z... a fait assigner Mme Y... en réparation de son préjudice moral et matériel en application des articles 9, 1382 et 1383 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme Y... à payer des dommages-intérêts à M. Z..., l'arrêt énonce que la fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement de l'ordonnance de non-lieu rendue pour insuffisance de preuve, le juge d'instruction ayant retenu dans son ordonnance que "sans remettre en cause les déclarations de Christelle Y..., il n'existait pas de "charges suffisantes" contre Michel Z... "puisque la parole de la partie civile n'est confortée par aucun élément extérieur de nature à corroborer les faits dénoncés" ; qu'ainsi, en déposant plainte contre celui-ci, Mme Y... s'est comportée avec une légèreté fautive ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la témérité de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Madame Y... à payer à Monsieur Z... la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE Madame Y... avait porté plainte contre Monsieur Z..., pour viol, le 14 octobre 2003 ; que cette plainte avait été classée sans suite le 29 octobre 2004 ; que Madame Y... avait déposé plainte avec constitution de partie civile ; que par ordonnance en date du 31 juillet 2006, le juge d'instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu ; que la témérité de la dénonciation, distincte de l'abus de droit d'ester en justice, était à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, la fausseté des faits dénoncés résultait nécessairement de l'ordonnance de non-lieu rendue pour insuffisance de preuve, le juge d'instruction ayant retenu, dans son ordonnance, que « sans remettre en cause les déclarations de Madame Y... », il n'existait pas de charges suffisantes contre Michel Z..., « puisque la parole de la partie civile n'est confortée par aucun élément extérieur de nature à corroborer les faits dénoncés » ; qu'ainsi, en déposant plainte contre Monsieur Z... pour viol, Madame Y... s'était comportée avec une légèreté fautive relevant des dispositions de l'article 1382 du code civil ; que cette dénonciation avait directement causé à Michel Z... les tourments inhérents à une procédure criminelle, tels une garde à vue avec fouille au corps, des convocations et auditions devant les gendarmes et le juge d'instruction et des expertises médicales, psychiatriques et spermatiques, chez une personne à la santé fragile ; qu'il convenait donc de condamner Madame Y... à payer 3000 euros à Monsieur Z..., à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la fausseté des faits dénoncés ne pouvait en aucun cas résulter nécessairement d'une ordonnance de non-lieu qui se bornait à énoncer, comme l'a rappelé la Cour d'appel elle-même (arrêt, page 3, 1er alinéa) que le magistrat instructeur, sans remettre en cause les déclarations de Madame Z..., estimait qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre Monsieur Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la témérité de la plainte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382.