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23/05/2012 | FRANCE | N°11-14748

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mai 2012, 11-14748


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2011) que Mme
X...
, engagée en qualité de formatrice par l'association Centre d'innovation pour l'emploi et le reclassement social, et devenue à compter du 1er janvier 2005 coordinatrice, a été licenciée pour faute grave, le 21 avril 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que son licenciement était nul comme procédant d'un harcèlement moral ;

Attendu que la salariée fait grief

à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts et en nullité de la rupture a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2011) que Mme
X...
, engagée en qualité de formatrice par l'association Centre d'innovation pour l'emploi et le reclassement social, et devenue à compter du 1er janvier 2005 coordinatrice, a été licenciée pour faute grave, le 21 avril 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que son licenciement était nul comme procédant d'un harcèlement moral ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts et en nullité de la rupture anticipée du contrat de travail pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments produits par le salarié pour établir des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, rechercher si de tels éléments sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens du texte précité ; qu'en écartant l'existence d'un harcèlement moral, après avoir pourtant relevé que l'inspecteur du travail avait dénoncé des faits de harcèlement moral au procureur de la république et avait rapporté le comportement habituellement injurieux et agressif de M. Y...à l'égard des autres salariés de l'entreprise, élément permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°/ en tout état de cause, qu'en se dispensant de s'expliquer sur le rapport de l'inspecteur du travail, qui concluait à l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de la salariée, la cour d'appel n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments produits par la salarié afin d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu que, prenant en compte l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis et, notamment, le rapport de l'inspecteur du travail, la cour d'appel, qui a constaté que le seul élément établi concernait l'emportement du supérieur hiérarchique de la salariée au cours d'une réunion de travail et que cet emportement ne visait personne en particulier, a estimé qu'il n'était pas établi de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme
X...
aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour Mme
X...
.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme
X...
de ses demandes de dommages et intérêts et en nullité de la rupture anticipée du contrat de travail pour harcèlement moral ;

Aux motifs que « Le 11 juillet 2005, l'inspection du travail a dénoncé au procureur de la république un harcèlement moral au sein de l'association ainsi que des menaces de mort, agressions physiques et verbales, injures et insultes.

Le procès-verbal et le courrier de l'inspection du travail mettent en cause Madame A..., Madame Y..., Madame Myriam B..., Madame C...et Monsieur Y...pour harcèlement moral ; ce dernier est en outre visé comme étant l'auteur d'agressions physiques et verbales à plusieurs reprises envers des salariés, notamment envers M. D...et Madame E....

L'inspecteur du travail indique que Monsieur Y...emploie couramment les termes « poufiasse, connasse, pédé, beauf, connard, bon à rien, enculé, je te vomis » et que ces propos sont minimisés par la direction et notamment par Madame Y...qui a déclaré que pour Monsieur Y...« les femmes sont des poufiasses et les hommes sont des pédés, mais ce ne sont que des mots sans importance ». Il conclut que plusieurs ont exprimé, du fait de ces agissements répétés, un sentiment de peur voir de terreur, que certains ont choisi de se taire et que plusieurs salariés ont subi une forte dégradation de leur santé physique ou mentale.

Il est à noter que Monsieur D...a établi, pour le présent litige, une attestation favorable à Monsieur Y....

Le procureur de la République a diligenté une enquête qui a été classée sans suite au motif d'infraction insuffisamment caractérisée.

Au cours de cette enquête, Monsieur Y...a reconnu s'être emporté lors d'une réunion le 14 mars 2005, entre midi et deux heures, dont il a décrit le déroulement ainsi qu'il suit : il a critiqué le travail fourni par l'association ainsi que le manque de solidarité entre certains membres, sans viser nommément qui que ce soit. Madame
X...
et Madame Stéphanie F...ont haussé le ton et ont insulté un collègue, Monsieur G..., le traitant de bouffon et mettant en cause sa compétence. Il s'est alors enflammé, a crié et a dit qu'elles étaient des pouffiasses. Madame Y...est intervenue pour calmer les esprits et il s'est excusé au cours de la réunion puis dans l'après midi car ses mots avaient dépassé sa pensée.

Les policiers ont entendu C...divorcée Y...qui a déclaré que le ton est monté au cours de cette réunion lorsque Monsieur Y...a exprimé, de façon maladroite, son dépit quant au déclin de l'association, aux plaintes de certains partenaires et au manque de solidarité au sein de l'équipe. Elle a confirmé que Monsieur Y...s'est excusé à deux reprises d'avoir utilisé le mot « poufiasse ».

Elle a précisé qu'elle a reçu Monsieur G...qui s'était plaint à plusieurs reprises de l'attitude de Madame
X...
, car cette dernière le dénigrait toujours en public et que des stagiaires lui avaient rapporté que Madame X... les traitait de « cons » en plein cours.

Madame Myriam B..., adjointe de direction, a confirmé que Monsieur Y...a déclaré au cours de cette réunion qu'il « ne voulait pas travailler avec des poufiasses » et qu'il a reconnu s'être emporté.

Les parties produisent de nombreuses attestations qui relatent le déroulement de cette réunion qui font toutes état de l'emportement de Monsieur Y..., et de ses propos déplacés.

Il est prouvé que Monsieur Y...a eu une attitude fautive lors de cette réunion, mais cet épisode isolé ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral qui suppose des agissements répétés.

Aucun élément de nature à établir des agissements n'est produit par Madame
X...
, alors que l'association CIERES verse aux débats environ 60 attestations émanant des membres du conseil d'administration, de salariés ou de personnes ayant travaillé avec l'association CIERES qui toutes font l'éloge de l'ambiance chaleureuse et professionnelle régnant au sein de l'association, des qualités professionnelles et humaines de Monsieur Y....

Quatre salariés de l'équipe de Monsieur Y...ont signé une pétition par laquelle elles certifient sur l'honneur que Monsieur Y...est « une personne intègre, luttant contre toutes les formes de discrimination », qu'il « n'a jamais eu aucun écart de langage ou acte déplacé envers les stagiaires ou les salariés » et qu'il « a instauré une ambiance de travail respectueuse et agréable ».

Il est à noter que deux témoins indiquent que Madame X... leur a demandé de témoigner à l'encontre de Monsieur Y....

Enfin, les certificats médicaux produits par Madame
X...
ne font que rapporter ses propos quant à un harcèlement, lequel n'a pu être constaté par le médecin.

En conclusion, le harcèlement invoqué par Madame
X...
n'est pas établi ; elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef de même que de celle relative à la nullité du licenciement » ;

1/ Alors qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments produits par le salarié pour établir des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, rechercher si de tels éléments sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens du texte précité ; qu'en écartant l'existence d'un harcèlement moral, après avoir pourtant relevé que l'inspecteur du travail avait dénoncé des faits de harcèlement moral au procureur de la république et avait rapporté le comportement habituellement injurieux et agressif de M. Y...à l'égard des autres salariés de l'entreprise, élément permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

2/ Alors, en tout état de cause, qu'en se dispensant de s'expliquer sur le rapport de l'inspecteur du travail, qui concluait à l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de la salariée, la Cour d'appel n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments produits par la salarié afin d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-14748
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mai. 2012, pourvoi n°11-14748


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14748
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