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23/05/2012 | FRANCE | N°11-11796

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 mai 2012, 11-11796


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 octobre 2010), que les époux X... ont acquis par acte notarié du 17 juin 1999 un immeuble à usage d'habitation appartenant à M. Y... ; que des traces d'humidité étant apparues dans les pièces situées au sous-sol, les acquéreurs ont fait dresser un procès-verbal de constat, obtenu par ordonnance de référé du 19 septembre 2000 la désignation d'un expert judiciaire, puis assigné le vendeur aux fins d'obtenir des dommages-et-intérêts ;

Sur le prem

ier moyen :

Vu les articles 1115, 1116 et 1117 du code civil ;

Attendu que p...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 octobre 2010), que les époux X... ont acquis par acte notarié du 17 juin 1999 un immeuble à usage d'habitation appartenant à M. Y... ; que des traces d'humidité étant apparues dans les pièces situées au sous-sol, les acquéreurs ont fait dresser un procès-verbal de constat, obtenu par ordonnance de référé du 19 septembre 2000 la désignation d'un expert judiciaire, puis assigné le vendeur aux fins d'obtenir des dommages-et-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1115, 1116 et 1117 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de dommages-et-intérêts, l'arrêt retient que les acheteurs qui ne demandent pas la nullité de la vente mais l'attribution d'un montant équivalent au coût des travaux de remise en état sollicitent en réalité la poursuite et l'exécution du contrat de vente et ne peuvent dès lors réclamer des dommages-et-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle en application de l'article 1382 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 du code civil n'exclut pas l'exercice d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1643 du code civil ;

Attendu que pour admettre M. Y... à se prévaloir de la clause de non garantie, l'arrêt retient qu'il ne peut être raisonnablement soutenu qu'il serait un professionnel de l'immobilier même s'il a entrepris à plusieurs reprises la construction d'habitations et qu'il reste un vendeur de bonne foi ayant pu sans dol ignorer le vice affectant la chose vendue, les témoignages étant contradictoires et les acheteurs ne démontrant pas les manoeuvres dolosives alors qu'ils ont la charge de la preuve ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne suffisent pas à exclure la connaissance des vices par le vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour les époux X...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les requérants de leur demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, outre les intérêts et la capitalisation de ces derniers ;

Aux motifs que la jurisprudence qui s'est développée à partir des dispositions de l'article 1116 du code civil permet à la victime du dol, outre la nullité du contrat, d'exercer une action en responsabilité délictuelle pour obtenir la réparation du préjudice qui lui est causé par l'annulation de cette convention ; qu'ainsi la demande en dommages-intérêts à titre délictuel est recevable pour autant que l'annulation de la vente soit demandée, une telle jurisprudence ne faisant donc pas échec au principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ; qu'en l'espèce M. et Mme X..., qui ne demandent pas la nullité de la vente emportant la restitution du prix de vente à leur profit et la restitution par eux de la maison acquise dans ces conditions, réclament l'attribution à titre de dommages-intérêts d'un montant équivalent au coût des travaux de remise en état et de remise en conformité avec les règles de l'art de la construction qui leur a été vendue par M. Y..., et non pas la réparation du préjudice consécutif à l'annulation de la vente ; que dans ces conditions, il doit être jugé que, demandant en réalité la poursuite et l'exécution du contrat de vente d'immeuble, ils ne peuvent en sus réclamer des dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle par application de l'article 1382 du code civil ; que cette demande est par conséquent irrecevable (arrêts motifs p. 4 et 5) ;

Alors que le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 du code civil n'exclut pas l'exercice par la victime des manoeuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle, exclusive de toute demande d'annulation du contrat, pour obtenir de leur auteur la réparation du préjudice qu'elle a subi ; qu'en affirmant que faute de demander l'annulation de la vente, la demande en dommages-et-intérêts à titre délictuel des époux X... n'était pas recevable, la cour d'appel a violé les articles 1116, 1117 ensemble l'article 1382 du code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les acquéreurs de leur action en garantie des vices cachés en permettant au vendeur de se prévaloir de la clause de non garantie insérée à l'acte ;

Aux motifs qu'en vertu des articles 1641et 1643 du code civil, l'acheteur doit établir que le vice caché dont il se plaint était présent antérieurement à la vente, le vendeur qui n'a pas été de bonne foi ne pouvant se soustraire à sa responsabilité propre en invoquant une clause d'exclusion de garantie … ; qu'il ressort de l'expertise produite par M. et Mme X... que les acquéreurs fournissent la démonstration de l'existence du vice, de son caractère caché et de son antériorité par rapport à la vente conclue par acte notarié du 17 juin 1999 ; qu'il y a lieu de rechercher sur l'application de la clause de non garantie insérée à l'acte si M. Y..., qui n'est pas un professionnel de l'immobilier, a été de mauvaise foi ; que M. et Mme X... ne peuvent tirer argument, pour démontrer la commission par M. Y... de manoeuvres dolosives le privant du bénéfice de la clause de non garantie, de la mention du rapport d'expertise sur la dissimulation des infiltrations par différents subterfuges, l'expert s'étant en réalité borné à reprendre les doléances qui lui ont été présentées par M. et Mme X... ; que plus utilement, les acquéreurs ont versé aux débats des attestations prouvant selon eux les manoeuvres dolosives accomplies par M. Y... pour leur cacher les infiltrations déjà existantes, notamment en appliquant par endroits un nouveau crépi ou en installant des immeubles dans des pièces à usage de cave ; qu'ils ont ainsi produit en ce sens des attestations émanant d'un architecte, du beau-père de M. X..., d'un entrepreneur ayant posé du parquet et de personnes ayant aidé M. X... lors de son emménagement dans la maison vendue par M. Y..., ces témoins ayant expliqué que, s'étant étonnés de la présence en différents endroits du crépi intérieur de traces de rebouchage avec une spatule, le propriétaire a répondu que les enfants avaient tiré avec une carabine à air comprimé dans les cloisons et qu'il avait fallu reboucher ces trous, que la maison lorsqu'elle a été visitée par les acquéreurs était complètement meublée, que les murs et le plafond avaient été repeints, que le soussol était complètement équipé d'étagères et d'objets domestiques d'ailleurs vendus par M. Y... à la famille X... ; que toutefois ces attestations sont contredites par celles versées en défense par M. Y..., émanant essentiellement de personnes ayant aidé la famille Y... à déménager au printemps 1999, ces témoins, amis des vendeurs, ayant indiqué quant à eux qu'ils n'ont constaté aucune trace d'humidité lors du déménagement au printemps 1999, que le sous-sol était en maçonnerie brute, que les murs étaient crépis, qu'aucun meuble n'était posé contre les murs du sous-sol, que le sous-sol avait servi uniquement de cave et que lors du déménagement la cave a été vidée ; qu'en l'état de ces témoignages contradictoires, la cour juge que M. et Mme X..., auxquels incombe la charge de prouver les manoeuvres dolosives qu'ils attribuent à leurs vendeurs, sont ainsi défaillants au plan de la preuve ; que par suite M. Y..., qui reste un vendeur de bonne foi ayant pu sans dol ignorer le vice affectant la chose vendue doit être admis à se prévaloir de la clause de non garantie contractuelle, étant remarqué au demeurant qu'il ressort de l'expertise et des témoignages délivrés en sa faveur que la période qui s'est écoulée entre la construction de l'habitation au courant des années 1995 à 1997 et la date de la vente en mai 1999, est relativement réduite ; que le jugement dont appel doit être infirmé en ce que le bénéfice de la clause de non garantie a été refusé à M. Y... (arrêt analyse pages 5 à 8.) ;

1°/ Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 1643 du code civil que le vendeur professionnel est irréfragablement présumé avoir connu lors de la vente les vices cachés et ne peut s'exonérer contractuellement de sa garantie ; que le fait, constaté par l'expert, pour le vendeur d'avoir entrepris la construction d'une dizaine de maisons à l'identique suffisait à caractériser la qualité de vendeur professionnel au sens du texte précité de M. Y... comme l'avaient relevé les premiers juges ; qu'en affirmant le contraire s'en autrement sans expliquer, la cour a violé les dispositions de l'article 1643 du code civil ;

2°/ Alors, subsidiairement, qu'en vertu des articles 1643 et 1645 du code civil, le vendeur profane ne peut s'exonérer contractuellement de la garantie des vices cachés dont il avait connaissance ; que pareille connaissance qui suffit à établir la mauvaise foi du vendeur n'exige pas la démonstration d'un dol complémentaire pour priver de tout effet la clause d'exonération ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé les textes susvisés ;

3°/ Alors, en tout état de cause, qu'en l'état des propres constatations de la cour d'appel sur l'origine des vices cachés en relation exclusive avec les travaux non conformes réalisés par le vendeur lui-même avant la vente, la cour n'a pas tiré les conséquences nécessaires de ses propres constatations établissant la connaissance par le vendeur des vices cachés, violant ainsi derechef les dispositions de l'article 1643 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-11796
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 14 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 mai. 2012, pourvoi n°11-11796


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11796
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