La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2012 | FRANCE | N°11-84091

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2012, 11-84091


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 4 mai 2011, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de publication et d'affichage, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 26

9.2 et 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 4 mai 2011, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de publication et d'affichage, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 269.2 et 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale ;
"aux motifs que l'examen comparé de la comptabilité de la société Qualyserv et des déclarations de TVA déposées par cette société a permis de constater des discordances importantes, répétées et en augmentation constante entre les opérations apparaissant en comptabilité et celle déclarées et imposées à la TVA ; que la société Qualyserv exerçant une activité de travail temporaire, soit de prestations de services, l'exigibilité de la TVA intervient lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou du paiement de la facture par le client en application de l'article 269.2 du code général des impôts ; qu'il apparaît que l'administration des impôts a constaté l'existence dans la comptabilité d'écritures d'encaissements relatives aux prestations en cause n'ayant pas été déclarées et assujetties à la TVA ; que M. X... soutient que dès lors que la société Qualyserv avait recours à une société d'affacturage pour l'encaissement de ses factures, l'encaissement étant alors différé au moment où la facture est effectivement payée par le débiteur, l'administration des impôts aurait confondu le fait générateur de la TVA avec le fait générateur de l'impôt sur les sociétés ; que cependant, il est de jurisprudence constante que le recours à une société d'affacturage ne fait pas disparaître l'élément matériel du délit, la Cour de cassation ayant notamment décidé que «dans le cas où le prestataire de services fait appel à une société d'affacturage, l'exigibilité de la TVA intervient à la date du paiement de la créance par le débiteur ; qu'il appartenait à X de s'enquérir auprès de la société d'affacturage des encaissements réalisés au cours du mois précédent ; qu'il lui appartenait également de prendre toutes dispositions pour vérifier la teneur de ces déclarations et leur dépôt dans les délais impartis» ; qu'il résulte du dossier et des pièces communiquées que l'administration des impôts a établi les encaissements réalisés par la société à partir des soldes clients lesquels retracent les règlement effectifs par les clients ; qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir méconnu les règles fiscales ; que, de plus, les anomalies constatées s'étant poursuivies durant deux exercices comptables successifs, M. X... était donc nécessairement au courant des décalages qu'il invoque entre les paiements qu'il a reçus de son facturier et ceux versés par ses clients à ce dernier puisqu'il a pu les constater lors de l'exercice 2004-2005 et que la situation s'est reproduite sur l'exercice suivant ; que M. X..., qui par ailleurs est dirigeant de nombreuses autres sociétés, dont certaines effectuent aussi des prestations de service, ne peut sérieusement soutenir qu'il était de bonne foi alors qu'il avait ainsi une parfaite connaissance de ses obligations de déclaration en matière de TVA consistant à déclarer l'ensemble de la TVA collectée, l'exigibilité intervenant lors du paiement de la facture par le client dont il connaissait parfaitement la date par le biais des relevés de la société d'affacturage ou les relevés du compte bancaire de la société, d'autant que la TVA encaissée figurait bien au titre de chaque période au crédit du compte de TVA collectée et de la dette TVA au passif du bilan ;
"alors que M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les déclarations de TVA avaient été établies conformément aux bordereaux établis par la société d'affacturage à laquelle la société Qualyserv avait recours pour l'encaissement de ses factures ainsi que cela ressortait des pièces qu'il versait aux débats et en déduisait que l'écart constaté entre les sommes figurant dans ces déclarations et celles inscrites dans la comptabilité s'expliquait uniquement par le fait que l'administration fiscale avait considéré que le fait générateur de la TVA était la date à laquelle la société d'affacturage créditait le compte de la société Qualyserv et non, comme ce doit être le cas, la date du paiement de la créance à la société d'affacturage par le débiteur ; qu'en se fondant, pour dire que l'administration fiscale poursuivante n'avait pas méconnu les règles fiscales, sur la circonstance qu'elle avait reconstitué les encaissements réalisés par la société Qualyserv à partir des soldes clients retraçant les règlements effectués à la société d'affacturage, ce qui n'excluait pourtant pas que l'administration des impôts ait fixé la date d'exigibilité de la TVA à la date à laquelle la société d'affacturage avait crédité le compte de la société Qualyserv, la cour d'appel, qui n'a donc pas exclu que l'écart constaté entre les opérations apparaissant en comptabilité et celle déclarées et imposées à la TVA était, ainsi que M. X... en offrait la preuve, le résultat d'une erreur de l'administration des impôts dans l'application des règles fiscales qui l'avait conduite à considérer à tort qu'une partie des sommes soumises à la TVA avait été minorée, n'a pas donné une base légale à sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution, 112-1 du code pénal, 591 et 592 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a ordonné la diffusion de sa décision par extraits dans le Journal officiel de la République française et dans le journal Nice Matin ainsi que son affichage pendant un mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune de Nice ;
"aux motifs que la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 a modifié l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts qui rend désormais facultatif le prononcé de la peine complémentaire de publication et d'affichage de la décision ; que s'agissant de la diffusion, le ministère public soutient qu'il s'agit d'une peine complémentaire qui n'est pas encourue en l'espèce en vertu du principe de non-rétroactivité des lois pénales ; que cependant, la peine était encourue au moment des faits en vertu de la loi applicable au jour de l'infraction et alors régulièrement en vigueur, l'abrogation résultant de la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010 ne valant que pour l'avenir ; qu'au jour où la cour statue, la peine est toujours encourue, en vertu d'une disposition légale nouvelle du 29 décembre 2010 qui est plus douce comme laissant une complète latitude au juge de la prononcer ou non ainsi que de moduler son application ; que la loi nouvelle plus douce peut par conséquent être appliquée à la répression de faits commis antérieurement à son entrée en vigueur sans compromettre le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ; que le bref intervalle apparu entre l'abrogation de la loi antérieure et l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, parenthèse de nature purement technique pendant laquelle la peine complémentaire n'était certes pas encourue, ne constitue pas un troisième état du droit susceptible de produire d'effet autrement que pour les seuls actes juridiques qui se sont produits pendant celui-ci, tel le cas rencontré par la cour de céans qui a rendu un arrêt pendant cet intervalle et constaté qu'au jour où elle statuait la peine complémentaire n'était plus encourue, ce qui n'a constitué qu'une aubaine pour le condamné considéré et ne compromet pas le principe d'égalité des citoyens devant la loi ; qu'eu égard au comportement délictuel de M. X..., la cour ordonne, en application des articles 1741, alinéa 4, du code général des impôts et 131-35 à 131-39 du code pénal, la diffusion du présent arrêt dans le Journal République française et dans le journal Nice Matin ainsi que l'affichage pendant un mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune de Nice ;
"alors que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère s'oppose à l'application, à des faits commis avant son entrée en vigueur, d'une loi instituant une peine complémentaire facultative quand bien même cette loi succéderait à une loi qui faisait de cette peine une peine complémentaire obligatoire dès lors que cette dernière loi a été abrogée par le Conseil constitutionnel avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en faisant application des dispositions de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ayant inséré à l'article 1741 du code général des impôts un alinéa aux termes duquel la juridiction peut ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage et la diffusion de sa décision tout en constatant qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, la peine complémentaire d'affichage et de diffusion n'était pas prévue, le Conseil constitutionnel ayant, par une décision du 10 décembre 2010, abrogé l'alinéa 4 de l'article 1741 du code général des impôts qui obligeait la juridiction à ordonner la publication et l'affichage de sa décision, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Vu l'article 111-3 du code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt ordonne, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application des dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces dispositions ont été abrogées par la décision du Conseil constitutionnel, en date du 10 décembre 2010, et que les faits, commis du 1er septembre 2004 au 31 août 2006, sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 2010 édictant à nouveau ces sanctions, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 mai 2011, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la publication et l'affichage de la décision, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Canivet-Beuzit conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84091
Date de la décision : 16/05/2012
Sens de l'arrêt : Cas. part. par voie de retranch. sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mai. 2012, pourvoi n°11-84091


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.84091
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award